Le déclin de Van Hool et les talents perdus de 1999

Toon De Proft, CEO van Septentrio

Les germes du déclin de l’ancien groupe automobile tout-puissant remontent à l’année 1999. Alfons, le fils aîné du fondateur Bernard Van Hool, considéré comme un mentor, a fait ses adieux cette année-là. Ensuite, quatre des cinq talents les plus prometteurs de la troisième génération ont également quitté l’entreprise, dont l’une des filles d’Alfons.

Le 29 avril 1999, Alfons Van Hool et son cousin Carl Van Hool ont démissionné des sociétés Van Hool SA et Immoroc SA, le holding de contrôle du groupe automobile. Derrière cette annonce apparemment anodine dans le Moniteur belge se cachait un mouvement qui allait agiter l’entreprise familiale pendant des années. En effet, deux des trois branches centrales, héritières de Bernard Van Hool, faisaient ainsi leurs adieux à l’entreprise familiale. En septembre 1999, une troisième branche, autour de Paul Van Hool, tirait également sa révérence.
 Ainsi disparut peut-être le plus grand talent de la famille.

En 1947, Alfons, le fils aîné de Bernard, a participé à la création de ce qui est devenu plus tard l’une des plus grandes entreprises flamandes. Pendant trois décennies, il en a été le directeur général. Au moment de sa retraite, il était président du conseil d’administration. Dans un article paru en octobre 1996, Trends-­Tendances décrivait Alfons comme “le mentor. Le fer de lance d’un management purement familial. Un leader dont les milieux syndicaux louaient la classe et la capacité à unir la famille”.


L’influence d’Alfons a été profonde. En 1995, il s’est retiré des opérations quotidiennes. En tant que président du conseil d’administration, le descendant de la deuxième génération préparait les dirigeants de la troisième génération à lui succéder. De ses quatre filles, seule Isabelle, avocate de formation, travaillait dans l’entreprise familiale. Membre du comité exécutif, elle était pressentie comme l’héritière.

Les descendants prometteurs de la troisième génération étaient au nombre de cinq. Outre Isabelle, il y avait Carl, ingénieur civil, fils de Leon Van Hool (1936-1983), issu de la deuxième génération et décédé prématurément. Venaient ensuite Marc et Wim Van Hool, fils de Paul. Et Filip Van Hool.

Avec le départ d’Alfons Van Hool, disparut le mentor, 
le fer de lance de la famille dans le groupe automobile.

Un rachat familial coûteux

Seul ce dernier est resté en 1999, occupant le poste de co-CEO jusqu’à la faillite du lundi 8 avril dernier. Les quatre autres jeunes se sont envolés vers d’autres horizons. Une différence de vision stratégique a entraîné leur départ. Avec cette fuite, le groupe automobile n’a pas seulement perdu des talents humains.

Le rachat marquera pendant des années les résultats des différentes entreprises autour de Van Hool. Les dettes bancaires du holding Immoroc SA, propriétaire de la société d’exploitation Van Hool SA, ont grimpé à près de 86 millions d’euros au cours de l’exercice 1999-2000, contre moins de 12 millions d’euros l’année précédente. De même, chez Trafinco, actionnaire à son tour à près de 40 % de Immoroc SA, les dettes bancaires ont grimpé à 58 millions d’euros au cours de l’exercice 1999-2000 (0 euro au cours de l’exercice précédent).


Au moment de son départ en avril 1999, Alfons Van Hool avait 70 ans. Dans les années qui suivirent, il exerça encore des mandats d’administrateur. Au cours de l’été 2013, il succombe à une défaillance cardiaque. “La renommée des gens n’est qu’une apparence, on ne peut être grand que par de petites choses”, pouvait-on lire dans sa nécrologie.

Le rachat des parts des membres de la famille a grevé les résultats de ­plusieurs entreprises du groupe pendant des années.

Comment se portent les affaires des quatre filles Anne-Marie, Beatrice, Caroline et Isabelle ? Isabelle est celle qui détient le plus de mandats, selon la base de données économico-financières Trends Business Information. Avec sa sœur Béatrice, elle est administratrice d’Alfineon et de Navilion. Ces deux véhicules d’investissement sont détenus par les deux branches familiales autour d’Alfons et de Carl Van Hool.

Fin 2022, Alfineon affichait un bilan de six millions d’euros et presque autant de fonds propres. Le holding détient toutes sortes d’intérêts dans des fonds, principalement actifs dans le domaine de la santé. C’est ce qui ressort d’une liste détaillée des investissements dans un acte de société datant de fin 2020. L’entreprise y prend des participations minoritaires dont le montant peut atteindre un million d’euros ou plus. Alfineon est par exemple à la table de Health Economics Privak II.

Rudy Dekeyzer

La société autour de l’inspirateur Rudy Dekeyzer, ancien directeur général de l’Institut flamand de recherche en biotechnologie, a des intérêts dans plusieurs entreprises de soins de santé. Le holding des familles Van Hool a d’autres intérêts dans le domaine de la santé, notamment dans un fonds autour de l’institut de recherche Imec de Louvain (Imec XPand Fund), ou dans Droia Oncology ­Ventures, un fonds de biotechnologie pour le traitement du cancer.

Jürgen Ingels

L’entrepreneur en série Jürgen Ingels a également réussi à convaincre la famille d’investir dans le fonds technologique Smartfin Capital. La famille est également actionnaire de Septentrio, un spécialiste des récepteurs de navigation par satellite à Louvain. Xenomatix, une entreprise spécialisée dans la numérisation des rues, du revêtement routier et des égouts, est une autre participation à Louvain. Xenomatix a été élue ambassadrice des Gazelles dans la catégorie des moyennes entreprises du Brabant flamand en 2022 et 2023.

Une autre Gazelle

Avec son mari Yves Van Bavel, Isabelle Van Hool possède une autre entreprise, Primmo, qui s’occupe de biens immobiliers. Cette société, dont le bilan s’est élevé à plus de cinq millions d’euros fin 2022, comprend des bâtiments situés à un jet de pierre de la Tour Zimmer, au cœur de Lierre, en province d’Anvers.


Après avoir quitté Van Hool, Isabelle et son mari étaient surtout à la recherche d’un nouveau défi. Ils l’ont trouvé chez Seamco à Herentals. Ils ont racheté l’entreprise fin 1999, via le holding Project Packaging Systems. Seamco a également figuré dans les classements des Gazelles en 2022 dans la province d’Anvers. L’entreprise fabrique notamment des machines pour emballer des boîtes en carton ou filmer des bouteilles remplies. Seamco fabrique également des lignes de remplissage et d’emballage pour le lait et le shampoing.
Pourtant, les choses ne vont pas vraiment bien chez Seamco.

Selon le bilan du dernier exercice déposé (2022), l’entreprise était déficitaire. Elle sort déjà d’une période de restructuration, puisqu’elle a été mise en cessation de paiement en 2020 et a trouvé un accord avec ses créanciers sur un plan de redressement. Aujourd’hui, la situation n’est pas vraiment claire. A la fin de l’année dernière, l’exercice financier a été prolongé jusqu’à la fin du mois de septembre 2024. Une prolongation de l’exercice financier peut indiquer des résultats faiblards. Et une augmentation de capital de plus d’un million d’euros a eu lieu à la mi-mai.

Isabelle Van Hool n’a pas souhaité s’entretenir avec notre magazine.

Deux hôtels à Anvers

Beatrice Van Hool, surnommée “Mouche”, a opté pour une activité tout à fait différente. Elle exploite deux hôtels à Anvers. Elle a commencé par l’hôtel Julien en 2004, à l’ombre de la cathédrale. L’hôtel August a suivi en 2019, dans ’t Groen ­Kwartier. Ce site de huit hectares qui accueillait autrefois un hôpital militaire abrite également le restaurant bi-étoilé The Jane, dirigé par le chef Nick Bril.


A l’occasion de l’ouverture de l’hôtel August en avril 2019, le supplément Sabato du Tijd, avait publié un portrait détaillé de “Mouche” Van Hool et de ses deux hôtels. L’hôtel August dispose de 41 chambres et suites et d’un restaurant de 55 couverts. L’hôtel Julien, plus ancien, comptait 20 chambres. En 2010, la capacité a été doublée grâce à l’achat et la transformation d’un bâtiment adjacent. L’hôtel Julien attire des clients fortunés et des hommes d’affaires. Il n’était pas possible de poursuivre l’expansion à l’ombre de la cathédrale, c’est pourquoi l’hôtel August a vu le jour.

“Mouche Van Hool semble être née pour l’hôtellerie : chaleureuse, accueillante et attentive”, écrivait le journaliste de Sabato. On se sent immédiatement à l’aise avec elle. Pourtant, c’est une autodidacte dans ce secteur.” Mouche n’a jamais travaillé dans l’entreprise familiale Van Hool.


Derrière les deux hôtels se trouvent quatre entreprises. La plus importante est Kloosterkwartier. Son bilan, qui s’élevait à plus de 15 millions d’euros à la fin de l’année 2022, comprenait principalement les biens immobiliers de l’hôtel August. La société Morilo BV exploite l’hôtel Julien et est à nouveau rentable depuis 2021 après plusieurs années déficitaires. Les deux sociétés d’exploitation de l’hôtel August, la BV August Inn (le restaurant) et la BV Henri-August, le sont moins. Toutes deux ont été rentables au cours de l’exercice 2022, mais leurs capitaux propres sont négatifs en raison des pertes reportées.


Beatrice Van Hool n’a pas non plus voulu s’entretenir avec nous.

De Saverys à 
Vanden Avenne

La troisième sœur, Anne-Marie Van Hool (également connue sous le nom d’Amie), s’est fait connaître en investissant notamment dans la société BV OTL Invest. Cette entreprise située à Herent, en Brabant flamand, gère un cabinet pour les personnes souffrant de troubles cérébraux non congénitaux, par exemple à la suite d’un accident de la circulation. Les descendants de la famille d’armateurs Saverys financent également l’institution.


La dernière sœur est Caroline Van Hool. Elle fut mariée à Marc Vanden Avenne, un descendant de la célèbre dynastie agricole et alimentaire de Flandre-Occidentale. Aujourd’hui, selon Trends Business Information, Caroline Van Hool détient encore un mandat dans la société immobilière Huizebeek. Ce mandat appartient à sa tante Suzanne Govaerts.

Avec son mari, Suzanne dirigeait à Itegem, près de Heist-op-den-Berg, la marque de café Fort, autrefois très connue. Au début des années 1960, le torréfacteur d’Itegem employait jusqu’à 600 personnes. Fort était distribué par un réseau de 16.000 détaillants. Aujourd’hui, la marque appartient à Beyers Koffie. Alfons Van Hool avait épousé Joanna Govaerts, la sœur de Suzanne.

© BELGA

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