Le coût salarial n’est pas le seul frein aux exportations
Plus que la compétitivité, c’est le dynamisme des marchés potentiels qui soutient les exportations belges, constate une étude de l’Ires.
Ces sempiternelles discussions sur la compétitivité de l’économie belge seraient-elles, au moins partiellement, vaines ? La question se pose à la lecture de la dernière livraison des Regards économiques de l’Ires (UCL). Vincent Bodart et Sébastien Fontenay y décortiquent l’évolution des exportations belges et constatent que le facteur dominant n’est pas la compétitivité mais plutôt le dynamisme des marchés potentiels à l’exportation. Un constat un brin démoralisant pour nos décideurs politiques : ils peuvent faire ce qu’ils veulent, ils ne pèsent que marginalement sur le levier essentiel de la croissance des exportations, à savoir la santé économique de l’Europe en général et des pays voisins en particulier.
Les mesures en faveur de la compétitivité peuvent même alors se révéler contre-productives. ” Dans un contexte de faible conjoncture, promouvoir la modération salariale pourrait ne pas avoir les bienfaits attendus sur la croissance économique, écrivent Vincent Bodart et Sébastien Fontenay, s’il s’avère que l’impact positif de la modération salariale sur les exportations n’est pas suffisamment important pour compenser son impact négatif sur la consommation des ménages. ”
Faudrait-il donc ranger aux oubliettes tout ce débat sur la compétitivité ? Non, cette même étude indique que, depuis la crise de 2008, la part du facteur ” compétitivité ” pèse un peu plus lourd dans l’évolution de nos exportations. Et cela s’accentue même pour les deux derniers exercices repris dans l’étude, à savoir les années 2014 et 2015. Selon le Bureau du Plan, en 2016, les exportations belges ont même progressé plus rapidement que les marchés potentiels. Cela ne devrait toutefois plus être le cas pour la période 2017-2021.
Attention à éviter ici un raccourci fréquent : le coût salarial n’est pas le seul élément de la compétitivité. Celle-ci est également influencée par le prix des produits intermédiaires et des services, ainsi que par le taux de marge. Or, entre 1996 et 2015, ” la compétitivité-prix ” de la Belgique s’est dégradée encore plus nettement que ” la compétitivité-coût salarial “. ” La sauvegarde de la compétitivité implique de veiller à contrôler l’évolution de tous les facteurs qui interviennent dans la formation des prix à l’exportation, écrivent les deux auteurs, et de ne pas se concentrer uniquement sur le contrôle des coûts salariaux. ”
Vincent Bodart et Sébastien Fontenay soulignent enfin que toute amélioration de la compétitivité ne se répercute qu’à environ 70 % dans la croissance des exportations. Sans doute en raison d’un manque de dynamisme à l’international, de lacunes dans l’innovation, le positionnement des produits ou de destinations géographiques. La Banque nationale a montré que la croissance des exportations repose à 80 % sur les acquis : peu de nouveaux produits, quasi pas de nouveaux marchés ou de nouvelles entreprises exportatrices.
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