L’e-commerce, une opportunité pour le secteur aérien

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La part de l’e-commerce ne cesse d’augmenter et devient une opportunité pour le fret aérien. La rapidité avec laquelle les consommateurs souhaitent avoir accès à leurs achats continue de stimuler la demande. Un challenge pour l’industrie aérienne mais également une opportunité pour les aéroports régionaux.

L’essor du commerce électronique est une bénédiction pour l’ensemble du secteur, confirme Nikolai Schaffner, vice-president e-commerce chez Swissport, fournisseur de services aériens. Après la pandémie de Covid-19, alors que la capacité des gros-porteurs passagers a augmenté lentement et que la capacité des avions-cargos est restée relativement constante, le secteur aurait été confronté à un écart substantiel entre l’offre et la demande sans le commerce électronique.”

Après la crise sanitaire, durant laquelle le commerce électronique a augmenté d’environ 30%, la croissance du secteur a ralenti, mais est restée solide, augmentant de 10 à 12% les années suivantes, indique l’Association du transport aérien international (IATA) dans son rapport intitulé Cargo Operations – 2025 Strategic Priorities Report. Au premier semestre 2024, l’industrie aérienne a enregistré une augmentation annuelle de 13,4% des tonnes-kilomètres de fret.

“Dopé par une base faible en 2023, une forte demande de commerce électronique et des perturbations du transport maritime mondial, le fret aérien a enregistré des performances record au premier semestre malgré la montée des tensions commerciales et de l’incertitude politique”, explique Éric Dumas, CEO de l’aéroport d’Ostende-Bruges. “Certaines prévisions pour 2024 indiquent un taux de croissance annuel potentiel de 40% pour les volumes du commerce électronique, note Nikolai Schaffner. Il est clair que de tels niveaux de croissance ne sont pas durables indéfiniment et, à terme, le secteur atteindra ses limites de capacité.”

Les comportements d’achat évoluent

Si l’e-commerce a autant progressé ces dernières années, c’est en raison de l’évolution des comportements d’achat des consommateurs. “Des facteurs tels que les tensions géopolitiques, les obstacles économiques, l’inflation et l’instabilité monétaire ont eu un impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs, mais le commerce électronique est réapparu comme une option rentable”, assure le CEO de l’aéroport d’Ostende-Bruges.

De nombreux acheteurs, en particulier sur les marchés occidentaux, se sont habitués à une livraison rapide, à un suivi en temps réel et à la possibilité d’exiger un remboursement en cas de retard, le tout à un prix raisonnable. “Lorsqu’il s’agit de commerce électronique, il est essentiel d’adopter une approche proactive, en s’engageant avec l’ensemble de l’écosystème du fret pour répondre aux besoins du consommateur”, confirme Nikolai Schaffner qui explique être passé d’un prestataire de services au sol axé uniquement sur les compagnies aériennes à une offre de solutions pour l’ensemble de l’écosystème.

Cette croissance actuelle s’explique également par les perturbations en mer Rouge et le harcèlement des Houtis, qui perturbent le trafic vers le canal de Suez, ce qui oblige les navires venant d’Asie à contourner l’Afrique pour joindre l’Europe. “Les transports maritimes sont devenus très chers, ce qui encourage l’avion”, analyse le responsable de l’aéroport d’Ostende-Bruges. Autre tendance qui pousse l’e-commerce : les champions chinois, Temu et Shein, spécialisés dans la mode à bas prix et les produits de grande consommation, qui séduisent de plus en plus les consommateurs. Un créneau dont bénéficie surtout l’aéroport de Liège. Effectivement, “ces acteurs ne passent pas chez nous”, confirme Éric Dumas.

Éric Dumas, CEO de l’aéroport d’Ostende

Un objectif de 300.000 tonnes pour Ostende

Pour l’aéroport d’Ostende, l’e-commerce est devenu un objectif de développement pour les prochaines années. Une nouvelle stratégie a été déployée il y a deux ans afin de renforcer les ressources et investissements en la matière. En moyenne, l’aéroport transporte chaque année entre 20.000 et 30.000 tonnes par an.

Liège voit transiter 1,1 million de tonnes en volume contre 30.000 actuellement à Ostende.

“L’objectif n’est pas de faire un million de tonnes dans les cinq ans, mais si l’on pouvait arriver à 200.000 ou 300.000 tonnes, on serait très satisfait”, ajoute le responsable, confiant dans le rôle que peuvent jouer les aéroport régionaux. “Les grands aéroports sont de plus en plus confrontés à la sursaturation, ce qui rend les aéroports de fret régionaux comme l’aéroport d’Ostende-Bruges idéalement positionnés et équipés pour accueillir une plus grande part des volumes de fret.”

La quasi-intégralité des produits qui transitent à l’aéroport d’Ostende sont des denrées périssables. Celles-ci sont uniquement transportées par avion pour des raisons de conservation et de fraîcheur. “C’est vraiment notre spécialité, note Éric Dumas. On parle essentiellement de fruits et légumes en provenance de la vallée du Nil dans notre cas.”

En toute logique, c’est donc Egyptair le premier et plus gros client de l’aéroport qui représente près de 80% du trafic. Parmi les autres clients, les pays d’Afrique équatoriale et d’Amérique du Sud sont également démarchés. “Ce sont de très gros producteurs de fruits et légumes, mais également de fleurs.” Ces nouveaux démarchages suivent l’abandon de Qatar Airways au profit d’autres aéroports de la région.

“À l’époque, la compagnie venait quatre fois par semaine pour transporter les fleurs, ça a sérieusement pesé sur nos volumes.” Cette décision de Qatar Airways est une des explications avancées par le CEO pour justifier la diminution des volumes de l’aéroport d’Ostende. De 62.000 tonnes en 2020, un score historique, l’aéroport est retombé à 30.000 tonnes.

En Belgique, le champion en la matière est l’aéroport de Liège devenu, l’année dernière, le premier aéroport européen pour les avions”full cargos”, devant le géant Francfort. À titre de comparaison, Liège voit transiter 1,1 million de tonnes. “On doit accepter d’être moins ambitieux en termes de volumes”, poursuit Éric Dumas qui axe sa stratégie sur la différenciation de produits. “Nous allons privilégier la qualité, quitte à être un peu plus chers que les autres.”

Le poids de la géopolitique

Aujourd’hui, c’est principalement l’incertitude géopolitique qui inquiète le secteur. “L’e-commerce provient essentiellement de Chine, rappelle Éric Dumas. Or les élections américaines pourraient avoir des conséquences sur le commerce entre la Chine et les États-Unis, ce qui par effet de levier pourrait nuire à l’Europe.”

Les questions fiscales et douanières restent donc à surveiller par les acteurs du secteur. “Les mesures protectionnistes porteront davantage sur le secteur automobile et technologique, estime pour sa part Nikolai Schaffner. La majorité des produits e-commerce devraient être épargnés.”

Développer la multimodalité
L’un des projets phares de l’aéroport d’Ostende-Bruges est le développement d’un nouveau “cargo village”, à savoir une zone logistique de plus de 48.000 m² d’entrepôts dont les premiers 16.000 m² ont été achevés, construits en collaboration avec l’entreprise Versluys Logistics. “Cela représente un très gros volume de trafic potentiel”, se réjouit le CEO de l’aéroport. Ces installations ont été conçues pour répondre à la demande croissante de solutions pour les marchandises périssables, les produits pharmaceutiques, le commerce électronique et les marchandises diverses. “Ce cargo village va permettre de soutenir et développer la multimodalité”, ajoute Éric Dumas, qui précise qu’Ostende est l’un des rares endroits au monde où l’on trouve un aéroport, un port maritime, une gare ferroviaire et des autoroutes principales dans un rayon de trois kilomètres.

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