Le cas Ferrari: retour sur la stratégie de la marque la plus ronflante de l’industrie italienne
Luxe, sport et finance : existe-t-il mariage aussi réussi que celui dont peut se targuer Ferrari, l’un des constructeurs les plus rentables du monde ? Alors que le championnat de F1 vient de redémarrer, retour sur la stratégie de la marque la plus ronflante de l’industrie italienne.
Ferrari, marque à la renommée mondiale, une des plus fortes d’Italie. Son succès actuel est notamment le résultat d’une stratégie lancée par Sergio Marchionne, ancien patron du groupe Fiat, décédé en 2018. L’homme estimait que la filiale Ferrari avait un énorme potentiel d’appréciation. En 2015, la marque était ainsi introduite en Bourse, quittant le giron du groupe FCA (Fiat Chrysler Automobile, Stellantis aujourd’hui) et ne cessant de gagner de la valeur, de 52 dollars à plus de 410 début mars.
Depuis la création du premier modèle de compétition par Enzo Ferrari, en 1947, à Maranello, près de Modène, où siège encore l’entreprise, la force de Ferrari reste cependant la course. Il s’agit de la seule écurie active en Formule 1 depuis la naissance de cette compétition en 1950. Elle a remporté 16 fois le titre de champion du monde des constructeurs.
Plus de 500 CV et plus de 180.000 euros
Aujourd’hui encore, c’est la course qui inspire ses modèles commercialisés auprès d’un public de passionnés. L’entreprise définit ainsi son marché comme celui de ‘‘la voiture de luxe performante animée par une motorisation de plus de 500 CV, vendue à un prix supérieur à 180.000 euros’’, indique le dernier rapport annuel du groupe. Sa clientèle ? Divisée, selon le document, en deux catégories : les sport car drivers et les pilots.
Le groupe des sport car drivers est constitué de clients disposant de certains moyens, à la recherche de voitures stylées, très performantes mais pouvant rouler partout en transportant des passagers. La récente Purosangue, première quatre-portes de la marque, vendue à partir de 385.241 euros, fait partie de cette catégorie ; elle est animée par un V12 de 725 cv, avec quatre roues motrices. C’est presque la voiture de tous les jours ; elle accueille quatre vraies places, avec une vitesse de pointe de 310 km/h et passe de 0 à 100 km/h en 3,3 secondes. L’élégant coupé Roma (coupé et spider), la Ferrari la plus immatriculée en 2023 en Belgique, joue elle aussi dans cette catégorie.
La clientèle pilots cherche moins le confort que la performance extrême et aime rouler sur circuit, avec notamment la SF90 Stradale, une hybride avec un V8 de 1000 cv (comme sur une F1), au-dessus des 400.000 euros (340 km/h et 2,5 secondes de 0 à 100 km/h). La marque commercialise aussi des véhicules qui ne peuvent circuler que sur circuits, comme la 296 GT3, ou la 499P Modificata, dérivée d’un modèle de compétition, à plus de 5 millions d’euros. Notons que tous ces modèles sont hautement personnalisables.
Une production limitée
Ferrari suit une stratégie “de petit volume pour maintenir une réputation d’exclusivité et de rareté”, continue le document. En 2023, le constructeur a livré 13.633 autos à peine, pour un revenu de 5,97 milliards d’euros. Un chiffre en légère croissance par rapport aux années précédentes (11.155 exemplaires en 2021), mais le groupe continue à limiter la production par rapport à la demande.
Cette approche de petit volume, artisanale, rend évidemment les Ferrari difficiles à acquérir et très désirables. Les concessionnaires n’ayant généralement pas de stock, l’acheteur patiente parfois plusieurs années, facilement trois, avant de recevoir son véhicule. Une fois livré, celui-ci devient un réel actif financier. “Une Ferrari se déprécie peu et prend même de la valeur”, explique un connaisseur. D’autant que les délais de livraison dopent le marché de l’occasion. En général, tout acheteur de Ferrari neuve commence d’ailleurs, en attendant son arrivée, par se procurer un modèle de seconde main. Un marché sécurisé par un suivi sous forme de certification proposé par le département Ferrari Classiche, pour les modèles les plus anciens.
Du reste, pour vendre des voitures, la marque ne fait aucune publicité. Elle se contente de soigner sa clientèle, très fidèle : 74% des acheteurs d’une Ferrari en ont déjà acquis une précédemment. Elle organise des événements à Maranello ou localement. Comme les Esperienze Ferrari, notamment sur la piste de Fiorano (Florence), piste privée du constructeur où les clients peuvent essayer de nouveaux modèles. Elle organise aussi des parcours sur route ou sur piste, ou encore des cours de pilotage (Corso Pilota program).
Et en Belgique ? Les chiffres de la fédération nationale de l’industrie de l’automobile (Febiac) et du SPF Mobilité indiquent pour 2023 un total de 128 immatriculations dans notre pays, en baisse par rapport à 2022 (150). Un chiffre qui correspond à 0,04% du marché belge de l’automobile, devant Bentley (101 immatriculations), Lamborghini (64) ou Aston Martin (54), pour citer d’autres marques de luxe, mais loin derrière Porsche (3.796), qui développe de longue date une stratégie de diversification vers des SUV ou des modèles autour de 100.000 euros.
Notons que ces statistiques sont sujettes à interprétation : comme les autres véhicules de sa catégorie, une Ferrari achetée en Belgique n’y est pas forcément immatriculée, puisqu’elle porte parfois une plaque luxembourgeoise, suisse ou espagnole, selon la demande du client.
Une électrique en 2025, mais le carburant subsistera
Une autre force de la maison Ferrari est sa compétence dans la motorisation. Son image et son ADN sont étroitement associés aux moteurs à carburant (V6, V8, V12), qu’elle fabrique elle-même. Mais comment, dès lors, affronter les contraintes environnementales de l’Union européenne (UE), en particulier l’objectif de 2035, où il ne sera plus possible de vendre des autos émettant du CO2 ? L’entreprise a commencé à commercialiser des véhicules hybrides, qui constituent 44% de ses ventes. Elle a aussi annoncé un modèle électrique pour la fin de 2025, sans donner beaucoup de précisions. Une usine dédiée est en cours de construction à Maranello. Tout le marché est impatient de découvrir la manière dont la marque au cheval cabré transposera son identité sportive dans un modèle à batteries. Sans doute en développant elle-même moteurs et batteries.
Dans tous les cas, Ferrari n’abandonne pas les moteurs à carburant. La décision de l’UE sur l’échéance 2035 autorise, parmi les véhicules à zéro émission, les moteurs à carburant alimentés uniquement avec des e-fuels, fabriqués au départ d’hydrogène vert avec un bilan carbone neutre. Encore expérimentaux, ces e-fuels pourraient coûter plus cher que l’essence, mais cela ne devrait pas constituer un frein pour les propriétaires de modèles à plus de 300.000 euros l’unité.
Reste le défi sportif : marque la plus célèbre des paddocks, Ferrari a remporté les 24 h du Mans l’an dernier, signant de belle manière son retour dans le championnat du monde d’endurance. Mais le constructeur n’a plus été champion du monde de F1 depuis 2007. Frédéric Vasseur, le patron de la F1 chez Ferrari, a annoncé en février l’arrivée du britannique Lewis Hamilton (Mercedes), sept fois vainqueur de cette compétition, à partir de la saison 2025. Le titre Ferrari a bondi de près de 10%. C’est la preuve de l’importance des résultats sportifs pour faire vivre cette marque de luxe. z
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