L’australien Telix choisit la “Belgian radiopharma valley”
L’entreprise inaugure une usine à Seneffe. Elle y réalisera ses produits radiopharmaceutiques utilisés dans le diagnostic et le traitement de plusieurs formes de cancer. Cet investissement créera 70 emplois directs et consolidera le bel écosystème belge dans la médecine nucléaire.
Tout est parti d’une PME liégeoise. ANMI développait des produits radiopharmaceutiques pour le diagnostic et, potentiellement, le traitement du cancer de la prostate quand elle a été rachetée, en 2018, par la société australienne Telix. Celle-ci a amené l’innovation liégeoise jusqu’au marché en Amérique du nord et en Australie et l’illuccix (produit de diagnostic) a déjà généré 275 millions de dollars australiens (165 millions d’euros) de revenu depuis. Cet argent frais permet à Telix d’investir sur le continent européen et c’est la Wallonie, en l’occurrence le zoning de Seneffe, qui a été choisi pour l’implantation d’une unité de production de radio-isotopes.
L’usine devrait être opérationnelle dans un an, après les procédures de validation par les instances officielles. Le site accueillera aussi les laboratoires de recherche de Telix qui, eux, devraient pouvoir commencer leurs activités cet été. Cet investissement de 25 millions d’euros devrait générer au moins septante emplois dans les trois ans.
Des espaces ouverts aux partenariats
Au-delà de cet impact direct, la philosophie d’action de la société australienne est particulièrement intéressante pour la Wallonie. D’abord, elle a pris en charge la remise en état du site, qui appartenait au groupe allemand EZB et où l’on produisait déjà du matériel radiopharmaceutique. Ce chantier incluait notamment le démantèlement de deux vieux cyclotrons, à l’abandon depuis plus de dix ans. Quand on connait les aléas de l’assainissement des friches industrielles, le bouclage du chantier en deux ans est impressionnant.
Ensuite, Telix affiche des ambitions claires de promotion d’un écosystème autour de leur usine. L’entreprise elle-même n’occupe que 5.000 des 35.000 m² acquis sur le zoning de Seneffe. « Le site est ouvert pour l’accueil de partenaires, assure Raphaël Ortiz, CEO de Telix-Europe. Il y a beaucoup de sociétés radiopharmaceutiques en Belgique et elles sont plus complémentaires que concurrentes, nous pouvons collaborer avec tout le monde. » Telix le fait déjà puisque ses isotopes radioactifs viennent de l’IRE (Fleurus) ou du SCK CEN (Mol), elle utilise des synthétiseurs de Trasis pour la réalisation de ses produits et devrait en bonne logique se tourner vers IBA pour l’installation de deux cyclotrons à Seneffe. Raphaël Ortiz n’hésite d’ailleurs pas à parler de « belgian radiopharma valley », en pointant l’éventail de sociétés radiopharmaceutiques ou de laboratoires universitaires mais aussi les entreprises logistiques spécialisés dans l’acheminement de ces substances radioactives. «Ce n’est pas par accident que nous avons investi ici », glisse en souriant Christian Behrenbruch, CEO du groupe.
Ces propos ravissent évidemment le ministre de l’Economie Willy Borsus (MR) qui y voit une concrétisation de sa stratégie de spécialisation intelligente, qui vise à consolider les écosystèmes dans plusieurs domaines, dont la radiopharmacie, porteurs pour la Wallonie. « Les perspectives de développement autour d’une usine comme celle de Telix sont considérables, se réjouit-il. Ce sont des éléments structurants et stratégiques pour notre économie. » La médecine nucléaire fournit 2.600 emplois directs et 5.000 indirects en Belgique.
De zéro à … 100 millions en cinq ans !
La croissance de Telix est pour le moins impressionnante. En cinq ans, son chiffre d’affaires a boni de zéro à …. 100 millions de dollars australiens (60 millions d’euros) en 2022. Et cette année, ce résultat a déjà été atteint rien que sur le premier trimestre. La vitesse n’est pas prête de ralentir avec une vingtaine de produits en essais cliniques, notamment contre les cancers des reins, du cerveau et du sang. Une part significative des recettes de Telix provient, rappelons-le, des produits initialement conçus par ANMI. Les fonds nécessaires pour amener son innovation sur le marché, la PME liégeoise ne les a pas trouvés en Belgique (où il y a quand même quelques acteurs…) mais bien en Australie. Qui plus est, auprès d’une société qui, à l’époque, ne générait encore aucune recette et a donc pris un fameux risque. L’arrivée d’un acteur entrepreneurial aussi volontariste ne peut que secouer positivement cette « radiopharma valley » et, plus largement, tout le tissu économique wallon.
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