La transparence, l’arme de Valipac en faveur du recyclage
L’obligation européenne d’arriver à 30% de contenu recyclé dans les emballages industriels en plastique est une opportunité pour les entreprises belges. Voici comment Valipac va les aider à la saisir.
L’an dernier, les entreprises belges ont utilisé 780.000 tonnes d’emballages pour commercialiser leurs produits. Ce tonnage est relativement constant, comme si les préoccupations environnementales n’avaient aucun impact sur cet impressionnant volume. “Les emballages ménagers, on peut les réduire, par exemple en diminuant l’utilisation de bouteilles en plastique, explique Ingrid Bouchez, manager communication chez Valipac, l’organisme belge en charge du traitement des déchets d’emballages industriels. Les emballages industriels, eux, ont une fonction de transport et de protection. Donc, tant qu’il y aura du commerce, il y aura des emballages industriels.”
Si le volume ne change guère, la composition et la destination de ces emballages ont, elles, bien évolué. Aujourd’hui, l’essentiel des emballages industriels mis sur le marché est en effet réutilisé ou recyclé. “Nous avons aujourd’hui quatre fois plus d’emballages réutilisables qu’à usage unique”, insiste Francis Huysman, CEO de Valipac. Ce ratio augmente lentement mais sûrement depuis les débuts de Valipac, il y a 25 ans. Les palettes de bois sont réutilisées, souvent plusieurs fois, les métaux sont refondus depuis toujours et les papiers-cartons sont quasi intégralement recyclés. On arrive ainsi à un taux de réutilisation ou de recyclage de plus de 90%. Dans chaque matière, le résultat belge est clairement au-delà des objectifs nationaux et, plus encore, européens.
Lire aussi | Les bioplastiques: l’alternative fantastique ?
Les déchets plastiques plombent toutefois la moyenne car seuls 61,5% sont aujourd’hui recyclés (ce qui reste au-dessus de l’objectif européen). Certes, ces matières plastiques ne représentent que 13% des emballages industriels utilisés en Belgique. Mais c’est clairement là que se situent les marges d’amélioration qu’il faudra de toute façon réaliser pour répondre à des normes européennes de plus en plus strictes.
Un emballage, ça ne se change pas facilement
A l’horizon 2030, les emballages industriels plastiques mis sur le marché devront contenir 30% de contenu recyclé, contre à peine 1 à 2% aujourd’hui. Un tel bond est-il réaliste? “Techniquement oui, assure le CEO de Valipac. Nous recevons désormais des déclarations précises des 7.000 entreprises affiliées à notre organisme quant à l’utilisation de contenu recyclé.
Certaines sont déjà au-delà des 30%. C’est donc possible.” Economiquement, le plastique recyclé présente l’avantage de prix stables, alors que les prix du plastique de première génération suivent, eux, les courbes des prix pétroliers.
Mais il y a aussi un frein de taille: les investissements nécessaires. Une entreprise ne change pas d’emballage comme un consommateur peut changer de bouteille d’eau. Il faut tester les fonctionnalités du nouvel emballage, s’il protège bien les marchandises de l’humidité, des coups lors du transport, etc. Et si les tests sont positifs, il faut investir dans une nouvelle ligne d’emballage, ce qui peut se chiffrer en centaines de milliers d’euros. Valipac propose bien une prime de 50 euros/tonne aux entreprises qui utilisent des emballages en plastique contenant au moins 30% de matières recyclées mais cela reste modeste par rapport à l’ampleur des investissements nécessaires. “Nous avons cependant anticipé l’évolution, insiste Ingrid Bouchez. Nous ne sommes qu’à 1 ou 2% de plastique recyclé dans les emballages industriels mais les autres pays européens sont à zéro. Quand ils commenceront, nous aurons peut-être cinq ou six ans d’avance.”
Lire aussi | Haro sur l’emballage
Pour l’heure, le plastique recyclé est notamment utilisé pour la fabrication de sacs poubelles ou de pare-chocs de voiture. “Ce sera l’utilisation finale, précise Francis Huysman. Mais si nous parvenions à d’abord réutiliser ces emballages pour en faire de nouveaux emballages, nous pourrions leur donner une troisième ou une quatrième vie. Aujourd’hui, ce n’est pas circulaire.”
Déchets envoyés hors d’Europe
Valipac propose un autre incitant: jusqu’à 35 euros/tonne pour les entreprises qui feront recycler leurs emballages en plastique en Europe. Cela a contribué à ce que l’an dernier, 46% du volume soit recyclé au sein de l’Union, contre 15% en Turquie et 40% dans le Sud-Est asiatique, principalement en Malaisie. L’exportation extra-européenne de déchets d’emballages plastiques devrait toutefois repartir à la hausse sur l’exercice 2023 en raison des prix énergétiques beaucoup plus faibles en Asie. Le recyclage du plastique est en effet une opération énergivore (il faut fondre la matière) et les variations de prix en ce domaine pèsent plus dans l’équation finale que les frais de transport. “Un incitant de 35 euros la tonne ne couvre pas le gain que peut faire un opérateur en exportant son plastique vers la Malaisie, résume Francis Huysman. Si nous voulons plus de recyclage en Europe, nous devons stimuler la demande pour du contenu recyclé.”
Pour stimuler cette demande, Valipac ne songe pas à des incitants financiers mais à… l’information et à la transparence. L’organisme a développé un site internet (www.myrecycledcontent.be) qui permet aux entreprises de connaître la proportion de contenu recyclé dans les produits proposés par les différents fournisseurs. Et ne croyez pas que “du plastique, c’est du plastique”: le site recense plus d’une dizaine de plastiques différents, des films étirables aux intercalaires en passant par les films de protection, les sacs de matières premières, les big bags, les liens de cerclage ou les seaux en plastique rigide. Chaque client doit pouvoir trouver le ou les types d’emballage plastique dont il a besoin. “Les mentalités évoluent, les entreprises voient bien qu’à terme, l’obligation de 30% de contenu recyclé s’imposera à elles et qu’elles devront adapter leurs lignes d’emballage”, explique Ingrid Bouchez. Ce site est rapidement devenu une sorte de catalogue digital des emballages industriels en plastique disponibles en Europe (les fournisseurs viennent d’un peu partout, pas seulement de Belgique). Il devrait prochainement être décliné par plusieurs pays européens.
Après, ce sera une histoire d’offre et de demande. Actuellement, il n’y a pas assez de contenu recyclé pour permettre un basculement immédiat. “Les entreprises qui commencent maintenant à passer des contrats avec des fournisseurs de granules recyclés auront un pas d’avance sur celles qui commenceront en 2028, assure Francis Huysman. Ce sera très difficile de trouver du contenu recyclé dans cinq à sept ans.”
Et comme la demande va augmenter, des sociétés devraient se créer ou se développer pour y répondre, comme cela se passe d’ailleurs déjà pour les déchets ménagers avec, par exemple, la construction d’une usine de recyclage des bouteilles en PET (capacité de 40.000 tonnes) à Couillet par Sources Alma et Veolia. Notre industrie pourrait ici profiter de la petite avance sur les pays voisins, notamment grâce au fait que la Belgique est le seul pays d’Europe à avoir mis en place un dispositif de collecte des déchets spécifique au monde industriel.
Le travail d’information ne se limite pas à la composition des plastiques. Valipac a en effet lancé l’an dernier un système de monitoring qui permet à chaque acteur de connaître la destination exacte de ses déchets d’emballages et la manière dont ils sont recyclés ou éliminés. Les déchets sont rassemblés par des collecteurs, qui les cèdent ensuite à des traders, qui les acheminent vers les unités de recyclage. Et soyons de bon compte: chaque maillon de la chaîne avait tendance à fermer les yeux sur ce que pouvait faire le maillon suivant de toutes ces tonnes de plastique.
Le traitement, argument commercial
Fort de 25 ans de présence dans le milieu, Valipac a pu convaincre progressivement tous les acteurs de lui confier leurs données. S’y sont ajoutés des audits auprès de plus de 200 recycleurs de plastique à travers le monde, menés avec l’aide d’un bureau spécialisé. Désormais, chaque acteur (entreprise, collecteur ou trader) peut savoir ce qu’il advient de ses déchets de plastique, où ils sont recyclés et dans quelles conditions, et se situer par rapport à l’ensemble de son segment.
“Cela a nécessité pas mal de discussions avec les traders, convient Francis Huysman. Mais en gros, ils étaient conscients qu’exporter le plastique vers la Malaisie sans donner de feedback, sans garantie que le recyclage était effectif, cela ne pouvait pas durer éternellement. D’autant qu’on a eu quelques scandales avec des emballages ménagers. En fin de compte, les traders sont très contents du système Valipac. C’est une garantie de pouvoir continuer leur business.”
Lire aussi | Un monde sans déchets, un monde possible
A son niveau, chaque acteur fait la même analyse, désireux de pouvoir certifier à ses clients la qualité du traitement de ses déchets. “Cela devient un argument marketing”, résume Ingrid Bouchez. “C’est toute la logique de Valipac, abonde le CEO. On crée une certaine transparence sur la destination des matériaux que, jusqu’à présent, personne ne connaissait. On joue naturellement sur le rapport de durabilité pour lequel les entreprises demandent que le recyclage s’opère en Europe, avec des garanties de recyclage effectif, d’absence de travail des enfants, etc.”
Les données permettront aussi à terme de déterminer les émissions de CO2 et de NOx tout au long de la chaîne de traitement des déchets, ce qui renforcera sans doute encore la volonté des entreprises de se positionner sur les filières les plus propres. Valipac envisage également de fournir les mêmes informations pour les déchets en papier-carton et pour le bois, même si les matériaux sont moins sensibles, vu qu’ils sont traités par de grosses unités en Europe.
“La collecte et le traitement des déchets d’emballages, c’était une obligation et l’industrie belge a réussi à la transformer en une valeur ajoutée pour notre économie, conclut Francis Huysman. C’est ensemble que nous sommes parvenus à ce résultat. En Belgique, on a parfois tendance à rester très humble mais sur ce plan, nous avons 25 ans d’avance sur le reste de l’Europe. L’industrie belge peut être fière de ce qu’elle a accompli.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici