La stratégie de croissance de FedEx à Liège

FedEx emploie plus de 1.300 personnes, ce qui en fait "le premier employeur de Liège Airport". © O.M.
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

L’entreprise américaine de transport aérien, FedEx, conforte sa stratégie pour faire de son site liégeois un hub intercontinental, création d’emplois à la clé. Au-delà du “mouvement de panique” généré par les tensions Europe/États-Unis, son directeur est bien déterminé à asseoir sa présence après les années difficiles de restructuration.

Sur le tarmac du hub de FedEx à Liège, un Boeing 777 charge des conteneurs en vue d’un départ imminent. Direction : Memphis, siège international de l’entreprise américaine de transport. “C’est une ligne supplémentaire que nous venons de lancer, se félicite Rudi Loontiens, managing director hub operations de FedEx. Elle intègre une autre innovation : nous utilisons désormais des palettes pour maximaliser le chargement de l’avion.” À quelques centaines de mètres, un autre appareil se prépare à décoller. “Le vol pour Oakland, précise-t-il. Nous sommes la seule compagnie de transport à voler directement vers la côte ouest des États-Unis et son industrie très importante.”

Tandis qu’un 747 d’une compagnie rivale passe, le responsable du site liégeois remarque : “Nous n’avons plus d’appareils de cet âge-là, trop énergivores et polluants. Notre flotte est la plus moderne possible et comporte des avions auparavant utilisés pour des vols commerciaux.” Avant d’ajouter : “Le marché est terriblement compétitif et le contexte extrêmement volatil. Mais notre nouvelle stratégie est prête pour y faire face.”

Un nouvel envol, après un parcours récent chaotique.

“Le marché est terriblement compétitif et le contexte extrêmement volatil. Mais notre nouvelle stratégie est prête pour y faire face.” – Rudi Loontiens (FedEx)

Rachat de TNT et restructuration

Il fut un temps où FedEx, arrivée dans notre pays en 1998, misait gros sur Liège pour son développement. En 2017, l’entreprise rachetait son concurrent TNT pour assurer l’avenir. La perspective d’une installation du hub principal pour l’Europe était même sur la table, mais le Parisien Charles de Gaulle lui fut préféré. En toile de fond, des tensions entre économie, politique et respect de l’environnement ont empêché le projet de se concrétiser. Un frein et un gâchis. En 2021, une restructuration douloureuse s’imposait. Employant 2.000 personnes, le site liégeois était contraint de se séparer de plus de 700 d’entre eux. Un choc dont FedEx se relève enfin.

“Après le rachat de TNT, nous avons dû adapter le réseau, confie Rudi Loontiens, passé auparavant par DHL et TNT. Liège reste toutefois un lieu stratégique, idéalement situé, au cœur de la ‘banane bleue’ européenne (lieu d’urbanisation important au cœur du continent, ndlr) et à proximité de notre hub d’Arnhem, aux Pays-Bas, pour le transport routier. Nous pouvons aussi organiser notre propre dédouanement sur place. C’est l’endroit idéal pour déployer la nouvelle stratégie que nous avons initiée il y a un an.”

Premier employeur de Liège Airport

Aujourd’hui, souligne le responsable du site, l’entreprise emploie plus de 1.300 personnes, ce qui en fait “le premier employeur de Liège Airport”. La surface du bâtiment est considérable : quelque 40.000 mètres carrés. Des investissements ont modernisé le centre de tri en portant la capacité à 48.000 colis et documents par heure. En moyenne, pas moins de 75.000 colis sont livrés quotidiennement dans la région.

S’il se refuse à donner des noms de clients en particulier, Rudi Loontiens insiste : “Nous sommes davantage actifs dans le B to B que dans le B to C.” Avec des domaines variés, mais s’inscrivant dans la dynamique des relations commerciales entre la Wallonie et les États-Unis : le secteur des soins de santé, notamment, est crucial.

La stratégie tricolore

Pour le hub liégeois, le cap est mis sur l’intercontinental. Avec ses trois destinations aux États-Unis – Memphis, Oakland et Indianapolis – l’intention est bel et bien de trouver une place ancrée dans le réseau, en lien avec Charles de Gaulle. “Ce n’est pas un bouleversement, il y a une continuité, mais nous voulons jouer un rôle pour le développement économique de la Wallonie”, souligne son managing director.

La stratégie mise en place est baptisée “tricolore” pour reprendre les trois couleurs du logo de FedEx. Objectif ? “Une approche d’optimisation du réseau visant à améliorer l’efficacité, réduire les coûts opérationnels et améliorer la capacité d’adaptation à grande échelle.” Derrière ces mots se cachent trois piliers, répartis entre différents aéroports. Le violet concerne les colis prioritaires, singulièrement à Paris, l’orange vise le fret prioritaire et le blanc le matériel de plus de 60 kilos ne nécessitant pas d’être livré le lendemain.

“Liège traite désormais principalement les expéditions de fret de plus de 68 kilos, reflétant son rôle renforcé et spécialisé en tant que porte d’entrée des flux de fret intercontinental”, insiste Rudi Loontiens. Selon lui, c’est une manière d’assurer la stabilité pour Liège et la croissance au niveau européen dans un marché particulièrement volatil. La meilleure preuve, illustre-t-il, c’est ce vol supplémentaire d’un Boeing 777 pour Memphis qui est déjà décidé trois fois par semaine. “Et ce n’est qu’un début”, ajoute-t-il.

“Un mouvement de panique”

Cette stratégie est censée contribuer à asseoir la place du géant du transport en Wallonie. En surmontant les risques engendrés par un contexte géopolitique chahuté. “Le marché est très volatile pour le moment, concède le managing director de FedEx. Je ne vais pas cacher qu’il y a des tensions sur le plan commercial. On ne peut pas prévoir la façon dont cela va évoluer. Mais nous avons élaboré un plan de croissance qui répond fondamentalement aux attentes du marché, tout en faisant preuve d’agilité.”

Ces dernières semaines, à Liège Airport, un “mouvement de panique” a été constaté. En lien avec les menaces de droits de douane faites par le président américain, Donald Trump. Bon nombre d’entreprises ont décidé de transférer une partie de leurs stocks ou d’anticiper les tensions attendues sur leurs chaînes de valeur. “Il y a eu beaucoup de mouvements, mais c’était temporaire et tactique, confesse le responsable du site. C’était un mouvement de panique, oui, mais c’est en train de se calmer.”

Il est toujours possible d’adapter ponctuellement l’offre à de tels bouleversements de la demande. “Mais pour l’élaboration d’une stratégie plus globale, cela demande beaucoup de planification, souligne Rudi Loontiens. La stratégie dont nous parlons dépasse cette panique ponctuelle. FedEx, au niveau européen, ce sont deux hubs, 69 aéroports desservis, deux millions de colis triés chaque jour et plus de 46.000 personnes. Cela ne s’improvise pas.”

Un centre de tri ultra-moderne

En marchant dans les larges allées du centre de tri, Rudi Loontiens n’est pas peu fier de présenter le résultat des quelque 125 millions d’euros d’investissements réalisés ici pour rendre le site compétitif. “La première partie est calme parce que c’est là que l’on traite, séparément, les matériaux radioactifs. Mais ailleurs, cela vit et cela monte en puissance au cours de la journée”, se félicite-t-il. Non loin de là, une palette est spécialement préparée pour densifier le cargaison.

Régulièrement, il pointe l’excellente ambiance qui prévaut en ces lieux et salue le caractère extraordinaire des 1.300 personnes employées. Le langage est calculé, la volonté de faire bonne impression palpable. “Avec le nouveau vol vers Memphis, nous avons recruté quelques intérimaires qui pourraient devenir des emplois fermes, souligne-t-il. À terme, cette rotation supplémentaire pourrait amener l’engagement de 60 à 80 travailleurs additionnels.”

Dans un coin, une affiche du syndicat métallurgiste est là pour rappeler que le parcours de FedEx à Liège ne fut pas toujours un long fleuve tranquille. Désormais bien installé dans le réseau européen, ce hub intercontinental est appelé à rassurer les travailleurs. Et la Région wallonne. “Nos relations avec l’aéroport sont au beau fixe”, conclut le managing director. Acceptons-en l’augure.

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