La stratégie de Barilla pour rester leader

Le groupe Barilla dans son ensemble reste le leader mondial des pâtes avec un chiffre d’affaires global de 4,7 milliards d’euros en 2023.
Camille Delannois Journaliste Trends-Tendances  

Barilla, le leader mondial des pâtes, a fait de l’innovation et du marketing des priorités afin de rester leader dans ses catégories. Pour l’entreprise italienne, la Belgique est un marché prioritaire depuis son lancement dans la zone géographique au début des années 2000. Le groupe est présent chez nous, à travers différentes catégories telles que les pâtes, les sauces et les pains préemballés de la marque Harry’s.

“Le marché belge est très mature”, explique Frédéric Bodereau, directeur général pour le Benelux. “C’est l’un des plus proches du marché italien en matière de développement”, complète Nicolas Woussen, category manager condiments Barilla Western Europe. Avec une importante population d’origine italienne et un goût prononcé pour la cuisine transalpine, la Belgique est devenue un marché prioritaire pour l’entreprise dès son lancement dans les années 2000. En 2023, Barilla a vendu près de 11.300 tonnes de produits en Belgique, soit un paquet de pâtes toutes les trois secondes, un paquet de pain toutes les neuf secondes et un pot de sauce toutes les douze secondes.

L’histoire entre Barilla et la Belgique a commencé avant les années 2000. “On a commencé notre activité en Belgique indirectement via un distributeur indépendant qui a développé le business dans les années 1970”, ajoute Frédéric Bodereau. “On s’est vite rendu compte que le marché pouvait devenir stratégique”, poursuit-il. C’est ainsi que l’entreprise a repris la gestion en main, en créant une filiale qui employait une personne au début pour 20 aujourd’hui. En moins de 10 ans, Barilla est ainsi devenu numéro un du marché des pâtes en Belgique avec une part de marché estimée à 16% selon Nielsen. “Le consommateur belge est un fin connaisseur des produits italiens tant dans la catégorie des pâtes que des sauces”, observe Nicolas Woussen qui affirme que le marché belge est un des plus pénétrés derrière l’Italie. “Il y a un vrai engouement pour ce type de produit.”

La preuve ? Les pâtes premium qui suscitent davantage d’intérêt en Belgique que dans d’autres marchés voisins. “Si l’on compare avec les Pays-Bas par exemple, ce sont deux dynamiques complètement différentes”, assure Nicolas Woussen qui avance que les marques pro­posées en Belgique sont similaires à celles que l’on retrouve dans les supermarchés italiens. “Plus globalement, le premium est le segment qui tire la croissance sur le marché belge, ce qui témoigne d’un intérêt et d’une expertise grandissante des consommateurs belges envers la gastronomie italienne”, se réjouit Frédéric Bodereau.

Premiumisation

Les pâtes premium de Barilla sont une des innovations proposées par le groupe afin de se différencier de la concurrence en rayon. Elles sont commercialisées dans un packaging rouge, en opposition au traditionnel paquet bleu Barilla. “La volonté est de positionner ces produits en leader top premium”, note le responsable. Récemment, l’entreprise a lancé une nouvelle gamme avec Al Bronzo, en cinq références (linguine, spaghettoni, fusilli, mezzi rigatoni et penne rigate).

“Cela va paraître complètement fou, mais il nous a fallu deux ans de recherche et développement pour proposer une gamme comme celle-là”, affirme-t-il. Il s’agit de pâtes fabriquées grâce à la lavorazione grezza, une méthode traditionnelle. Barilla utilise des matrices spéciales en bronze, dotées de sillons, qui confèrent aux pâtes une rugosité particulière et permet dès lors une meilleure imprégnation par la sauce.

​”Le premium est le segment qui tire la croissance sur le marché belge.” – Frédéric Bodereau, DG Benelux de Barilla

“La couleur jaune ambrée provient du mélange issu de grains de blé, à haute teneur en protéines”, détaille Frédéric Bodereau. Et ça fonctionne puisque cette innovation a permis de doubler le volume de ses produits premium l’année dernière à l’instar des produits “La Collezione”, qui propose des formes spéciales de pâtes (canneloni, orecchiette, papiri, etc.) moins traditionnelles qui correspondent à des évènements particuliers, comme les pâtes en forme de cœur produi­tes à l’occasion de la Saint-Valentin.

Si le segment premium tire la croissance, l’entreprise réalise 90% de son volume grâce aux pâtes Barilla classiques – du paquet bleu donc. Mais la majorité du volume de la catégorie est assurée par les mar­ques de distributeurs (MDD). “En volume, les MDD représentent la majorité de la catégorie depuis plusieurs années et leur croissance a continué depuis 2021, passant de 58,4 % de parts de marché volume à 60,4 % en 2023”, analyse Frédéric Bodereau. En valeur, les private labels ne représentent cependant “que” 43%, une part qui est toutefois en forte progression depuis 2021 (+ 4,4 points).

Des promotions contre les MDD

“La catégorie continue à se polariser avec des MDD dynamiques d’un côté et des marques italien­nes premium qui continuent à gagner du terrain de l’autre”, observent les responsables. Pour autant, pas question pour l’entreprise italienne de miser uniquement sur le premium. Depuis toujours, l’entreprise propose des produits qui correspondent aux différents portefeuilles des consommateurs belges. “Même si cela apparait de façon moins évidente en raison de l’inflation”, concède Frédéric Bodereau qui rappelle que le prix de vente est fixé par les distributeurs. Il faut dire que la catégorie a énormément souffert de la hausse des prix. Par rapport à 2021, on parle d’une augmentation qui avoisine les 30%, dont une hausse de 10% rien qu’au cours de l’an dernier. Sans surprise donc, les volumes ont diminué et ont enregistré une baisse de 2,9% en 2023. Le groupe Barilla dans son ensemble reste cependant le leader mondial des pâtes avec un chiffre d’affaires global de 4,7 milliards d’euros en 2023.

Afin de répondre à cette inflation et renforcer l’accessibilité pour contrer les MDD, les marques A se tournent vers les promotions et Barilla ne fait pas exception. “C’est la réponse la plus simple que l’on peut apporter pour faire la différence sur les dépenses du consommateur”, confirme Frédéric Boderau. D’autant que la Belgique est un marché où les offres promotionnelles sont très fortes, contrairement à la France où les promotions sont réglementées et plafonnées à un maximum de 33% de gratuité. “Si les promotions sont intenses en Belgique, il faut faire attention de ne pas tomber dans un monde MDD versus promotion et éviter de dévaloriser le produit”, prévient Nicolas Woussen qui observe une tout autre dynamique dans la catégorie condiment. “De manière générale, c’est une catégorie moins promue que les pâtes et heureusement, car ça deviendrait très compliqué de valoriser la marque.”

Barilla est présente dans les trois segments de la catégorie sauce (viande – type bolognaise, pesto et sauce rouge). L’entreprise est numéro deux en valeur, derrière Miracoli, leader historique du marché. “En sept ans, notre part de marché est passée de moins de 3% à près de 11%”, sourit Nicolas Woussen. L’entreprise est leader sur le segment du pesto avec une croissance forte depuis cinq ans. Preuve à nouveau de la maturité du marché belge pour les produits italiens, les Belges sont les deuxièmes plus gros consommateurs de pesto par habitant dans le monde… derrière les Italiens. Objectif ? Devenir leader de la catégorie en maintenant les investissements et innovations. En 2023, le groupe a investi 600.000 euros en Belgique rien que sur la catégorie condiment.

Les Belges sont les deuxièmes plus gros consommateurs de pesto par habitant dans le monde… derrière les Italiens.

“Le pesto est l’exem­ple qui prouve que les investissements font la différence sur le long terme”, poursuit Nicolas Woussen en rappelant qu’il y a 20 ans, c’était un produit très peu plébiscité par les consommateurs. Le groupe, qui fabrique lui-même ses sauces, a installé une nouvelle ligne pour le pesto dans son usine près de Parme et va lancer d’ici deux ans un nouveau centre de recherche en Italie – d’un montant de 16 millions d’euros – pour mettre au point les nouveautés de demain. “Ces investissements permettent aussi de créer et soutenir nos filiè­res”, précise Nicolas Woussen.

Des filières durables

Autre stratégie du groupe pour se démarquer : le sourcing de ses ingrédients. Filière de blé dur pour les pâtes, filière basilic pour le pesto et filière tomate pour les sauces rouges… Barilla développe ses propres filières dura­bles “depuis des décennies” et a renforcé sa coopération avec les agriculteurs afin de sécuriser ses approvisionnements. Aucune cependant ne se trouve en Belgique. “On les développe à proximité de nos sites de production afin de rester dans une approche circuit court”, développe Frédéric Bodereau qui affirme qu’entre la cueillette du basilic et sa transformation en pesto, il s’écoule moins de deux heures. Barilla va d’ailleurs rendre sa filière de sauce pesto complètement transparente grâce au développement d’un QR code qui permettra de connaitre le circuit du basilic depuis les champs jusqu’au pot de sauce.

Depuis 2010, l’entreprise a également reformulé 491 produits et introduit 40 nouveaux produits au profil nutritionnel amélioré, illustrant sa volonté d’offrir aux consommateurs des options répondant à différents besoins alimentaires : produits sans sucre ajouté, riches en fibres, au blé complet, avec des légumineuses ou des noix, ou en paquets individuels. “Les reformulations de recettes sans impact sur le goût et l’onctuosité, c’est aussi de l’innovation même si ça semble moins spectaculaire”, ajoute Frédéric Bodereau qui prend pour exemple le sandwich au beurre Harry’s qui a obtenu le nutriscore B. “Le seul de la catégorie”, souligne-t-il.

Parce que Barilla ce n’est pas seulement des pâtes et des sauces. L’entreprise italienne est également active dans le segment du pain préemballé avec la marque française Harry’s rachetée en 2009. “Nous sommes numéro deux sur le marché des pains pré­emballés derrière La Lorraine”, note Nicolas Woussen. Le groupe est leader du marché dans le segment du pain de mie, mais en Belgique celui-ci ne représente que 10% du pain préemballé (là où il atteint 50% en France). “En France, lorsque vous êtes leader du pain de mie, vous êtes leader de la catégorie, ce qui n’est pas le cas en Belgique”, ajoutent les responsables qui reconnais­sent que la catégorie est stratégiquement moins soutenue que les deux autres en Belgique. Ce qui n’empêche pas le groupe de commercialiser des produits spécifiquement pour les consommateurs belges comme le sandwich nature ou au beurre. “C’est ce qui fonctionne le mieux”, relève Frédéric Bodereau qui précise qu’au vu du succès le produit va également être lancé en France. “Ce qui est assez particulier pour la catégorie.”

A cela s’ajoute un budget marketing toujours en augmentation afin de gagner en visibilité. Sur les 10 dernières années, 20 millions d’euros ont été investis en Belgique pour soutenir les marques. “Le marketing peut être une variable d’ajustement pour les marques A, mais chez nous il est au cœur de notre stratégie, assure le directeur Benelux. Cela permet de valoriser les catégories et éviter que les produits ne deviennent une commodité.”

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