La satisfaction client se mesure, l’expérience client se vit
Fournir le meilleur produit avec le meilleur service n’est plus suffisant pour gagner la préférence de ses clients. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de répondre aux attentes de ces derniers mais de les surprendre en devançant leurs besoins inconscients.
L’odeur du pain frais chatouille vos narines alors que vous achevez de dénombrer les clients qui vous précèdent dans la file. Cette fois vous êtes venu à vélo, les places de parking sont rares le dimanche matin. Vous consultez distraitement le journal gratuit mis à votre disposition en avançant le long d’un présentoir d’appétissantes pâtisseries. Arrive enfin votre tour. La commerçante s’adresse à vous: “Bonjour, je vous écoute”. Elle ne semble pas se souvenir de vous. C’est pourtant votre troisième visite. Vous lui souriez, commandez vos croissants et un pain demi-gris. Elle vous annonce le compte, très raisonnable. Par réflexe vous sortez votre carte. On vous répond avec un léger agacement: “Nous ne prenons que le liquide, monsieur”. Même gêne qu’à votre première visite. Monnaie rendue sur votre billet de 20 euros, la commerçante vous gratifie d’un sourire mécanique. “Merci, bonne journée!” Alors que vous lui répondez “à vous aussi”, elle accueille déjà le client suivant. Vous récupérez péniblement votre vélo posé parmi trois autres. Hélas, votre monnaie fuit votre poche au troisième coup de pédale et vous oblige à vous arrêter pour la récupérer…
En Belgique, seules 9% des TPE affirment s’occuper de la simplification des processus d’achat.
Si vous étudiez cette histoire sous l’angle de la “satisfaction client”, il est probable qu’elle soit positive. Le client a obtenu ce qu’il souhaitait, les produits sont de qualité, provoquent le plaisir à un prix décent avec une bonne disponibilité. Mais si vous la relisez en vous focalisant sur “l’expérience client”, elle devient beaucoup plus discutable, voire médiocre. Depuis les années 1960, le marketing s’est échiné à mesurer et augmenter la satisfaction client qui peut être définie comme “l’expression du contentement d’un consommateur après l’achat”. L’expérience client, tient compte, elle, des émotions ressenties tout au long du parcours qui encadre l’achat d’un produit ou d’un service, depuis l’intention jusqu’à la fidélisation du client et sa recommandation, en passant par la réalisation de sa promesse. La satisfaction se mesure, l’expérience se vit.
La voix du consommateur
L’économie productiviste de la seconde moitié du 20e siècle a augmenté la satisfaction des clients en cherchant constamment à améliorer la qualité des produits et services par le biais d’enquêtes et d’études consommateurs. L’émergence de l’économie numérique a bouleversé cette relation paternaliste. Comme l’avait prévu le célèbre Cluetrain Manifesto (Manifeste des évidences), somme de 95 thèses rédigée en 1999 et décryptant la révolution internet, le digital a transformé les marchés en “conversations”. Les consommateurs ont désormais une voix qui s’entend en dehors des études et est écoutée par tous, partout, toujours. Cette voix n’exprime pas un avis qualitatif rationnel.
Elle porte les reliefs émotionnels de l’expérience du client. Ainsi, fournir le meilleur produit avec le meilleur service n’est plus suffisant. Certes le rapport “qualité/prix/service” demeure un facteur clé de la satisfaction. Mais à l’heure où chaque particulier muni d’un smartphone peut commander en quelques secondes un bien de qualité à un prix correct, se le faire livrer partout, en bon état et rapidement, la valeur ajoutée du commerce s’est déplacée de la qualité à l’expérience, de la satisfaction à l’enchantement. Déjà en 1980, la “théorie de la confirmation des attentes” mettait en évidence que la satisfaction provoquée par une réponse dépassant les attentes initiales est plus importante que celle qui découle de la simple réalisation de ces mêmes attentes. L’idée d’offrir plus ou mieux que ce que le client attend a poussé nos entreprises à améliorer sans répit la qualité proposée depuis 50 ans. Mais la parole des clients, libérée sur les canaux digitaux, a fait apparaître une autre réalité: un “bon” produit ou service ne suffit pas à provoquer un réel enchantement, un véritable plaisir à acheter et à consommer.
Il ne s’agit plus d’atteindre, de dépasser les attentes légitimes du client mais de le surprendre en devançant ses besoins inconscients. Ceux-ci ne peuvent être décelés qu’en étant attentif aux insatisfactions se manifestant dans son parcours. Nul doute que les premiers baladeurs Apple en 2001 étaient supérieurs en qualité à tous les autres lecteurs MP3 déjà commercialisés. Mais Apple, en préchargeant la batterie de ses iPod, a apporté une réponse à un besoin latent, offrant ainsi aux acheteurs de pouvoir immédiatement les utiliser sans devoir les charger, frustration jusqu’alors considérée comme normale. C’est l’expérience client qui a été améliorée, pas le produit. De même en 2008, Jeff Bezos engage ses principaux fournisseurs dans l’initiative “emballage sans frustration” pour répondre à la “rage de l’emballage”, cet exercice dangereux opposant un client mal outillé à un emballage impénétrable qui provoque chaque année des dizaines de milliers d’accidents. En quelques adaptations, le temps de déballage de certains jouets Fisher-Price est passé de 11 minutes à 44 secondes! Amazon aurait pu se contenter d’améliorer sa propre qualité de commande, ses prix, son offre et ses délais de livraison. Mais Bezos ne s’est pas arrêté à la qualité du service, il s’est là encore intéressé à l’expérience client.
Un terrain pour les PME
Selon une étude effectuée par Trends-Tendances, en collaboration avec VOObusiness, 70 à 80% des PME belges se reposent prioritairement sur la qualité et la relation (serviabilité, politesse…) pour générer de la satisfaction client alors que moins de 30% d’entre elles déclarent travailler sur la proactivité et l’anticipation des besoins non exprimés. Seules 9% des TPE de moins de 11 salariés affirment s’occuper de la simplification des processus d’achat, contre 27% pour les entreprises de 11 à 50 salariés. C’est pourtant dans ces domaines que les challengeurs du numérique viennent bousculer les habitudes. C’est en fluidifiant l’expérience vécue et en anticipant les besoins que des plateformes comme Uber, Airbnb ou Booking ont taillé d’énormes croupières dans leurs marchés respectifs sans pour autant améliorer la qualité du produit final.
L’expérience client est-elle le seul apanage des géants du numérique? Non. Amazon peut être battu sur le terrain du commerce physique en investissant du temps et de l’attention dans cette expérience.
Passons dès lors l’autre côté du comptoir de la boulangerie, mais désormais avec l’oeil du débutant qui ne connaît rien de l’entreprise, en évaluant à chaque étape et interaction comment le client “se sent” et en réfléchissant aux moyens de rendre l’émotion vécue toujours plus positive. Pour enchanter le client, il ne sert à rien d’améliorer la qualité du croissant: il est peut-être plus judicieux de travailler sur l’amabilité de la commerçante. Mais accepter les cartes, s’équiper de Payconic ou pré-encaisser du liquide sur un compte client qui fidélise et évite la petite monnaie, travailler sur une mémorisation des noms et préférences des clients réguliers, offrir quelque chose à goûter ou équiper la devanture d’un parking à vélos demanderait finalement peu d’efforts pour un résultat sans appel: l’amélioration de l’expérience client et donc, une satisfaction véritable qui conduit à une loyauté durable.
Retrouvez toutes les deux semaines la chronique Expérience Client de Dr Sales à l’occasion du Trophée de l’Indépendant de l’Année organisé par VOObusiness. www.trophee.business.voo.be
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