Carte blanche
La réorganisation judiciaire est-elle utile pour se prémunir de la faillite ?
Ca y est, l’ombre de la faillite replane pour les entrepreneurs qui ont bénéficié d’un moratoire des autorités pour les soutenir dans l’adversité provoquée par la pandémie. Un sursaut dans les citations depuis les deux derniers mois de l’année dernière donnent à penser que le nombre de faillites va repartir à la hausse dès cette année.
Alors que le pays a enregistré en 2021 le chiffre le plus bas de faillites depuis l’an 2000, les citations en faillite ont donc repris, à la requête de l’ONSS. Le fisc ne tardera pas à en faire de même.
Pas une fatalité
La faillite n’est cependant pas une fatalité. Il existe un mécanisme de protection générale pour protéger l’entreprise qui traverse des difficultés importantes de paiement et l’aider à se rétablir. Il s’agit de la procédure de réorganisation judiciaire (en abrégé la PRJ).
Elle peut sauver la vie des entreprises lorsque les fournisseurs classiques, le bailleur, l’ONSS, la TVA, le Précompte professionnel, les Contributions, etc. deviennent impatients et agressifs car impayés.
Une bulle de protection
Concrètement, lorsque l’entreprise sollicite et obtient le bénéfice de la PRJ, elle est placée dans une bulle de protection pendant une période de 6 mois maximum, durant laquelle ses créanciers ne pourront pas exiger le paiement des factures du passé ni effectuer de saisie.
Il s’agit d’un avantage important dont l’entreprise bénéficie immédiatement. De plus, aussi longtemps que dure la PRJ, l’entreprise ne peut pas être déclarée en faillite.
Rester le patron
En cas de PRJ l’administrateur reste le “patron” de son entreprise. Toutes les décisions continuent à relever de lui seul. Pour obtenir la PRJ, l’administrateur aura déposé une requête, accompagnée d’une dizaine d’annexes juridiques et comptables (il faut donc veiller à ce que la comptabilité soit à jour).
Il existe trois types de PRJ mais la plus fréquente est la PRJ par accord collectif, qui consiste à négocier un plan de paiement avec tous les créanciers.
Les propositions qui seront contenues dans ce plan peuvent consister en :
- délais de paiement : l’entreprise peut proposer à ses créanciers d’être payés sur une période de 5 ans maximum (ou de 2 ans maximum en fonction de la catégories de créanciers),
- des abattements de créance : l’entreprise peut proposer à ses créanciers de renoncer à une partie de leur créance (la loi prévoit que les créanciers doivent recevoir au minimum 20% de leur créance).
Ces propositions de paiement sont ensuite soumises au vote des créanciers.
Penser à demain, et à la reprise
La PRJ par accord collectif est un outil prévu par la loi dont l’utilité est indéniable mais dont l’efficacité ne sera réelle que si elle est demandée “à temps”. Le succès d’une PRJ dépend en effet en grande partie du fait qu’elle n’est pas demandée trop tard.
Il convient donc d’en connaître les mécanismes avant qu’il soit trop tard, et d’en intégrer les délais dans son calendrier.
Pour être complet, rappelons que la loi du 21 mars 2021 a également introduit la possibilité d’élaborer un accord pre-pack (au caractère confidentiel) qui pourra ensuite être finalisé par une procédure accélérée de PRJ. Il serait dommage de manquer les opportunités de la reprise post-pandémie par défaut de préparation à l’impatience de créanciers impitoyables.
Par Raphaël Gevers, Avocat associé chez DALDEWOLF
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