La plus grande usine d’étalonnage au monde est belge

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Trescal est une entreprise dont on ne parle jamais. Depuis la Belgique, elle est pourtant à la source de la précision nécessaire pour les pneus de voiture, les bouteilles de boissons, les satellites, les voitures électriques ou la température des centrales nucléaires. Et elle se développe avec un nouveau siège. Découverte.

Vous ne connaissez pas Trescal? C’est normal. Depuis 50 ans, cette entreprise internationale œuvre discrètement pour assurer la précision des échantillonnages nécessaires dans des industries aussi diverses que l’agroalimentaire, l’aérospatiale, l’automobile, la poste ou l’énergie. Ses clients sont aussi variés que Coca-Cola, la Défense belge, Sabena Aerospace, Sonaca, Sabca, Engie, Pfizer, Imec, ASML, Bpost, Rolex, ESA, Starlink, Volvo, Daf ou Tesla. Sans oublier 1.800 pharmacies en Belgique.

“L’expertise de Trescal touche chaque aspect de notre tissu social, nous explique son CEO Benelux, Mark Beerts. Trescal travaille en coulisse et veille à ce que les colis soient correctement affranchis, que notre production alimentaire respecte les normes de qualité les plus élevées, et même que les frites que nous mangeons soient de l’épaisseur appropriée.”

En Belgique, Trescal dispose de trois implantations en Wallonie, à Louvain-la-Neuve (dans une ancienne usine Philips), à Saintes pour l’industrie pharmaceutique, et Wellin, près de Redu, en lien avec l’industrie spatiale. Mais le siège social pour le Benelux se situe à Wommelgem, près d’Anvers: un nouveau bâtiment y sera inauguré le 7 juin, ce sera tout simplement la plus grande usine d’étalonnage au monde. Un investissement de 12 millions d’euros. Trescal Benelux dispose également de trois sites aux Pays-Bas. Ses usines servent un marché mondial.

Une précision vitale

Les 5.000 employés de Trescal dans le monde réalisent plus de 3,3 millions d’opérations par an, y compris 27.000 réparations sur 150.000 types d’instruments pour 20.000 mar­ques. En Belgique, l’entreprise emploie 470 personnes. “Nos clients font réaliser chez nous l’étalonnage de leurs instruments de mesure, ainsi que leur qualification et leur gestion, explique Mark Beerts. Par exemple, une entreprise belge fabrique les couteaux qui coupent les pommes de terre pour McDonald’s dans le monde entier. Ils doivent être identiques partout, pour donner le même format: c’est fondamental pour l’entreprise. Voilà ce que nous garantissons.”

Mark Beerts, CEO Benelux de Trescal © PG

L’étalonnage est une invention française, souligne le CEO. Le mètre en argent, qui assure la validité du mètre universel, est d’ailleurs toujours stocké à Paris, ainsi que le poids initial d’un kilo. “Notre métier consiste à veiller à cette précision, dans tous les domaines, prolonge Mark Beerts. Le contenu d’une bouteille est-il équivalent à celui d’une autre bou­teille? Que ce soit pour le volume, le poids, l’humidité, la température, etc., nos instruments de haute précision permettent d’y veiller.”

Cette précision est vitale: Boeing en a souffert avec les vis défaillantes qui ont causé la chute de portes, idem pour une entreprise pharmaceutique belge forcée de jeter deux millions de doses en raison d’un mauvais dosage. Trescal veille précisément à éviter de tels accidents industriels. “Pour les centrales nucléaires, nous som­mes les garants de la pression, de la température, des flux d’électricité, de la tension des câbles, autant de choses qui permettent d’éviter une explosion, appuie le CEO. Il y a 30 ans, les voitures tremblaient ou faisaient du bruit, ce n’est plus le cas grâce au respect de la précision. Un de nos grands clients est Rolls Royce: les moteurs d’avion font des milliers de rotations par minute, nous veillons à ce que l’axe soit toujours rond et évitons une usure trop rapide.”

0,2% de l’économie globale

Pour l’industrie, cet étalonnage est un besoin vital. Auparavant, cette tâche était intégrée au sein même des entreprises. Trescal a grandi grâce à l’externalisation de cette mission. “Il n’y a pas vraiment de croissance dans notre secteur, mais bien une concentration, acquiesce le CEO. Il est devenu trop coûteux pour les socié­tés de maintenir leur propre laboratoire. C’est devenu un métier en soi. En outre, il existe de plus en plus de normes légales qui rajou­tent de la complexité et de la précision. Enfin, il est de plus en plus difficile pour des structures n’ayant pas une taille critique de maintenir un département de qualité pour obtenir toutes les accréditations nécessaires dans chacun des pays pour les produits concernés. En outre, les standards coûtent une fortune!” En Belgique, l’organisme compétent pour l’accréditation se nomme Belac.

Les 5.000 employés de Trescal dans le monde réalisent plus de 3,3 millions d’opérations par an.

Trescal Benelux permet de maintenir le savoir-faire relatif à l’étalonnage dans notre pays, insiste Mark Beerts. “Pour que l’industrie performe, il faut de bonnes écoles, un cadre régissant l’emploi de façon correcte, une bonne logistique, une énergie abordable, mais aussi des sociétés de support comme la nôtre. Les ordinateurs ne peuvent pas fonctionner sans les puces, et ces puces ne peuvent pas être réalisées sans notre apport. Il en va de même pour l’électricité que nous consommons.”

En soi, l’activité de cette entreprise ne représente que 0,2% de l’activité économique globale, souligne-t-il. “Mais sans ces 0,2%, le reste ne peut pas fonctionner.”

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“Notre industrie souffre, mais on cherche ailleurs”

Les perspectives de Trescal restent bonnes et l’investissement dans le nouveau site de Wommelgem en témoigne. “Nous constatons toutefois que l’industrie souffre, reconnaît le CEO. Plus que jamais, pour survivre, elle doit générer de la valeur ajoutée. Or, il y a un manque de techniciens qualifiés et le coût de l’emploi est trop élevé en raison de charges trop importantes. Pour compenser la baisse dans certaines industries, nous allons chercher ailleurs: l’étalonnage de Turkish Airlines se fait désormais dans le Benelux. De même, Agilent (anciennement Hewlett-Packard), leader mondial de la microélectronique, est notre client pour l’Europe, mais aussi l’Afrique et le Moyen-Orient.”

La construction de la plus grande usine au monde va permettre à l’entreprise du Benelux de continuer à chasser sur d’autres terres. “Nous misons sur la productivité de nos standards et de notre personnel, sur l’automatisation, en faisant du one stop shop, dit son patron. Les laboratoires occupent 6.000 m2 et peuvent faire 270.000 étalonnages par an. Ces laboratoires, ce sont nos trésoreries de compétences, c’est notre pot d’épargne, la base à partir de laquelle on peut former des gens, expérimenter, il n’y a pas d’autres laboratoires qui font de tels volumes.”

Trescal veut continuer à croître, envers et contre tout. Au début de cette année, l’entreprise a réalisé sa centième acquisition internationale avec l’achat de la société coréenne Q&Q, spécialisée dans la mesure et la calibration des liquides et des gaz. Le 7 juin, en plus de l’inauguration de son nouveau siège, elle fêtera son 50e anniversaire. “Mais notre investissement le plus important concerne les techniciens, conclut Mark Beerts. Nous avons créé avec le Forem un Trescal Institute pour former des jeunes à nos besoins. Nous en formons une quarantaine par an pour absorber notre croissance. Ils découvrent que le secteur de l’étalonnage est méconnu, mais passionnant.”

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