La génération Z bouscule les codes et donne sa définition d’un emploi “prestigieux”

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Les nouveaux arrivants sur la marché de l’emploi, ceux qui sont nés entre 1996 et 2012 et qui appartiennent à la Gen-Z, sont en train de modifier la définition de « l’emploi de prestige », celui qui fait rêver, voire même d’en minimiser l’importance.

Avant même d’être diplômée de l’Université d’Oxford en 2015, Molly Johnson-Jones avait déjà ressenti une très forte pression professionnelle qui la poussait à décrocher un emploi dit “prestigieux” dans un secteur d’activité de premier plan. Elle explique à la BBC qu’elle et ses amis de l’université pensaient qu’il y avait des secteurs auréolés de prestige – en particulier les domaines rigoureux comme la finance, la consultance, la médecine et le droit.

C’est pourquoi, après avoir décroché son diplôme, Molly Johnson-Jones s’est rapidement retrouvée à travailler dans une banque d’investissement. Elle y est restée pendant deux ans, alors qu’elle ne s’y sentait pas tout à fait à sa place.

Prestige et pression

Et la BBC a récolté de nombreux témoignages comme celui de Molly Johnson-Jones. A chaque fois, le schéma était le même : université prestigieuse, pression sociale de la part de leurs pairs et de l’extérieur à choisir un emploi dit « de prestige ».

“Nous avons grandi avec cette attente”, explique Andrew Roth, 24 ans, diplômé de l’université Vanderbilt du Tennessee (États-Unis) en 2021. “Lorsque je suis arrivé à Vanderbilt, j’ai été assez rapidement attiré par la voie “tous les bons chemins mènent à la finance et à la consultance”. C’est donc très facile d’aller dans cette direction… puisque tout le monde y va.”

Sur le site de la BBC, Roth souligne qu’il a intériorisé la pression exercée sur lui par l’ambiance de son université, ses contemporains et les anciens élèves de Vanderbilt occupant des postes importants dans ces secteurs.

Même refrain auprès de Danielle Farage, 24 ans, diplômée de 2020 d’une université de Californie du Sud. Elle parle aussi de la d’une très forte pression, en particulier de la part de ses pairs, pour décrocher un emploi d’élite. “C’est très présent, et c’est tellement intense parce que tout le monde publie des articles sur son travail”, déclare cette membre de la génération Z, basée à Brooklyn (New York).

Même si un vent de changement commence à souffler là-dessus, de nombreux membres de la génération Z – en particulier ceux qui ont fréquenté de prestigieuses universités – optent toujours pour des secteurs d’activité très en vue. Danielle Farage confie au site britannique d’informations que de nombreux nouveaux diplômés veulent encore “suivre le droit chemin” : elle connaît plusieurs étudiants qui sont toujours “très attachés au prestige, parce que tout le monde autour de vous se dit, oh, je dois trouver un emploi de consultant dans les Big-5 … je vais faire un stage dans cette grande banque l’été prochain”.

Cela change mais…

Ces “secteurs très traditionnels” sont en effet porteur de prestige, explique Jonah Stillman, cofondateur de GenGuru, un cabinet de conseil qui s’intéresse aux différentes générations sur le lieu de travail. M. Stillman, qui appartient à la génération Z, affirme que ce sentiment de prestige, lié à certaines fonctions, est déjà présent dans les établissements d’enseignement supérieur. Mais il précise que de nombreuses personnes, toutes générations confondues, ont déjà subi des pressions bien avant l’université pour suivre ces voies, notamment de la part de membres de leur famille ou de conseillers d’orientation.

Mais avec l’arrivée de la génération Z sur le marché du travail, les experts affirment que ce que l’on considère comme un emploi de haut niveau pourrait changer ; cette définition pourrait s’élargir et même devenir moins pertinent. En effet, certains jeunes travailleurs de la Gen-Z reconnaissent que gagner de l’argent est quelque chose de « convenable », en particulier lorsque le coût de la vie n’arrête pas d’augmenter, et que travailler pour certaines entreprises ou pour des secteurs spécifiques peut permettre de faire carrière.

Mais ils sont de plus en plus nombreux à mettre l’accent sur d’autres éléments, tels que : les valeurs de l’entreprise, la flexibilité, l’autonomie et l’absence d’heures supplémentaires et d’un rythme effréné de travail.

La Gen-Z ne veut pas :

Manque d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée: 50%

Milieu de travail toxique : 47%

Manque d’opportunités de développement des compétences professionnelles : 43%

Impossibilité d’avancer au sein de l’entreprise : 43%

Heures supplémentaires régulières : 41%

(source : sondage Zety, avril 2022)

Changements d’emploi, changement de vie

Danielle Farage a elle aussi constaté que de nombreux membres de la génération Z redéfinissent ce qu’est un emploi de prestige. Pour eux c’est un emploi qui améliore leur propre vie, et plus un emploi lié à une entreprise ou à un type de fonction. Il peut s’agir tout simplement d’un poste qui leur permet de mener le style de vie qu’ils souhaitent et ce peu importe la fonction : exercer en tant qu’entrepreneur, travailler dans un secteur qui correspond à leurs valeurs et à leur passion, décrocher un emploi qui leur permette de développer en parallèle leur propre société ou marque.

Danielle Farage en est d’ailleurs un exemple ; tout en occupant un emploi à temps plein en tant que directrice Croissance et Marketing dans une start-up, elle se concentre également sur la création d’une activité parallèle, en se concentrant sur les expériences de la Génération Z.

Andrew Roth s’est également éloigné de la voie qu’il s’était premièrement tracée : celle de la finance et du conseil. Il pourrait presqu’en remercier le Covid-19 car tout au long de la pandémie, il est devenu “très évident pour moi que beaucoup d’organisations avaient du mal à écouter et à comprendre les besoins des jeunes”. Après avoir obtenu son diplôme, Roth a réorienté ses projets vers l’entrepreneuriat et a lancé dcdx, une société de recherche et de stratégie pour la génération Z.

“C’est comme si notre rapport au prestige avait changé”, explique à la BBC, celui qui maintenant vit à New York. “Avant, le prestige était associé au fait de suivre les voies traditionnelles. Mais je pense qu’aujourd’hui, il y a un rejet autour de cela, en particulier pour ce type de génération progressiste.”

Utilité avant le paraître

Certaines données indiquent que la génération Z s’oriente effectivement vers un travail plus utile.

Les données LinkedIn (avril 2023) de 7 000 travailleurs au niveau mondial, ont été passées au crible par BBC Worklife, et montrent que 64 % des membres de la génération Z au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Irlande considèrent désormais qu’il est important de travailler pour des entreprises qui sont en phase avec leurs valeurs. Les données montrent également que ces jeunes travailleurs mettent en avant l’équilibre entre vie professionnelle et leur vie privée ainsi que l’évolution de leur carrière comme les principaux critères de sélection d’un travail potentiel.

Outre l’évolution des aspirations de la génération Z, leur adhésion à un certain esprit d’entreprendre et l’accent mis sur les valeurs, ce changement d’état d’esprit peut s’expliquer, en partie, par l’évolution des mécanismes de recherche d’emploi et l’identification à d’autres parcours professionnels, explique Josh Graff, directeur général de la région EMEA et LATAM chez LinkedIn.

Avec un plus grand nombre d’offres d’emploi publiées en ligne, “les gens ont beaucoup plus facilement accès à l’information aujourd’hui que lorsque nous postulions pour un emploi il y a plus de 20 ans… Cela vous permet d’avoir une bien meilleure visibilité sur un grand nombre de possibilités”, dit-il. “Cette évolution du lieu de travail, de la main-d’œuvre… amène les gens à comprendre qu’il existe un plus large éventail d’options.

Les millenials suivent le mouvement

Mme Johnson-Jones, aujourd’hui âgée de 30 ans, affirme que l’évolution de la définition d’un travail de prestige se répercute également sur les générations précédentes, y compris sur les milléniaux, comme elle.

Elle a quitté son emploi dans une banque d’investissement “pour raison de santé” et a fini par créer sa propre entreprise : Flexa Careers, un répertoire mondial d’entreprises de travail flexible. Elle pense que les travailleurs plus âgés expriment la même chose que ceux de la génération Z. En s’interrogeant sur la définition d’un emploi de rêve, ils redéfinissent de la même manière le terme ; comme des emplois qui leur permettent un meilleur style de vie.

Mais la différence, selon Mme Johnson-Jones, c’est que de nombreux milléniaux réinterprètent cette définition par nécessité, à la lumière d’un burn out ou d’une dépression, car ils ont souvent été malmenés par les emplois très compétitifs, là où il y a trop d’heures, dans lesquels ils se sentaient “obligés” d’entrer dès la sortie de l’université. “Nous n’avons pas besoin de travailler 60 heures par semaine dans un bureau juste pour un titre ou un salaire décent”, s’interroge-t-elle.

Pour sa part, Andrew Roth pense que nombreux sont ses amis qui revoient actuellement leur copie et surtout leurs choix. « Je pense que beaucoup d’entre eux me regardent avec un peu d’envie et me disent : “Hé, j’aurais aimé faire quelque chose de similaire à ce que tu as fait”. Les gens sont en train d’adopter cet état d’esprit”. »

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