La famille Vande Vyvere doit sa fortune à la brique
Chaque mois, Trends-Tendances s’intéresse à une “fortune discrète” de Flandre. Cette fois-ci, c’est la famille Vande Vyvere, propriétaire de l’entreprise de construction Matexi, leader sur le marché belge, pour laquelle la parole est d’argent et le silence est d’or. Ses actuels descendants (ceux de la quatrième génération) comptent parmi les entrepreneurs les plus riches de Flandre-Occidentale. Quant à Gaëtan Hannecart, le mari de Bénédicte Vande Vyvere, il est particulièrement bien introduit dans le monde des affaires.
Karel Van Eetvelt (ex-Unizo et Febelfin), Jo Van Biesbroeck et Ignace Van Doorselaere (tous deux des anciens d’AB InBev, entre autres), Bernard Delvaux (Etex), ainsi que, par le passé, Luc Vandewalle (ex-ING), sont autant d’administrateurs de renom actifs dans les nombreuses filiales contrôlées par la famille Vande Vyvere. Gaëtan Hannecart, la figure de proue de la quatrième génération, est aussi président du conseil d’administration de Guberna, l’institut visant à promouvoir la bonne gouvernance des entreprises et organisations. Il exerce en outre des mandats au sein de la Financière de Tubize, du groupe Sipef et du think tank Itinera. Un véritable homme de réseaux, donc.
Commerce foncier
L’aventure commence dans la commune de Meulebeke, près de Roulers, il y a quatre générations. Et par l’acquisition d’une solide formation, comme le souligne le site web de Matexi. Lorsque Victor Vande Vyvere (voir aussi l’arbre généalogique), agriculteur et conseiller communal, décède inopinément au début du mois de mars 1917, sa veuve Clémence Roelens se retrouve seule avec ses quatre fils et ses cinq filles. Elle assurera une éducation complète à chacun d’eux.
Plus tard, trois des frères, Gérard, Robert et Herman, se lancent dans le négoce foncier avant de créer, le 10 juillet 1945, la SA Matexi, pour Maatschappij tot Exploitatie van Immobiliën. C’est par l’intermédiaire de cette société d’exploitation immobilière que les frères achètent (parfois à des nobles ruinés par la Seconde Guerre mondiale) de vastes parcelles de terrain, principalement en Flandre et dans le nord de la France, et les revendent par lots à des fermiers qui peuvent dès lors lancer leur propre exploitation. A partir de 1954, l’activité s’étend au lotissement, puis, dans les années 1960, à la construction sur ces mêmes lots, une évolution notamment due à l’entrée de la troisième génération dans l’entreprise. Christian, le fils de Gérard, intègre la société en 1962. Et Bernard, celui de Robert, en 1965. Philippe, le fils d’Herman, est le dernier à franchir le pas en 1973. Situé à Reet, près de Rumst, le «quartier Matexi» est un exemple de lotissement réalisé dans les années 1970.
Passage à Harvard
Bernard est décédé en 1994, quatre ans après avoir quitté la société. Christian est resté actif jusqu’en 2002 et Philippe, jusqu’en 2006. Après le décès de Bernard, l’actionnariat a été circonscrit à deux branches familiales: celle de Christian, marié à sa cousine Françoise, et celle de Philippe.
La figure de proue de la quatrième génération ne porte pas le nom de Vande Vyvere. D’origine anversoise, Gaëtan Hannecart est administrateur délégué de Matexi depuis 1994. L’époux de Bénédicte Vande Vyvere, fille de Christian et Françoise, gère aujourd’hui encore le patrimoine familial. Il préside Matexi et le holding faîtier Abacus Invest SA. Après son mariage avec Bénédicte, en 1992, cet ingénieur civil diplômé de la KU Leuven est parti pendant deux ans suivre des cours à la Harvard Business School. Il comptait diriger à son retour des fonds de capital-risque, mais comme Christian et Philippe cherchaient un associé, il a été nommé administrateur délégué. Bruno Vande Vyvere a rejoint la société en 1996. Bruno, qui habite Aartselaar, a dirigé la division anversoise de Matexi jusqu’en 2020.
C’est sous la direction de Gaëtan Hannecart que Matexi a atteint sa pleine maturité. Le groupe assure aujourd’hui des activités de promotion immobilière en Belgique, au Luxembourg et en Pologne. Il a pour slogan «Bienvenue dans le quartier! «A partir des années 1990, il s’est lancé dans la réhabilitation de quartiers urbains délaissés, voire délabrés.
“Matexi veut que les gens puissent avoir leur propre logement et s’y sentir bien”, résume une source au sein de l’entreprise. Laquelle cherche effectivement à fournir des logements à des prix abordables, dans des quartiers où il fait bon vivre. On relèvera, parmi ses principaux projets, le site de Lamot, à Malines, ou encore le quartier du Canal, à Hasselt. Ressurgi de ses cendres, cet ensemble de commerces, d’établissements horeca et de 400 maisons et appartements a été baptisé Quartier Bleu. Nous citerons également les bâtiments du boulevard Léopold III, à Evere, ou l’Antwerp Tower, qui surplombe l’opéra d’Anvers. Matexi a à son crédit la construction de 45.800 logements. Le chiffre d’affaires inscrit au bilan d’Abacus Invest provient quasi intégralement de Matexi, qui emploie 350 personnes. Plus des deux tiers des actifs du holding faîtier sont issus de la promotion immobilière.
Prise de contrôle
Une autre mutation d’importance s’est produite en juin 2016, avec le rachat des actifs de la branche de Philippe Vande Vyvere. Cet amateur de courses hippiques, en particulier de l’hippodrome de Waregem, et ses trois fils suivent depuis leur propre voie, au travers du véhicule d’investissement VyBros (contraction de ‘‘Vande Vyvere Brothers’’).
C’est ainsi qu’une des branches de la quatrième génération a pris le contrôle total de l’empire Matexi. «Elaguer concourt à réduire la complexité, approuve Jozef Lievens, administrateur délégué de l’Institut flamand pour l’entreprise familiale. A mesure que le nombre d’actionnaires familiaux croît, il faut davantage de gouvernance familiale, ce qui exige du temps et de l’argent. Tailler les branches permet de mieux maîtriser cette complexité croissante, puisque l’on a affaire à moins d’actionnaires.»
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Ainsi est née, le 13 juin 2016, la SA Abacus Invest. Ce holding pivot compte trois actionnaires. D’après une certaine source, Bénédicte Vande Vyvere et son mari Gaëtan Hannecart posséderaient les deux tiers des titres et Bruno Vande Vyvere, un tiers, mais les actes publiés au Moniteur belge font état d’une répartition légèrement différente.
Abacus Invest est aujourd’hui bien plus que la propriétaire de Matexi. Le holding intermédiaire Quaeroq SA prend des participations dans des sociétés cotées, des fonds d’investissement et du capital-risque, entre autres. En sa qualité d’actionnaire minoritaire, il finance, dans une perspective de long terme, des PME européennes. C’est à peu près tout ce qu’explique son site web dont la page d’accueil ne contient guère plus qu’une phrase et une adresse…
Vande Vyvere, bien plus que Matexi
Creafund (10,24%): sis à Laethem-Saint-Martin, le fonds de capital-risque incarné par l’investisseur gantois Herman Wielfaert détient des participations dans les entreprises de finitions Beddeleem, d’emballage Coeman et de logistique Sitra, pour ne citer qu’elles.
Fortino Capital (13,04%): ce fonds d’investissement dirigé par Duco Sickinghe a des participations dans Bloomon (fleuriste en ligne), Letsbuild (plateforme numérique de suivi de chantiers de construction) et Teamleader (logiciel de gestion administrative pour les PME), notamment.
Fountain Belgium (30,15%): cette société cotée sise à Braine-l’Alleud vend du café et des produits connexes, principalement à des PME belges, danoises et françaises (la France est son principal marché). Son chiffre d’affaires a atteint 25 millions d’euros en 2022. L’entreprise recense 22.000 distributeurs automatiques, déposés chez 16.200 clients.
Hoplr (35,6%): toujours déficitaire, la société lokerenoise organise des réseaux de quartier en ligne destinés à promouvoir les bonn:s relations de voisinage. Plusieurs villes et communes de Belgique, des Pays-Bas et de France l’utilisent.
Sibomat (96%): basée à Zulte, en Flandre-Orientale, Sibomat construit des maisons sur mesure faites d’une ossature en bois peu énergivore et propose d’autres applications en bois pour le secteur de la construction encore. Elle a clos l’exercice 2022 sur un chiffre d’affaires de 33 millions d’euros et un bénéfice d’exploitation de 1,2 million d’euros. Elle emploie 48 personnes. Elle a livré l’an dernier 114 logements mais, outre d’autres contretemps, la flambée de l’inflation et des taux d’intérêt rend les perspectives pour 2023 moins encourageantes.
Zenitel (10%): cette société basée à Zellik produit et distribue des solutions de communication pour la sécurité, la disponibilité des systèmes et la qualité sonore. Son principal actionnaire (89%) est la SA 3 D, le fonds d’investissement du financier flamand Frank Donck.
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