La douane belge noyée sous les colis chinois
La douane belge semble à la peine lorsqu’il s’agit de gérer l’afflux massif de colis en provenance de Chine et commandés via les plateformes numériques.
En 2023, deux milliards de colis de moins de 150 euros ont été importés dans l’UE. De quoi chiffrer la taille du défi auquel sont confrontées les autorités douanières européennes.
La Belgique noeud logistique
Depuis 1958 et l’institution de l’union douanière, les droits de douanes sont collectés par les États membres de l’Union européenne (UE) pour alimenter le budget européen. A eux-seuls, ils représentent 17,6% du budget européen en 2024. Et la Belgique, nœud logistique et l’un des principaux points d’entrée du commerce en Europe via Anvers, est le 3ᵉ contributeur européen de ce budget. Autant dire que les fraudes aux frais de douanes ont de quoi rendre les institutions nerveuses.
Une amende à 251 millions
On a ainsi appris il y a quelques semaines qu’en 2021, l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) avait infligé à la Belgique une amende de 251 millions d’euros pour son peu d’enthousiasme dans lutte contre la fraude à l’importation. Submergée par l’afflux massif de colis, la douane avait tacitement toléré que les biens soient sous-évalués entre 30 et 40 % de leur prix de vente. Il s’agissait dans la plupart des cas de marchandises en provenance de Chine, principalement des vêtements et des chaussures bon marché vendus par des sites comme Temu et Shein. En agissant ainsi ils auraient privé l’Union européenne de centaines de millions d’euros de droits de douane non payés.
Une attitude passive des douanes
Cette tolérance sera révoquée dans la foulée de l’amende et la douane belge poursuit depuis en justice les 74 entreprises responsables des formalités douanières à l’aéroport de Bierset. Pour l’instant sans succès, puisqu’aucune condamnation n’a été prononcée jusqu’à présent. Dans le dernier procès en date, le tribunal correctionnel de Liège vient ainsi d’acquitter l’entreprise Liège Cargo Agency (LCA) et son CEO Eric Bruckmann accusés de sous-évaluation de biens importés de Chine via l’aéroport de Liège. Lors du procès, l’avocat d’Eric Bruckmann, critiquant l’attitude passive des douanes, avais mis en avant le fait que les opérateurs avaient été trompés après avoir été autorisés à pratiquer ces sous-évaluations pendant des années. Eric Bruckmann devra par ailleurs répondre à d’autres accusations en janvier 2025 devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Lui a de son côté assigné l’État belge en justice pour le comportement de l’Administration des douanes.
La technique de la matriochka
Ce que cette décision met surtout en lumière, c’est des douanes dépassées face à l’essor de l’e-commerce chinois. En quelques années, Liege Airport s’est mué en principal hub cargo de Belgique et cinquième d’Europe. Ces importations massives de produits chinois régulièrement contrefaits ou ne répondant pas aux normes européennes posent plusieurs problèmes. Leur masse en est un. La douane ne parvient ainsi qu’à contrôler que 19 % des envois, parmi lesquels 20 à 40 % ne respectent pas la législation. Les techniques utilisées en sont un autre. Il n’est pas rare que les produits soient envoyés avec la technique dite de la matriochka. Soit on emballe de petite commande dans de grandes boîtes pour faire sauter les taxes à l’importation et la TVA.
Comment garder la main ?
Intensifier les contrôles est possible à condition d’y mettre les moyens et rien n’indique que ce soit une priorité du futur gouvernement. Une solution plus simple selon Becom, la fédération belge de l’e-commerce, serait dès lors de mettre hors ligne les boutiques en ligne chinoises ne respectant pas les réglementations. L’Europe aurait aussi son rôle à jouer. Elle pourrait par exemple supprimer l’exemption de droits de douane pour les biens de moins de 150 euros. En attendant, le tsunami continue de plus belle.
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