La difficile transition électrique des équipementiers automobiles
S’adapter tout en conservant son savoir-faire. Qu’ils fabriquent des boîtes de vitesse, des freins, des systèmes de climatisation, des roulements mécaniques, c’est l’ensemble de la branche des équipementiers automobiles qui doit résoudre la quadrature du cercle.
Pendant près d’un siècle, l’entreprise allemande Eberspächer a fabriqué des systèmes d’échappement et de chauffage pour les véhicules à moteurs thermiques, des technologies dont les jours sont comptés avec le passage aux voitures électriques. Son usine de Herxheim, dans le sud-ouest de l’Allemagne, s’est donc lancée il y a quelques années dans la production de chauffage pour véhicules électriques et hybrides, un défi technologique et financier.
Eberspächer, qui emploie plus de 10.000 employés dans le monde, dépend encore à 52% des revenus liés au traditionnel moteur à combustion que l’UE a prévu de bannir, pour les nouvelles voitures vendues, d’ici à 2035. Qu’ils fabriquent des boîtes de vitesse, des freins, des systèmes de climatisation, des roulements mécaniques, c’est l’ensemble de la branche des équipementiers automobiles qui doit résoudre la quadrature du cercle: adapter ses produits à la mobilité électrique et connectée tout en conservant son savoir-faire lié aux moteurs à combustion, qui ont encore de l’avenir dans de nombreuses parties du monde.
“Nous avons les bons outils, les connaissances, la bonne technologie” pour rester dans la course, assure Karsten Bolz, responsable au sein de la filière de chauffage électrique chez Eberspächer. Mais selon une étude du cabinet de conseil Strategy&, membre du réseau PwC, les équipementiers automobiles allemands ont perdu près de trois points de part du marché mondial depuis 2019.
Maillage essentiel
“Il faut beaucoup d’argent, beaucoup d’investissements dans ces nouvelles technologies. Les entreprises n’ont pas forcément ces fonds et trouver des investisseurs n’est pas évident”, analyse pour l’AFP Ferdinand Dudenhöffer, du Center Automotive Research.
Les fournisseurs constituent un maillage industriel indispensable pour les constructeurs comme BMW, Volkswagen et Mercedes. Derrière les mastodontes Bosch -premier équipementier mondial-, ZF ou Continental, une myriade d’entreprises allemandes de taille moyenne constituent la colonne vertébrale du secteur automobile allemand. En difficultés depuis années, le fabricant de câbles Leoni, qui compte plus de 90.000 emplois dans le monde, a dû annoncer cette année une importante restructuration. Plus modeste, l’entreprise Allgaier, qui emploie environ 1.700 personnes et fournit des pièces de tôle aux principaux constructeurs, a déposé le bilan en juin.
“Nous avons quelque 400 fournisseurs en Allemagne. Environ 10% pourraient rencontrer des problèmes dans la transition”, certains risquant même “de faire faillite”, selon Ferdinand Dudenhöffer. Tout comme l’ensemble de l’industrie allemande, les équipementiers sont aussi pénalisés par la hausse marquée des prix de l’énergie. “Il y a un risque que les succès des vingt dernières années soient effacés en peu de temps”, met en garde l’étude de Strategy&, pointant du doigt la concurrence de plus en plus forte venant d’Asie.
Fusions
L’an dernier, Eberspächer a enregistré une perte nette de 94 millions d’euros, contre un bénéfice net de 21 millions l’année précédente. “La concurrence est un aspect normal du secteur automobile. Vous voyez un marché en croissance, le marché de la mobilité électrique, et bien sûr, tout le monde veut sa part”, relativise Karsten Bolz. Et les revenus des moteurs à combustion “resteront une partie importante de l’activité”, estime ce responsable dont l’entreprise est aussi présente en Asie, en Amérique et en Afrique
Mais les entreprises allemandes perdent du terrain face à leurs concurrents internationaux. L’étude de Strategy& montre ainsi que plusieurs entreprises asiatiques ont grimpé dans le classement mondial des fournisseurs au cours des dernières années. En termes de chiffre d’affaires, le géant chinois des batteries EV CATL était en deuxième position l’an dernier, suivi par le japonais Denso, en troisième position, et Hyundai Mobis de Corée du Sud. Pour affronter la concurrence, certains équipementiers jugent nécessaire de changer de dimension. Début 2022, Faurecia, l’un des principaux équipementiers français, a bouclé son acquisition de l’allemand Hella, changeant de nom pour devenir Forvia.
La semaine dernière, le bavarois Schaeffler, spécialiste des roulements mécaniques, a lancé une offre d’achat sur le fabricant des transmissions Vitesco, pour former un spécialiste de l’électromobilité, fort de 120.000 salariés.
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