La cybersécurité s’invite dans les conseils d’administration
Les entreprises intègrent de plus en plus de personnes ayant une expertise en cybersécurité mais aussi en durabilité ou en diversité dans leurs conseils d’administration. Les profils financiers demeurent toutefois les mieux représentés.
Le 4 mai dernier, une cyberattaque d’envergure a paralysé Belnet, l’organisme qui héberge les accès internet de 200 institutions belges, dont le Parlement fédéral, les universités, des hôpitaux, des centres culturels, etc. Cette opération a frappé l’opinion mais elle n’était pourtant pas très surprenante pour les spécialistes. “Chaque année, les organisations belges versent 100 millions d’euros aux pirates informatiques”, affirmait ainsi à L’Echo le patron de l’entreprise de cybersécurité Secutec. Les sociétés sont bien conscientes du danger et elles recrutent à tour de bras les experts qui les aideront à combattre les hackeurs. Cela se traduit jusque dans la composition des conseils d’administration: 17% des administrateurs désignés l’an dernier dans les entreprises du Bel20 ont une expérience en la matière, une proportion qui constitue un record d’Europe, nous apprend le cinquième board monitor, réalisé par le cabinet Heidrick & Struggles, spécialisé dans la sélection de membres pour les conseils d’administration et les comités exécutifs.
L’éventail des compétences au sein des CA s’élargit et c’est une excellente nouvelle.”
Marie-Hélène De Coster (Heidrick & Struggles)
D’autres types d’expertise s’invitent aussi dans les conseils d’administration, comme le développement durable, la diversité ou l’économie digitale. “L’éventail des compétences au sein des CA s’élargit et c’est une excellente nouvelle, pointe Marie-Hélène De Coster, partner en charge de Heidrick & Struggles Benelux. Nous avons appris, avec cette pandémie, que le monde pouvait changer du jour au lendemain. Il est très important pour les entreprises d’avoir au sein de leurs équipes les personnes qui pourront éclairer leurs décisions sous différents angles, qui l’aide- ront à rester en phase avec les nouveaux besoins qui émergent.”
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Oublié, le durable?
Les entreprises belges dépassent la moyenne européenne pour le critère “Diversité et Inclusion” (8% des nouveaux administrateurs) mais, en revanche, on est surpris de constater que les sociétés du Bel20 n’ont recruté l’an dernier aucun administrateur ayant une expérience significative en matière de développement durable. Nous sommes le bon dernier de la classe européenne, loin de la moyenne de 12% des administrateurs affichant des compétences en durabilité. Déjà en 2019, les entreprises belges ne s’étaient pas montrées particulièrement audacieuses sur ce plan, avec à peine 4% d’engagements.
Marie-Hélène De Coster tient cependant à relativiser le zéro pointé de 2020. Il n’y a en effet eu que 12 nominations en Belgique l’an dernier et cela limite forcément l’éventail des recrutements. “Il ne faut certainement pas y voir une tendance, assure-t-elle. Au contraire, nous recevons beaucoup de demandes avec un focus sur la durabilité et cela devrait s’accélérer tout au long de l’année 2021. La génération montante, celle qui nous apportera les acteurs économiques de demain, exprime de fortes exigences en ce sens et les entreprises en sont bien conscientes. La durabilité fait aujourd’hui partie de l’attractivité d’un employeur, les jeunes ne regardent pas uniquement le package salarial. Ce phénomène a des incidences sur les processus de production, de logistique, de vente. Il est donc essentiel qu’une telle expertise soit présente au sein du board.”
Effets de la pandémie
Est-ce déjà l’effet de la pandémie? Trop tôt pour le savoir mais force est de constater que les entreprises sont de plus en plus soucieuses d’attirer en leur sein des compétences dans le domaine des sciences du vivant. “Cela se vérifie autant dans les sociétés industrielles que dans la finance ou les biens de consommation, précise Marie-Hélène De Coster. Je pense que cela atteste d’une prise de conscience de ce que la santé peut signifier dans le monde actuel.” En revanche, les évolutions dans les habitudes de travail (télétravail, bien-être au travail, etc.) ne semblent pas (encore) avoir eu d’impact sur la composition des CA. “Mais ce sont clairement des compétences pour lesquelles les CA devront soit attirer des personnes, soit se faire aider par des consultants extérieurs, estime notre interlocutrice. Il sera intéressant de voir si cela émerge l’an prochain dans notre baromètre.”
12 administrateurs
seulement ont été nommés en 2020 en Belgique pour l’ensemble du Bel20.
Poser les bonnes questions
Ceci étant, si le besoin d’une expérience spécifique pour “the future of work” ne se fait pas trop ressentir, peut-être est-ce parce que les conseils d’administration restent largement peuplés de personnes encore en activité, notamment des CEO ou CFO. Par la force des choses, ces administrateurs sont imprégnés des fortes évolutions au sein du monde du travail. En Belgique, trois nouveaux administrateurs sur quatre sont toujours actifs en entreprise. Ce chiffre place notre pays dans le top européen (la Norvège est ici championne avec 89%) et pour Marie-Hélène De Coster, c’est un élément très positif. “Les conseils sont composés de personnes dont les connaissances en matière de leadership et de management sont à jour, dit-elle. Et je pense que dans l’autre sens, cela aide ces CEO à gérer leur propre board, à comprendre les dynamiques au sein d’un conseil et à s’y préparer.”
Sans surprise, les conseils d’administration des sociétés du Bel20 se caractérisent par leur forte internationalisation: 67% de non-Belges (contre 63% en 2019) et 33% d’administrateurs avec une expérience internationale. Ce résultat correspond aux besoins d’une économie très ouverte, tournée vers l’exportation. “On voit que la Belgique n’a pas misé sur un repli sur soi, commente Marie-Hélène De Coster. Cette ouverture au monde fait partie de notre culture, comme celle du Danemark. Nous avons, je trouve, une adaptabilité culturelle très élevée. Les profils internationaux s’intègrent plutôt facilement dans les conseils des entreprises belges.”
Autre particularité belge: le très faible renouvellement des CA en 2020, le plus faible de tous les pays étudiés par Heidrick & Struggles. Une réalité qui peut s’expliquer par des hasards du calendrier (peu de mandats arrivaient à échéance) mais aussi par le besoin de stabilité en ces périodes très agitées. “Cette relative stabilité montre que les conseils d’administration du Bel20 ont fait preuve d’une forte agilité pour affronter cette pandémie, analyse Marie-Hélène De Coster. C’est plutôt un gage de confiance pour l’avenir.”
Dans cette optique de stabilité, notons qu’une large majorité des administrateurs (67%) possèdent une expérience préalable au sein d’un conseil. Même si les sociétés sont parties à la recherche de compétences complémentaires, elles tiennent aussi à préserver l’expérience et la continuité. Demain, l’une des tâches de bureaux comme Heidrick & Struggle sera sans doute d’essayer d’évaluer l’apport de ces différentes compétences au fonctionnement d’un CA. “Il y a moyen de mettre en place les mécanismes pour réussir à tirer le meilleur parti des complémentarités, conclut Marie-Hélène De Coster. Le CA, c’est l’instance qui aide et qui guide le comité exécutif dans ses choix. Sa fonction essentielle, c’est de poser les bonnes questions afin de challenger, de manière constructive, le comité exécutif. La diversité des origines peut aussi aider à ouvrir des portes, à tisser des liens utiles à l’entreprise.”
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