La chronique du Dr Sales: reformulation, la formule magique

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Nous nous accordons tous à dire, dans l’univers du commerce et de la vente, que l’écoute est la clé la plus importante du business. Hélas, en soulevant le tapis réconfortant des évidences, on découvre une faille, que dis-je, un gouffre ahurissant entre la capacité estimée d’écoute des uns et le sentiment d’être compris des autres.

L’absolue majorité des commerciaux que je croise s’auto-évaluent très positivement dans leur capacité d’écoute du client. Pourtant, tous les sondages démontrent que les clients, eux, se sentent toujours bien mal compris. Dans une étude du Rain Group en 2020, seuls 26% des acheteurs estiment que les vendeurs sont compétents dans ce domaine.

Comment expliquer l’écart flagrant entre ceux qui prétendent entendre et ceux qui souffrent de ne pas être entendus, et réconcilier ces deux perceptions opposées ? Peut-être en réalisant que, pour donner à l’autre la certitude qu’il a été compris, les questions profondes, la curiosité délibérée et la posture d’écoute ne suffisent pas. Il manque un élément essentiel, systématiquement négligé : la reformulation.

La pratique de la reformulation-validation permet à votre client d’entendre que vous avez intégré ses priorités, ses enjeux, ses ambitions, ses souhaits exprimés et parfois même tacites, qui lui sont révélés par vos propres mots. En nommant les choses, sans encore proposer quoi que ce soit, vous lui permettez de prendre conscience de l’ampleur de ses besoins. Non seulement vous lui démontrez que vous l’entendez, mais vous l’aidez également à mieux s’entendre lui-même.

“En nommant les choses, sans encore proposer quoi que ce soit, vous lui permettez de prendre conscience de l’ampleur de ses besoins.”

Répéter simplement les mots de votre client peut déjà s’avérer extrêmement utile. Une célèbre recherche de Rick van Baaren en 2003 aux Pays Bas démontre que les serveurs qui répètent les commandes des clients augmentent leurs pourboires de 70% par rapport à ceux qui se contentent d’acquiescer en prenant note.

L’étude souligne que le mimétisme verbal favorise la création de liens et la perception de compréhension mutuelle, renforce la confiance et la satisfaction, éléments clés dans toute relation commerciale.

Reformuler n’est pas simplement répéter. Si la revalidation des propos d’un client peut déjà faire la différence, nous pouvons, avec un peu de pratique, amener le client à s’engager davantage dans l’achat, alors même que nous ne lui avons encore rien proposé.
Je vous invite à découvrir la “reformulation profonde”, en quatre paliers successifs, pour provoquer la confiance de votre client et faire naître en lui une irrésistible envie de travailler avec vous.

La reformulation factuelle

Reformuler les faits semble simple, mais l’exercice s’avère piégeux si le commercial ne réalise pas rapidement qu’il doit entamer sa reformulation depuis la position de son client et non pas par le biais de ses intérêts propres.

Ainsi, pour prendre un exemple concret, si vous êtes dans un entretien de vente d’un système ERP, évitez de commencer votre reformulation par : “Donc, je comprends que changer de logiciel de gestion est devenu une priorité pour vous.”

Adoptez la perspective de votre client et extrayez des faits ceux qui sont les plus saillants en termes de motivation de changement. Montrez que vous avez intégré la situation telle que vécue par votre client: “Donc, pour résumer, vous avez aujourd’hui un outil qui fonctionne, mais qui vous contraint de dépenser un temps fou à ressaisir de la donnée d’un système à l’autre.”

La reformulation émotionnelle

Placez-vous à présent au niveau de ce que le client exprime comme ressenti : ce sont nos émotions qui nous poussent à l’action : “… Et aujourd’hui, j’ai l’impression que ça vous agace et vous frustre profondément de devoir ressaisir à la main ce qu’une technologie était censée vous éviter de faire.”

C’est à vous d’interpréter ses comportements, ses attitudes, de ressentir ce qu’il exprime parfois inconsciemment. Arriver à trouver les mots justes pour qualifier l’émotion présente chez votre client est un levier puissant pour le faire se sentir profondément compris et engagé à agir.

La reformulation stratégique

Il s’agit de formuler le projet de changement que cherche à réaliser le client. Aucun client n’achète un produit ou un service : il cherche à accomplir une transformation.

Il s’agit de résumer sa quête, son parcours, au-delà de l’achat, qui n’en est qu’une étape : “Ce que je comprends, c’est que vous recherchez une solution qui vous libère de cette perte de temps, vous redonne de la sérénité et vous permette de vous concentrer sur votre vrai travail.”

La validation des critères de décision

Si votre client accepte cette interprétation, il vous restera alors à revalider les éléments clés de sa pondération décisionnelle, les critères de choix qu’il va mettre en lice : “Et pour effectuer le meilleur choix, vous voulez d’abord considérer l’efficacité des outils envisagés sous l’aspect du temps gagné et de la facilité de prise en main. Vous semblez vouloir également bénéficier d’un accompagnement qui ne vous laissera plus seul face à la prise en main du système. Enfin, vous m’avez évoqué des souhaits très clairs en termes de coûts mensuels. Nous sommes d’accord ?”

Voilà validés les demandes et les besoins profonds de votre client. Vous provoquerez chez lui une forme agréable de soulagement, de satisfaction, tout en lui offrant encore l’occasion de corriger votre interprétation et donc d’affiner, si besoin, ses souhaits.

Faire le lien

Puisque vous venez de lui démontrer que vous avez entièrement saisi ses enjeux, l’attention de votre interlocuteur est à nouveau disponible pour ce que vous aurez à lui présenter. Je vous conseille de terminer cette séquence en faisant le lien entre les besoins décelés et votre offre, pour créer une continuité fluide, logique et pleine de sens : “Ok, alors je vous propose d’orienter la présentation de notre outil sur ces points essentiels, et je vous demanderai ensuite si vous souhaitez avancer ensemble sur un déploiement de cette solution, si elle vous convient. Ça vous va ?”

Arrivé à ce stade, bien souvent, sans même l’avoir réalisé, et alors que vous n’avez pas encore présenté votre solution, le client l’aura déjà achetée comme faisant naturellement partie de son processus de transition. Il vous suffira de lui démontrer comment vous allez contribuer à le réaliser.

Observez autour de vous : médias, réseaux sociaux… Partout, les opinions et les ego s’affirment, s’exposent et se répondent les uns aux autres sans plus jamais se comprendre ni se rejoindre. C’est le mal de l’époque diront certains. Mais ce n’est pas une fatalité.

Au-delà des techniques de vente, j’essaie modestement de faire prendre conscience à qui voudra bien y prêter attention que la réelle posture d’écoute, la volonté farouche d’entendre, de comprendre et de faire se sentir l’autre sincèrement écouté peut faire une différence importante, non seulement dans nos résultats commerciaux à court et long terme, mais aussi au sein de nos relations quotidiennes. Faire d’abord s’exprimer l’autre, l’assurer que vous l’avez entendu et construire sur ces bases un projet commun, est, à mes yeux, à la fois un art de vivre et peut-être une façon de recréer la cordialité et le vivre-ensemble dont nous semblons avoir désespérément besoin… Si je nous ai bien compris.

Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.

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