La brasserie Westvleteren a désormais un directeur (et ce n’est pas un moine)
L’abbaye Saint-Sixte, célèbre dans le monde pour brasser la bière trappiste Westvleteren, se dote d’un directeur général pour la première fois de son histoire. Son arrivée ne marquera toutefois pas un changement de cap commercial pour la brasserie flamande, selon le père abbé Manu Van Hecke.
Jusqu’à présent, les moines de l’abbaye Saint-Sixte qui brassent la bière mondialement connue Westvleteren s’occupaient eux-mêmes de toutes les tâches commerciales. Ils les confient désormais à leur nouveau directeur: Alain Monteyne. C’est la première fois en près de 200 ans d’histoire que ce poste n’est pas occupé par un frère.
Outre la supervision quotidienne de la brasserie, Alain Monteyne sera en charge de la gestion du patrimoine de l’abbaye, et des relations avec d’autres entreprises. Auparavant, ces responsabilités étaient réparties entre les moines et des laïcs. Cet ancien chef de PME, originaire d’Ypres et âgé de 58 ans, est diplômé en sciences économiques à Mons. Il a dirigé plusieurs sociétés actives dans le secteur agroalimentaire, dont le spécialiste des surgelés à base de pomme de terre Clarebout Potatoes NV et la société de charcuterie BonRill.
“Après 35 années passées à la tête d’entreprises familiales, spécialisées dans la confection d’aliments, il a le bagage nécessaire pour diriger notre brasserie et la préparer aux défis à venir, en respectant le cadre monastique et les objectifs fixés par le conseil d’administration de l’ASBL“, commente le père abbé Manu Van Hecke, en quelque sorte le “CEO” de l’abbaye, dans un communiqué.
7.500 hectolitres annuels maximum
Si Alain Monteyne compte quelques réussites florissantes au cours de sa carrière, Westvleteren ne cherche pas la croissance à tout prix. Certes, la production a augmenté de 50% en une dizaine d’années pour atteindre les 7.500 hectolitres annuels, mais les moines, aidés de six laïcs, ne brassent que 50 jours par an. Le père abbé Manu Van Hecke, qui était jusqu’à présent à la tête de la brasserie, a confirmé que l’arrivée de ce directeur ne marquerait pas un changement de cap pour son fonctionnement et sa stratégie. Il fait savoir qu’avec cette nouvelle direction, la brasserie ne cherchera pas à maximiser les bénéfices ou la production.
Les moines brassent pour vivre, ils ne vivent pas pour brasser
Le père abbé Manu Van Hecke
La production restera limitée à 7 500 hectolitres par an a-t-il assuré. “Les moines brassent pour vivre, ils ne vivent pas pour brasser. Cela restera comme ça avec Alain Monteyne. Il aidera les frères et les assistera dans la gestion commerciale de la communauté monastique. Il préparera également la brasserie pour l’avenir‘”, commente le père abbé.
Dix-neuf moines vivent encore dans l’abbaye située dans le Westhoek. L’arrivée d’Alain Monteyne leur permettra de se consacrer pleinement à leur vocation.
Vente limitée en ligne
D’autres brasseries trappistes, comme Westmalle par exemple, ont un directeur général depuis de nombreuses années déjà. A Westvleteren où la production de bière est nettement plus confidentielle, une telle fonction ne semblait pas indispensable, jusqu’il y a peu. Mais, certaines choses sont devenues plus complexes, comme les réglementations diverses, les normes de l’Afsca,… explique-t-on à l’abbaye.
La bière trappiste a été projetée au-devant de la scène brassicole en 2005 lorsqu’un site spécialisé américain avait désigné un des breuvages de la gamme, la 12, “meilleure bière du monde”. La bière a alors été victime de son succès. Lors des rares journées de vente directe en quantité limitée par client, il n’était pas rare de voir de longues files de voitures se former devant l’abbaye. Depuis 2019, la brasserie a dû adapter son système de vente. Les moines ont opté pour la vente en ligne, abandonnant celle par téléphone instaurée au début de leur activité. La bière trappiste est désormais exclusivement disponible lors des journées spéciales de vente que l’abbaye annonce en ligne. Malgré ce système de vente très strict, les moines ne sont cependant pas parvenus à éviter les dérives commerciales. Alors qu’ils stipulent que toute revente de leurs produits est interdite, la bière se retrouve facilement sur le maché noir, souvent à prix d’or.
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