La brasserie Caulier poursuit sa croissance et ses investissements

Les 10 degrés de la Paix-Dieu, une bière triple, sont autant une force qu’une faiblesse. D’où le lancement d’une Paix-Dieu Nova plus légère.

La brasserie Caulier qui produit des bières depuis presque 30 ans sort un nouveau produit : la Paix-Dieu Nova. Moins alcoolisée que son alternative classique, celle-ci sera distribuée exclusivement via un réseau d’ambassadeurs. Alors que le secteur brassicole semble à la peine, la brasserie Caulier poursuit sa croissance.

Théoriquement, Vincent Caulier appartient à la deuxième génération à la tête de la brasserie éponyme. Dans les faits, il serait plutôt de la quatrième génération de “passionnés de bière”. Son arrière-grand-père était déjà vendeur de bière en porte à porte dans les années 1930. “Il a eu la bonne idée de quitter son emploi de mineur dans les charbonnages pour se reconvertir dans la vente de bières”, explique Vincent Caulier, CEO de la brasserie depuis 2012. Ce sont ses parents, Roger et Linda, qui ont décidé de fonder la brasserie. “Ils ont en fait repris l’activité de distribution de mon grand-père, devenu grossiste, et l’ont transformée en activité de production.”

Lorsque Vincent Caulier rejoint la brasserie parentale pour en prendre la tête, son avenir n’était pas tout à fait assuré. “La crise financière était passée par là”, rappelle le responsable. Alors que la brasserie se trouvait en procédure de redressement judiciaire, Vincent Caulier fait parler son âme d’entrepreneur pour redonner un second souffle au projet familial. “La taille de la société n’était pas adéquate, analyse-t-il. Pour rester viable, il fallait agrandir l’entreprise afin de brasser la bière, la mettre en bouteille et stocker les matières premières.”

Cette année-là, il décide alors de créer une nouvelle dynamique dans l’entreprise : fini les grandes exportations, la brasserie se concentrera désormais sur la Belgique et les pays voisins comme la France et les Pays-Bas. Dans le même temps, il décide de lancer un nouveau produit sur le marché : la Paix-Dieu, une triple Belge “de très haute qualité”. Par chance, ou par flair, cette nouvelle bière rencontre directement un franc succès. “Le moment a été particulièrement bien choisi”, note Vincent Caulier, qui explique qu’à cette époque les consommateurs avaient tendance à rechercher des bières spéciales ou des produits plus artisanaux. “Alors que quelques années auparavant, tout le monde ne jurait que par la Jupiler ou les produits de mondialisation, on a redécouvert les plaisirs de la bière via des produits plus naturels et plus variés.”

Une nouvelle bière

Parmi les autres produits proposés par Caulier, on retrouve la Bon Secours, la bière historique de l’entreprise, qui porte le nom du village dans lequel la famille a grandi, ainsi que la Stuut, une bière créée sur un malentendu. “Nous avions réalisé un mauvais brassin dans lequel le malt avait été mal torréfié”, se souvient Vincent Caulier. À la place d’une bière blonde, c’est une bière ambrée qui est ressortie, le malt étant un ingrédient qui influence la couleur du breuvage. “Impossible de commercialiser cette bière en l’état puisque nous étions censés vendre une blonde”, explique le responsable, qui décide alors de transformer le problème en opportunité. “Nous avons donc créé une nouvelle marque puisque ce brassin était en réalité très bon et l’avons nommé en référence au ‘stuut’ (imprévu, problème en bruxellois, ndlr) qui s’était produit lors de sa confection.”

En 2012, Vincent Caulier a agrandi la brasserie familiale pour qu’elle reste viable.

Si la Stuut est aujourd’hui un produit installé pour les amateurs de bière, sa production est en fait éphémère. En effet, tous les trois mois, la recette du breuvage change. “La dernière est à l’abricot”, détaille Vincent Caulier. La Stuut est aujourd’hui une bière craft, qui s’adresse davantage à un public plus jeune. Elle est d’ailleurs commercialisée en canette, à l’inverse de la Bon Secours et de la Paix-Dieu qui restent uniquement disponibles en bouteilles ou en fût. Une version fixe IPA de la Stuut a également été brassée à la demande des clients qui souhaitaient disposer de la même bière toute l’année.

Petite nouvelle sur le marché, la Paix-Dieu Nova fut le fruit d’une très longue réflexion avant d’être mise sur le marché. “On s’est longtemps demandé si la Paix-Dieu devait rester un monoproduit”, confirme le responsable. Avec cette nouvelle bière, Caulier entend répondre à la demande de consommateurs désireux d’avoir des produits avec des teneurs en alcool plus faibles. “Les 10 degrés de la triple sont autant une force qu’une faiblesse”, estime Vincent Caulier. De là à se lancer sur le segment no/low ? “On étudie la possibilité puisque c’est un segment très dynamique. Je suis persuadé qu’il y a des choses à faire, mais c’est très difficile d’obtenir des bières de caractère avec un faible taux d’alcool. Nous n’avons pas encore trouvé la recette qui nous donne satisfaction.”

C’est très difficile d’obtenir des bières de caractère avec un faible taux d’alcool.
Vincent Caulier

Vincent Caulier

CEO de la brasserie Caulier

Un réseau d’ambassadeurs

Aujourd’hui, la brasserie Caulier produit 80.000 hectolitres de bière par an pour 30.000 voici cinq ans. “Nous avons revu notre business model et notre mode de distribution”, souligne Vincent Caulier. Alors que ses bières étaient exclusivement destinées à l’horeca, le responsable a ouvert son business à la grande distribution. “Cela nous a permis de doubler notre chiffre d’affaires”, poursuit-il. La brasserie dispose aujourd’hui de trois canaux de distribution : l’horeca, qui reste son canal privilégié, à hauteur de deux tiers des revenus, la grande distribution pour un tiers et le business to consumer qui représente une toute petite partie du business. “Nous avons créé notre propre magasin sous la brasserie avec un e-shop, complète Vincent Caulier. Ça ne représente pas encore grand-chose, mais ça nous permet de rencontrer nos consommateurs.”

Le secteur brassicole, comme tant d’autres secteurs, a énormément souffert de l’inflation. “Le coût de nos matières premières a explosé conduisant à une hausse des prix de nos produits”, détaille le responsable. Combiné à une baisse de la consommation, il n’en fallait pas plus pour que certaines brasseries se retrouvent en difficulté. “Je pense qu’on se différencie de nos concurrents par le côté premium et rare de nos produits”, note Vincent Caulier.

La brasserie a d’ailleurs une manière bien à elle de penser son marketing. C’est via un réseau “d’ambassadeurs” qu’elle distribue ses nouvelles bières. La Nova, par exemple, sera donc exclusivement disponible en fût auprès des établissements horeca sélectionnés par la brasserie, pendant neuf mois. “Nous comptons aujourd’hui près de 2.000 ambassadeurs en Belgique et en France”, précise le CEO de la brasserie Caulier. Cette distribution originale et exclusive font de la Paix-Dieu Nova, un produit de niche rare. “Ça confère au produit une valeur ajoutée, mais c’est aussi une manière pour nous de soutenir les établissements horeca qui nous font confiance depuis des années.”

En ce qui concerne la durabilité, la brasserie vient de consentir un investissement de plusieurs millions d’euros afin d’installer une station d’épuration. “Celle-ci va non seulement épurer les eaux usées, mais également rendre l’eau à nouveau potable afin de la réutiliser dans le processus de fabrication”, précise le responsable de la brasserie Caulier. Avec pour objectif de passer de sept à quatre litres d’eau utilisée par bière brassée. À côté de cette station d’épuration, la brasserie réutilise ses drêches de bière et les reconvertit en nourriture pour le bétail ou en biomasse. “L’idéal serait de pouvoir les réutiliser pour l’alimentation humaine, mais nous n’y sommes pas encore”, conclut Vincent Caulier.

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