La Belgique regorge de PFAS, des polluants “éternels”

© BelgaImage

Dix-sept médias ont publié jeudi les conclusions d’une enquête de plusieurs mois sur les polluants PFAS dits “éternels”. Elle répertorie 17.000 sites contaminés en Europe, dont 2.100 hotspots, soit des sites dont les niveaux de contamination sont dangereux pour la santé. Et un rapide coup d’œil à la carte permet de constater que la Flandre et même la périphérie bruxelloise se démarquent particulièrement.

Baptisée “Forever Pollution Project“, en allusion à ces composés chimiques de synthèse quasi indestructibles et développés depuis les années 1940 pour résister à l’eau et à la chaleur, l’enquête s’appuie sur des méthodologies d’experts, des données et des “milliers de prélèvements environnementaux” ayant permis de réaliser, selon eux, la première cartographie européenne des sites contaminés et suspectés de l’être.

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Un lac norvégien, le Danube Bleu, une rivière tchèque et des zones immenses entourant la plupart des bassins de la chimie industrielle et… une carte de Flandre teintée d’une multitude de points rouges.

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Le collectif de journalistes présente sa cartographie validée selon “une forme de +peer-reviewed journalism+, sur le modèle des travaux scientifiques validés par des pairs”.  “D’après notre estimation prudente, l’Europe compte plus de 17.000 sites contaminés à des niveaux qui requièrent l’attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre). La contamination y atteint des niveaux jugés dangereux pour la santé par les experts que nous avons interrogés (plus de 100 nanogrammes par litre) dans plus de 2.100 hotspots”, indique le quotidien français Le Monde qui fait partie du collectif, ainsi que The Guardian.

La carte est à découvrir en cliquant ici

Les journalistes ont également localisé vingt usines de production de PFAS, dont cinq en France, et 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS, des composés dotés de propriétés antiadhésives et imperméables, utilisés dans l’industrie et présents dans des objets de la vie courante: produits en Teflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles. Les usines de production sont principalement localisées en Allemagne, berceau de la chimie industrielle avec l’implantation notamment des entreprises Archroma et des américains 3M Dyneon et W.L. Gore, et en France avec Arkema et Daikin au sud de Lyon, mais aussi Chemours et Solvay.  “Viennent ensuite le Royaume-Uni avec trois sites, l’Italie (deux), puis la Pologne, l’Espagne, les Pays-Bas et la Belgique (un)”, ajoute Le Monde.

À partir de ces localisations, mais aussi de l’identification d’activités industrielles actuelles ou passées, les journalistes ont repéré 21.500 sites “présumés contaminés” en Europe, notamment les zones autour d’aéroports, qui utilisent des mousses anti-incendie contenant des PFAS.

“Prélevées par des équipes scientifiques et les agences environnementales de 2003 à 2023, les dizaines de milliers de données collectées le montrent: rares, désormais, sont les lieux épargnés par cette contamination omniprésente encore largement inconnue du public, y compris les plus intimes comme nos propres corps”, ajoute le quotidien.

Ils s’accumulent dans le corps

Comme le précise Sciensano sur son site « Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont utilisées dans une grande variété d’applications en raison de leurs propriétés hydrofuges, anti-graisse et antisalissures. Ces produits sont notamment présents dans les textiles, les produits ménagers, la lutte contre les incendies, l’automobile, l’agroalimentaire, la construction et l’électronique.  Certaines PFAS, notamment les sulfonates de perfluorooctane (PFOS) et l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), s’accumulent dans le corps humain et peuvent entraîner une baisse de la réponse immunitaire ou une augmentation du taux de cholestérol. Selon des études, l’exposition aux PFAS peut également avoir des effets sur la fertilité et le développement du foetus. Elle peut aussi augmenter les risques d’obésité, de certains cancers (prostate, reins et testicules).

En outre, il existe de nombreux PFAS (plus de 5.000). Si certaines sont des perturbateurs endocriniens et des cancérogènes suspectés, sur d’autres on ne sait tout simplement pas encore s’ils ont des propriétés indésirables et lesquelles.

Pour Patrick Byrne, chercheur en pollution environnementale à l’Université britannique John Moores de Liverpool, les PFAS sont “probablement la plus grande menace chimique pour l’espèce humaine au 21e siècle”. Selon Le Monde « 15,6 millions d’Européens seraient touchés par des pathologies dues à une exposition aux PFAS. » Et cela entraînerait des dépenses entre 52 et 84 milliards d’euros selon un rapport norvégien. Toujours selon Le Monde, les problèmes d’hypertension, causée par les PFAS, pourraient être responsables de la mort de 10.000 personnes chaque année.

La nourriture constitue la source majeure d’exposition aux PFAS puisqu’elle serait responsable de  97 % à 98 % de l’exposition au PFOS et au PFOA. Dans l’alimentation, ces substances se trouvent le plus souvent dans l’eau potable, le poisson et les fruits de mer, les fruits, les œufs et les ovoproduits. Depuis 2020, une nouvelle valeur seuil (de 4,4 nanogrammes de PFAS par kilogramme de poids corporel et par semaine) a été fixée par l’EFSA via un avis scientifique.

Vers l’interdiction ?

Aux États-Unis, le conglomérat américain 3M, connu pour ses “Post-it” ou ses masques, s’est retrouvé le premier sur la sellette. Attaqué en justice pour ses usines américaines (et aussi en Belgique, voir encadré), il a annoncé fin décembre qu’il arrêterait d’ici fin 2025 la production des PFAS.

En Belgique aussi les PFAS ont déjà fait parler d’eux. Ainsi l’entreprise chimique 3M, responsable d’une contamination des sols aux PFAS a été attaquée en justice par une famille de Zwijndrecht. En réalité c’est un groupe d’action de Zwijndrecht composé de 400 familles qui a choisi l’une d’entre elles pour attaquer l’entreprise en justice de paix pour “troubles anormaux du voisinage”. 3M prépare actuellement, sous supervision de l’OVAM, la première phase de son projet d’assainissement des sols contaminés aux PFAS autour de son site industriel de Zwijndrecht. “3M Belgium va investir plus de 571 millions d’euros dans le cadre de l’assainissement”, selon l’entreprise. Si l’entreprise obtient réparation, cela pourrait ouvrir la porte à d’autres actions au civil menées par des familles touchées par la contamination. La décision du juge de paix est attendue en mars.

De l’autre côté de l’Atlantique, les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise ont déposé mi-janvier auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un projet visant à bannir ces composants, appuyé par d’autres pays dont la France. Mais une éventuelle interdiction, au terme du processus, ne serait mise en oeuvre qu’après 2026.

L’organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime elle difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité…) et leur rôle central dans des secteurs tels que la pharmacie ou l’automobile.

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