Après plus de 30 ans au service de l’événementiel et de la communication d’entreprises, Jean Steffens demeure infatigable. Le cofondateur des Francofolies de Spa, qui a repris l’organisation des Nocturnes du Sablon, a lancé un nouveau festival musical à Bastogne, prépare une fête médiévale de grande ampleur à Stavelot et met la dernière main aux futures Francofolies de Tanger.
L’anecdote est croustillante. En 1989, Jean-Pierre Dutilleux, écrivain et réalisateur de cinéma, appelle son ami Jean Steffens et lui demande d’organiser la venue à Malmedy de Raoni (chef de la tribu Kayapo) et de Sting. La Rainforest Foundation, qui vise, entre autres, à la protection de la biodiversité des forêts tropicales, vient d’être créée et le trio est en pleine tournée mondiale de sensibilisation et de levée de fonds.
“J’ai sincèrement cru à une blague, se souvient Jean Steffens. Mais cela n’en était pas une du tout. Je me suis débrouillé pour acheter les billets d’avion, trouver trois voitures blindées, car leur action passait mal auprès de certains, et des chambres d’hôtel. Le souci, c’est que personne ne me croyait non plus. Sting et Raoni à Malmedy, cela faisait gros canular pour le public et la presse. Via un ami qui travaillait à TF1, j’ai convaincu Jean-Pierre Foucault qui les recevait dans son émission de demander au trio ce qu’ils allaient faire le week-end. À partir de là, ce fut une véritable folie. Mon fax a déroulé des kilomètres de papier pendant la nuit. Ce week-end-là, nous avons reçu une cinquantaine de chaînes de télé et une centaine de journalistes à Malmedy. Ma carrière était lancée…”
L’événementiel comme porte d’entrée
Avec Patrick Mignon et Patrick Lienne, deux autres Malmédiens, Jean Steffens a créé l’agence Impact Events il y a plus de 30 ans. Une agence de communication et de relations publiques qui a profité de sa situation au confluent des communautés française et germanophone. “Il vaut mieux être leader dans sa région que 12e à Bruxelles, sourit-il.
Au fil du temps, nous sommes devenus une agence full services, capable de tout gérer de A à Z. Nous avons beaucoup travaillé dans la promotion touristique. Les Cantons de l’Est, c’est un million de visiteurs par an, soit autant que ce que nous appelons le triangle d’or : Malmedy, Stavelot et Spa. Très tôt aussi, nous avons compris l’importance du public néerlandophone. Aujourd’hui, il constitue 50% de ces visiteurs.”
Importance du B to B
Aujourd’hui encore, le B to B constitue une partie importante du travail d’Impact Events. L’agence a piloté des campagnes nationales et internationales et est souvent entrée chez les clients (Belfius, Besix, ArcelorMittal, Carrefour, Colgate-Palmolive, UCB, groupe Jost, etc.) via l’aspect événementiel. Elle a ainsi créé des fontaines à l’aéroport de Bierset (avec un concert surprise de Michel Fugain) pour les 20 ans de la Société Wallonne des Eaux ou monté un majestueux spectacle sons et lumières sur la Meuse, appelé Influvia, pour les 75 ans du Port de Liège.
Cette importance accordée à l’événementiel ne sort évidemment pas de nulle part. Très vite, Impact Events s’est intéressée à la culture au sens large. Elle a beaucoup travaillé à Bruxelles avec Olivier Mees (ex-manager de Maurane et Philippe Lafontaine) qui dirige aujourd’hui l’ASBL Brussels Major Events à la base de tous les grands événements bruxellois, a contribué à la création d’Eu’Ritmix, le festival de musique prédécesseur du Brussels Summer Festival, et participé à la mise en route des Plaisirs d’Hiver. Mais c’est dans sa région d’origine qu’Impact Events a construit sa réputation. Avec comme fil rouge un certain Pierre Rapsat.
Foulquier et Rapsat comme mentors
“Ce fut mon mentor, avec Jean-Louis Foulquier, le fondateur des Francofolies de La Rochelle, se souvient, non sans émotion, Jean Steffens. Pierre m’a tout appris sur le monde de la musique. Je n’aurais pas fait une telle carrière sans lui. Il a essuyé les plâtres de tous nos événements. Comme le Belgian Rock Festival pour le RACB à l’occasion du GP de Spa-Francorchamps ou le festival Rocktambules que nous avons organisé à Stavelot entre 1990 et 1993. On y a accueilli les stars francophones de l’époque comme Maurane, Fugain ou Indochine.”
C’est dans sa région d’origine qu’Impact Events a construit sa réputation. Avec comme fil rouge un certain Pierre Rapsat.
“C’est Pierre Rapsat qui est arrivé avec cette idée de festival thématique, poursuit Jean Steffens. Selon lui, il y avait une place à prendre. C’est vrai qu’à l’époque, en tirant tous azimuts, les festivals ne duraient que quelques années. On avait l’idée de créer ce festival sur le circuit et imaginé une affiche avec Pierre, France Gall et Johnny Hallyday. Jean-Louis Foulquier est passé voir, mais n’était pas convaincu : selon lui, il n’y avait ni âme ni histoire à Francorchamps.
En repassant à Spa pour un repas, il nous a convaincu de le faire dans le centre-ville. Il nous a avoué qu’à l’origine, il voulait créer les Francofolies à Spa, et pas à La Rochelle. Dans la lignée du Concours international de la chanson française, qui s’était arrêté dans des circonstances compliquées en 1984 après avoir révélé des gens comme Charlebois, Renaud, Cabrel ou Souchon. Jean-Louis, lui, avait terminé bon dernier l’année où il a participé. Charles Gardier et moi avons lancé les Francos de Spa en 1994.”

Se réinventer
Trente-et-un ans plus tard, les Francofolies de Spa sont toujours là. Même si les temps sont durs dans le secteur des festivals… “Plusieurs facteurs sont à l’œuvre, soupire Jean Steffens. D’abord, il y a la diminution des subsides. Si cela continue, il va falloir revoir le cahier des charges imposé car cela ne sera plus tenable. Ensuite, il y a trop de festivals en Belgique. À 100 km de La Rochelle, il n’y a rien. À 100 km de Spa, il y a Dour, Bertrix (le Baudet’Stival, ndlr), Ronquières, Les Ardentes, etc. Les Flamands font clairement de l’obstruction et gardent les artistes internationaux de premier plan pour eux.
Résultat des courses ? Les festivals wallons se marchent sur les pieds et puisent dans le même réservoir. Les mêmes artistes se produisent ainsi à plusieurs endroits en l’espace de deux mois… Le danger aussi pour Spa, c’est le changement de génération. Les artistes qui faisaient bouger les foules comme Cabrel, Clerc, Pagny ou Bruel vieillissent. Il faut donc recibler les jeunes talents et les fidéliser. Spa a quand même révélé des artistes comme Zazie ou Calogero sur les scènes tremplin. Il faut aussi recréer une expérience totale qui mélange à nouveau festival et vie dans la ville. C’est moins le cas depuis qu’on a dû bouger la scène principale.”
Toujours des projets
À 60 ans passés, Jean Steffens n’est pas rassasié. Depuis peu, il chapeaute les Nocturnes du Sablon, à Bruxelles, qu’il a redynamisées. Cet été, il a, en collaboration avec Benoît Lutgen, le bourgmestre de Bastogne, lancé un nouveau festival gratuit place McAuliffe : le Bastogne Music Marathon où se sont produits Daran, Suarez, Machiavel ou encore Sharko.
À la fin mai 2026, il organisera la première édition d’Amblévia, un festival médiéval destiné à faire revivre les artisans, les mythes et les légendes de l’ancienne Principauté de Stavelot-Malmedy. Et après une édition des Francofolies à Kinshasa en 1995, il s’apprête à retrouver l’Afrique. Ce sera à Tanger en 2027.
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