Trends Tendances
Information en continu: “Mieux vaut une connerie d’avance qu’une information de retard”
“Mieux vaut une connerie d’avance qu’une information de retard”, cette expression semble être le résumé du modèle économique de certaines chaines d’informations en continu. C’est ce qu’explique, entre autres, le journaliste Hubert Huertas dans son essai.
Dans les médias, il y a aujourd’hui une dérive très dommageable pour la crédibilité de l’information. Cette dérive a encore pu être mesurée récemment lorsque l’AFP a annoncé la mort prématurée de Martin Bouygues, le patron de la société Bouygues et que d’autres médias ont embrayé illico presto avant même de vérifier l’information.
Ce n’est pas la première fois que ce genre de choses arrive, c’est vrai, mais la “BFMisation de l’information” aggrave encore plus ce risque d’erreur ! Par “BFMisation”, je ne vise pas en particulier la chaine de télévision française BFM TV qui s’est fait une spécialité de l’information en continu, mais je reprends l’expression inventée par un ancien journaliste de France Culture, Hubert Huertas, qui a rédigé un essai sur le sujet. Son ouvrage dénonce en réalité, toute cette nouvelle culture télévisuelle qui consiste à donner de l’information en continu, 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Or, il est évident qu’il n’y a pas assez d’informations intéressantes pour maintenir une antenne sous tension et donc également le téléspectateur. D’où la dérive constatée pour ce genre de chaines d’informations en continu vers l’information spectacle, ce que les spécialistes appellent l’infotainment, concentration des mots information et entertainment, amusement en quelque sorte.
BFMisation de l’information: “Mieux vaut une connerie d’avance qu’une information de retard”
La première victime de cette “BFMisation de l’information”, c’est l’information elle-même ! Avant, il y avait un adage chez les journalistes qui consistait à dire “mieux vaut être le deuxième sur une information que le premier à rectifier”, aujourd’hui, cet adage journalistique serait plutôt du genre “mieux vaut une connerie d’avance qu’une information de retard” comme le dit drôlement le journaliste Hubert Huertas. Deuxième victime de cette “BFMisation de l’information”, c’est la politique ou les politiques : aujourd’hui plus qu’hier encore, leur seule ambition, c’est d’occuper l’écran, leur action principale consiste à passer sur l’antenne et à jouer à fond le jeu du court terme. S’ils résistent à ce court terme, ils cessent hélas d’exister, d’autant que l’information continue demande chaque jour du nouveau. Le ministre de l’économie en France, Emmanuel Macron a en quelque sorte dénoncé cette dérive lorsqu’un journaliste est venu l’interviewer sur les effets d’une mesure qui venait à peine d’être votée. Il a eu cette phrase remarquable : “le Moloch médiatique a besoin de sa dose de chair fraiche quotidienne”.
Et la troisième victime de cette BFMisation, c’est le téléspectateur lui-même : pourquoi ? Parce que quand l’actualité n’a pas de talent, les chaines d’informations en continu tentent de lui en donner de force. Comment ? en pratiquant des plateaux extérieurs qui n’apportent rien comme valeur ajoutée, en créant des éditions spéciales sur un sujet mont” en épingle avec des éditorialistes capables de parler de tout et de son contraire.
Bref, vous l’avez compris, le danger de ce genre de chaine d’information en continu, c’est que leur modèle économique leur impose de transformer l’information en spectacle réel, à vouloir être partout, tout de suite et de préférence avant les autres ! Or, l’économie et la politique pour être efficaces ont besoin d’un temps long. Mais lutter contre ce phénomène ne sert à rien. Il faudra donc attendre que l’audience se lasse de cette kermesse permanente de l’information. Comme le dit Hubert Huertas, au final, les médias de type BFM ne seront punis que par l’audimat !
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici