Google en pleine crise identitaire dans un monde dominé par l’IA
Google semble vivre une crise identitaire ces derniers mois. Des membres clés de la vieille garde de l’entreprise de Mountain View ont changé de rôle ou quitté l’entreprise. Nombre d’entre eux pour s’orienter vers des projets d’intelligence artificielle.
Google vit une crise identitaire, rapporte CNBC sur son site. De nombreux cadres de haut niveau ont quitté le navire. Certains ont déclaré avoir quitté leur poste pour relever un nouveau défi et prendre du temps en famille, tandis que d’autres sont partis à la recherche de nouvelles opportunités, principalement dans le domaine de l’intelligence artificielle.
En février, Susan Wojcicki, l’une des femmes les plus en vue de la Silicon Valley, a annoncé qu’elle quittait son poste après neuf années passées à la tête de YouTube, le service vidéo le plus populaire au monde. Elle travaillait chez Google depuis plus de 25 ans. Pour la petite anecdote, c’est elle qui avait prêté son garage aux fondateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page, pour qu’ils l’utilisent comme bureau au tout début de l’histoire de la société, retrace CNBC.
Wojcicki n’est pas la seule dirigeante à quitter YouTube. Robert Kyncl, directeur commercial depuis 12 ans, a quitté l’entreprise pour devenir PDG de Warner Music Group au début de l’année, note le média américain. En mars, David Lawee, fondateur de CapitalG et employé de longue date, a également quitté son poste après 17 ans au sein d’Alphabet, la maison mère du géant du web. Il évoque son souhait d’explorer de nouveaux domaines d’intérêt et de passer plus de temps avec sa famille.
« Une équipe de direction stable et expérimentée »
Ces pontes ne sont pas les seuls à déserter. Urs Hölzle qui était aux prémices de la société comme « huitième employé », a déclaré qu’il se retirait de la direction après avoir dirigé des équipes techniques pendant 24 ans, rapportait CNBC en juillet. Hölzle sera dorénavant un “contributeur individuel”, ce qui signifie qu’il travaillera de manière indépendante et ne dirigera plus d’employés.
Toujours en juillet, Ruth Porat, a annoncé qu’elle quitterait son poste de directrice financière d’Alphabet après huit ans et qu’elle occuperait un nouveau rôle en tant que présidente et directrice des investissements.
Face à ces départs et changements internes, la porte-parole de Google se veut rassurant : “Nous disposons d’une équipe de direction stable et expérimentée, dont beaucoup travaillent dans l’entreprise depuis plus de dix ans”, a déclaré Courtenay Mencini, citée par CNBC. Elle ajoute : “Nous disposons également d’une solide équipe de dirigeants chez Google qui peut assurer une transition en douceur lorsque des personnes qui ont eu une longue et fructueuse carrière chez nous décident de saisir de nouvelles opportunités à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise”.
Désertion pour l’IA
Google vit actuellement un moment charnière de son histoire, avec l’arrivée de l’IA. L’entreprise a été prise au dépourvu à l’automne dernier lorsque OpenAI a lancé son chatbot ChatGPT, alimenté par l’IA. Elle s’est subitement retrouvée dans une situation inédite où son activité principale de recherche se voyait menacée. Son chatbot Bard, lancé quelques temps plus tard en réponse à ChatGPT ne semble pour l’instant pas convaincre. Google est confronté à des changements dans le comportement des utilisateurs, à des retraits de publicité et à un boom de l’IA qui nécessite des investissements croissants, le tout dans un contexte de ralentissement économique et d’appels à la réduction des dépenses de la part des investisseurs commente CNBC.
De nombreux employés au poste à responsabilité sont d’ailleurs partis pour des projets d’IA. En février, Clay Bavor, responsable produit de longue date, a ainsi annoncé qu’après 18 “années merveilleuses” chez Google, il quittait l’entreprise pour créer une société d’intelligence artificielle avec Bret Taylor, ancien co-PDG de Salesforce.
Huit chercheurs en IA qui ont créé “Transformers”, une partie intégrante de l’infrastructure derrière ChatGPT et d’autres chatbots, avaient d’ailleurs déjà quitté le géant du web depuis 2017. Beaucoup d’entre eux ont ensuite lancé leur propre entreprise.
« Trop bureaucratique »
La perception qu’ont les salariés de l’entreprise a également évolué ces dernières années, fait encore remarquer CNBC. Alors que les employés considèrent toujours Google comme un lieu de travail de premier plan offrant des avantages extrêmement compétitifs, l’entreprise est devenue plus bureaucratique qu’à ses débuts, “trop bureaucratique” que pour faire avancer les choses, critiquent certains observateurs. Elle ressemble davantage à d’autres grandes entreprises, selon certains et plus à la start-up créative et remuante des débuts.
Llion Jones, qui a quitté Google ce mois-ci pour lancer sa propre entreprise axée sur l’IA, a déclaré à CNBC, que “la bureaucratie s’était développée à un point tel qu’il avait l’impression de ne rien pouvoir faire.” D’autres chercheurs en IA de Google ont formulé des plaintes similaires au cours des derniers mois. Plusieurs d’entre eux ont créé leur propre entreprise spécialisée dans l’IA, où ils ont davantage la main sur la vitesse de développement et leur vision à court terme.
Durcissement de la politique de travail hybride
Par ailleurs, des employés se plaignent que Google a récemment durci sa politique de travail hybride en imposant un retour au bureau trois jours par semaine. En outre, les employés qui ont déjà reçu l’autorisation de travailler à distance peuvent désormais voir leur statut réévalué.
Le sentiment de sécurité que ressentaient les employés en a aussi pris un coup avec l’annonce, en janvier, de licenciements massifs. Alphabet a annoncé avec fracas qu’elle supprimait environ 12 000 emplois, soit 6 % de sa main-d’œuvre, dans un courriel envoyé pendant la nuit. Certains employés auraient découvert en arrivant au travail que leur badge ne fonctionnait plus. L’entreprise a ensuite refusé de payer le solde des congés approuvés des employés.
Bien que l’entreprise ait prévu des indemnités de départ compétitives, certains employés ont perdu confiance dans la direction, qui les encourageait depuis longtemps à faire preuve de gentillesse, d’humilité et d’ouverture d’esprit.
Réduction des coûts et procès antitrust
L’entreprise réduit également ses coûts, ce qui est n’est pas à son habitude. Elle est, de surcroît, confrontée à de nombreuses poursuites judiciaires fédérales, dont un procès antitrust imminent qui devrait débuter en septembre. Le géant du web est accusé de verrouiller le marché du « search ». Le département américain de la Justice (DoJ) accuse Google d’avoir « utilisé des tactiques anticoncurrentielles pour maintenir son monopole », alors que la firme de Mountain View contrôle déjà 90 % du marché de la recherche en ligne aux Etats-Unis.
Récréer la magie des débuts
L’entreprise a également réduit ses dépenses immobilières, allant jusqu’à demander aux employés de son unité “cloud” de partager des bureaux. Elle a également réduit le nombre d’ordinateurs de bureau et de renouvellements d’équipement pour les employés. Elle a commencé à réduire les voyages et les événements à la fin de l’année dernière, note encore CNBC.
Aujourd’hui, l’entreprise semble confrontée à son plus grand défi, qui repose sur les épaules de son PDG, Sundar Pichai et de sa nouvelle équipe : essayer de recréer la magie des premiers jours et de générer des revenus tout en étant soumis à une pression plus forte que jamais, en conclut le média américain.
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