Georges Kern, CEO de Breitling: “Nous voulons être une alternative aux marques suisses conservatrices”
La marque de luxe Breitling a ouvert sa première boutique en Belgique, sur la place du Grand Sablon à Bruxelles plus précisément. L’occasion de rencontrer le CEO, Georges Kern. Celui-ci nourrit de grandes ambitions pour la marque horlogère qui fête ses 140 ans.
Depuis qu’il a pris les commandes de Breitling en 2017, Georges Kern, le CEO de l’entreprise horlogère, réussit absolument tout ce qu’il entreprend. Sous sa direction, l’entreprise a vu son chiffre d’affaires s’approcher du milliard d’euros, à 870 millions de francs suisses (plus de 930 millions d’euros). Selon Morgan Stanley, Breitling est d’ailleurs l’une des marques horlogères à la croissance la plus rapide.
Après des années de surperformance significative et de forte dynamique, la croissance de Breitling s’est modérée en 2023 pour s’établir en lien avec celle du secteur, avec des ventes en hausse de 5 à 6%. Malgré cela, Breitling reste dans le top 10 des marques horlogères suisses. “Nous sommes passés de la 19e à la neuvième place en un peu moins de cinq ans, précise Georges Kern. L’objectif est d’entrer dans le top 5”, assure-t-il.
Plusieurs stratégies sont mises en place afin d’y parvenir. L’entreprise souhaite, par exemple, améliorer son système de distribution et ouvrir davantage de boutiques monomarques. Alors que Breitling avait dans un premier temps rationalisé son réseau de points de vente : celui-ci était passé d’environ 1.800 en 2019 à plus ou moins 1.500 en 2022, l’entreprise veut aujourd’hui augmenter le nombre de ses propres boutiques. “Nous avons continué d’augmenter notre part de produits vendus via nos propres boutiques“, explique le Germano-Suisse.
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Ouverture à Bruxelles
Pour les prochaines années, le CEO vise l’ouverture d’une centaine de boutiques supplémentaires dans le monde. La barre des 300 devrait d’ailleurs être dépassée d’ici la fin de l’année. “Notre objectif est d’atteindre un taux de 60% de vente en direct to consumer“, confirme le CEO. Quant à la Belgique, elle a “le potentiel pour ouvrir trois à quatre boutiques de plus et se hisser dans le top 3 des marques sur le marché belge”, s’enthousiasme le responsable. “Il est certain que de nombreux Belges sont passionnés par la belle mécanique”, confirme Bernard Hertoghe.
Aujourd’hui, l’entreprise compte 282 magasins dans le monde, dont un à Bruxelles. “Nous étions présents dans toutes les capitales du monde et quasiment dans toutes les grandes villes. Il était donc logique de s’installer aussi à Bruxelles”, ajoute le CEO. Ce dernier était auparavant responsable de la division Horlogerie spécialisée de Richemont et CEO d’IWC. La première boutique belge n’a ouvert que cet été, faute d’avoir trouvé un emplacement plus tôt. “Cela fait sept ans que l’on cherche”, précise Bernard Hertoghe, responsable de Breitling Belgique et Luxembourg. Une autre boutique Breitling existe à Anvers, mais “en gestion externe”.
Ouvrir ses propres boutiques permet à Breitling d’éviter de seulement vendre auprès de détaillants qui proposent 10 à 15 autres marques, mais également d’améliorer l’expérience en magasin. “C’est une demande croissante de la part des clients, en particulier chez les plus jeunes consommateurs pour ce qu’on appelle l’expérience 360 degrés, analyse Georges Kern. Ils veulent qu’on leur explique la marque et les produits. On leur présente l’ensemble de la collection et qu’ils s’immergent totalement dans l’environnement Breitling.”
La Belgique a le potentiel pour ouvrir trois à quatre boutiques Breitling de plus et se hisser dans le top 3 des marques sur le marché belge.
Georges Kern
CEO de Breitling
Atmosphère détendue et accueillante
Mur en brique, bois et métal, avec des touches de jaune (couleur de la marque) : dans ses boutiques, Bretiling mise sur un style loft industriel. Aux murs, on retrouve des hélices ou encore des avions miniatures, clin d’œil dans sa participation active de la conquête des airs grâce à ses instruments de précision comme les chronographes et compteurs. “On souhaite une atmosphère détendue et accueillante qui reflète l’approche décontractée et inclusive de Breitling en matière de luxe”, poursuit Georges Kern, qui rappelle qu’il faut inciter les clients à se déplacer.
La particularité de ses magasins est de proposer également un service à ses clients : le point de vente bruxellois propose par exemple un bar à cocktails et un espace détente à l’arrière de la boutique. En Suisse, le concept inclut également des restaurants, dont le style est similaire, et qui constituent une extension naturelle de la boutique.
Présence forte aux États-Unis
Pour autant, Breitling ne compte pas délaisser la vente au détail traditionnelle, en entretenant des relations privilégiées avec les bijoutiers. “L’objectif de l’ouverture d’une boutique Breitling n’est pas d’aller prendre la part du gâteau des autres, mais d’agrandir le gâteau”, précise Bernard Hertoghe.
La marque poursuit également une stratégie omnicanale grâce au commerce électronique. Si la part de vente en ligne est anecdotique sur le marché Belux, elle est beaucoup plus conséquente aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, deux marchés essentiels pour la marque. “Nous sommes très fort aux États-Unis, c’est un marché en croissance pour nous”, souligne Georges Kern. La marque est présente dans plus de 120 pays, avec une présence forte non seulement aux États-Unis, mais aussi au Moyen-Orient.
“Beaucoup moins en Asie, concède le CEO. Ça m’a déprimé il y a quelques années, mais aujourd’hui la Chine connaît un creux et au moins ça ne nous concerne pas.” Pour autant, le CEO souhaite travailler à une stratégie d’implantation pour les marchés émergents comme l’Inde, les Philippines ou la Malaisie. “Ce sont quatre milliards de personnes. Cela deviendra sans aucun doute l’un des plus gros marchés.”
L’objectif de l’ouverture d’une boutique Breitling n’est pas d’aller prendre la part du gâteau des autres, mais d’agrandir le gâteau.
Toucher un public jeune et féminin
Avec les différents matériaux, la variété des tailles et les gammes de prix, Breitling peut s’adresser à une large clientèle. “Nous offrons une large gamme de produits dans tous les segments”, assure Georges Kern. “Nous avons atteint le point idéal dans le segment des prix allant de 3.000 à 30.000 francs suisses et plus (de 3.200 à plus de 30.000 euros, ndlr)”, note-t-il.
Bien que la clientèle reste plutôt masculine – plus de huit montres sur dix sont vendues à des hommes –, l’entreprise travaille à toucher une clientèle plus féminine, notamment grâce à des modèles plus fins ou des égéries telles que Charlize Theron ou Victoria Beckham. “C’est certainement sur ce segment que nous avons la plus belle marge de progression à faire”, confie Bernard Hertoghe. Ces dernières années, Breitling a élargi son offre avec de nombreux nouveaux produits : de la sportive Endurance Pro, qui constitue l’entrée de gamme de la collection, aux lignes Premier et Super Chronomat, plus raffinées et plus complexes. “Le client peut retrouver tous les styles, qu’il soit friand de montres plus fines ou plus grosses.”
Cette année, Breitling fête ses 140 ans. “La chance que l’on a, c’est que nous sommes dans une industrie qui n’a pas évolué depuis 200 ans au niveau de la technologie, s’amuse Georges Kern. Et c’est génial parce que nous n’avons aucune pression !” Pour le responsable, l’innovation se trouve aujourd’hui davantage dans la construction de la marque. “Ce qui est très différent d’il y a 30 ans où les clients achetaient d’abord une technique et un design avant d’ensuite éventuellement regarder la marque.”
Sports outdoor
Via son marketing, la marque veut se donner un aspect plus décontracté : elle sponsorise par exemple de nombreux sports outdoor comme le triathlon ou le cyclisme plutôt que de sponsoriser le golf ou le tennis. “On ne voulait pas faire dans le classique”, poursuit Georges Kern. L’entreprise parraine par exemple Kelly Slater, un surfeur américain 11 fois champion du monde. En Belgique, la marque est portée par une nouvelle ambassadrice, la cycliste Lotte Kopecky.
Mais, Breitling ne se limite pas au surf, au triathlon ou au cyclisme puisque la marque s’est associée à d’autres figures du sport, comme Erling Haaland, la star du football, et Giannis Antetokounmpo, le phénomène du basket-ball. “On veut être l’alternative des marques plus conservatrices en Suisse.” En associant son image à des sports outdoor, synonymes de liberté, d’authenticité et de dépassement de soi, Breitling a trouvé une stratégie qui lui permet de conquérir de nouveaux territoires et de séduire une clientèle moins classique.
Diamants de laboratoire
Pour Georges Kern, ces partenariats ont été rendus possibles grâce à l’engagement écoresponsable de Breitling. “Nous avons réalisé de nombreuses avancées en matière de durabilité”, se réjouit Georges Kern. Par exemple ? Un packaging durable et une politique d’approvisionnement responsable. “Nous améliorons l’impact social et environnemental de nos produits. Nous nous approvisionnons en or artisanal à petite échelle et en diamants cultivés en laboratoire, précise le CEO. Cela anticipe les tendances sociétales.”
Concernant les diamants, le processus en laboratoire est le même que le processus naturel. Mais il est réalisé de manière accélérée. “Nous avons la même pureté et les mêmes qualités que de vraies pierres, mais comme ils sont fabriqués en laboratoire, nous savons exactement d’où ils proviennent”, pointe Georges Kern. Aujourd’hui, ces diamants synthétiques couvrent 60% de la gamme. “Il n’y a aucune différence à l’œil nu”, précise-t-il.
Pour l’or, Breitling travaille avec l’association Swiss Better Gold, qui trace la matière première grâce au processus de blockchain. “Nous ne sommes pas encore 100% Better Gold, mais tous nos nouveaux produits le sont, et d’ici 2025, nous avons l’ambition de l’être à 100%, confirme Georges Kern. Nous essayons de construire une traçabilité et d’inclure tous les fournisseurs afin que les consommateurs puissent consulter les mesures responsables prises tout au long de la chaîne d’approvisionnement de la montre.”
Avec un réseau de distribution propre, une marque forte et cohérente et une stratégie internationale adaptée localement, Breitling s’assure une voie royale pour le développement de l’entreprise. “Le seul obstacle, c’est le ralentissement économique. Sinon nous avons tous les ingrédients pour réussir”, souligne le CEO. Est-ce la recette du succès ? “Je ne pense pas qu’il y en ait une, sinon tout le monde ferait la même chose.”
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