Frédéric Druck: “La Belgique est leader mondial dans l’exportation de vaccins, c’est une chance inouïe”
La Belgique reste le premier pays au monde pour les exportations de vaccins avec quasi 22 milliards d’euros générés en 2023. Mais comment expliquer cette performance pour un si petit pays? Réponse avec Frédéric Druck, secrétaire général de bio.be/essenscia, la Fédération belge des Industries chimiques et des Sciences de la vie.
Trends Tendances. Comment expliquer le fait que la Belgique soit leader mondial dans l’exportation de vaccins?
Frédéric Druck. C’est une longue histoire, une longue tradition de collaboration qui existe entre des acteurs qui sont complémentaires et qui constituent ce qu’on appelle une chaîne de valeur, c’est-à-dire des gens qui vont développer de la science de base avec des académiques qui font de la recherche, et qui continuent aujourd’hui d’investir dans des outils très performants et de nouvelle génération. Après la Deuxième Guerre mondiale, des grands groupes se sont installés chez nous et ont commencé à développer ces recherches. Et la science a suivi, les académiques ont suivi, en mettant à disposition un certain nombre d’outils, avec tous les hôpitaux universitaires qui peuvent contribuer à cette chaîne de valeur. Et puis, à côté de l’académique, on a les industriels, qui eux sont très intéressés par reprendre cette science, pour en faire des produits et les mettre sur le marché, pour faire des vaccins préventifs et thérapeutiques. Donc, on a le modèle ancien avec les géants qui disposent de l’ensemble de la chaîne de valeur : les Pfizer, GSK, etc. Mais on a également – et ça, c’est une force de la Belgique – ce qu’on appelle les CDMO pour Contract and Development Manufacturing Organization, donc des organisations qui, sous contrat, développent et produisent pour des tiers. Et puis, il y a toute la logistique spécialisée. Nous avons, en Belgique, deux aéroports labellisés pour le transport de produits pharma et bio-pharma, à savoir Brussels Airport et Liège…
Mais cette position de leader de la Belgique est-elle due davantage à l’activité des grands groupes ou, justement, de ces nouveaux acteurs spécifiquement belges?
Les grands groupes sont prédominants, mais n’oubliez pas que l’on parle aujourd’hui de la Belgique comme une «Vaccine Powerhouse», c’est-à-dire une plateforme mondiale de transit des vaccins parce que nous sommes outillés pour cela. C’est un métier pointu et c’est justement parce qu’on a cette expertise en Belgique que les grands groupes y font transiter leurs produits pour les distribuer dans le monde entier. Donc il y a une partie du business qui est dans l’import-export et puis une partie du business qui est produit ici de manière locale. On est quand même devant les États-Unis et l’Irlande en termes de volumes, c’est quand même dingue ! La Belgique est leader mondial, c’est une chance inouïe, car on a une mobilisation d’acteurs sur toute la chaîne de valeur.
Pour maintenir justement sa position de leader dans l’exportation de vaccins, que doit faire la Belgique ?
Pour que ça continue et que l’on garde cette connaissance et cette excellence dans toutes ces plateformes, il faut effectivement qu’il y ait des conditions nécessaires. C’est d’abord le fédéral qui doit maintenir tous les incitants fiscaux, c’est-à-dire la baisse de charges sur les chercheurs, la baisse de revenus sur la vente de produits qui ont été enregistrés en Belgique, etc. Tous ces mécanismes d’incitants fiscaux du fédéral, il faut les maintenir ! Parfois, certains les regardent en disant : «Tiens, finalement, c’est beaucoup d’argent qui part aux entreprises…» En Belgique, le pharma a investi quasiment 6 milliards en R&D l’année passée, mais le rendement est là en termes de retour ! Donc ça, ce sont les incitants au niveau fédéral. Et puis, vous avez évidemment tout ce qui est soutien de l’innovation dans les régions, avec les moyens nécessaires, les structures d’encadrement, mais surtout les moyens pour financer des projets de recherche qui pourraient être prometteurs et permettre à des acteurs de créer des écosystèmes. Il faut des choix politiques ambitieux pour préserver la compétitivité du secteur.
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