Exportations: recul de 17,8% au printemps
La baisse enregistrée au printemps par les entreprises belges actives à l’export est semblable à celle de leurs consoeurs européennes. En revanche, notre pays n’est pas le mieux placé pour rebondir.
L’Agence belge pour le commerce extérieur vient de publier une analyse des conséquences de la crise sur les exportations belges entre mars et mai dernier. Cette étude repose notamment sur les chiffres fournis par la Banque nationale, des agences régionales et des fédérations sectorielles. Elle annonce une chute de 17,8% de nos exportations (par rapport à la moyenne des trois dernières années sur la même période), soit une perte de près de 18 milliards d’euros de recettes. Ce recul est toutefois légèrement inférieur à la moyenne européenne (19%) ; la Belgique se situe devant l’Allemagne (-21%) et la France (-29%), mais derrière l’Autriche (-14%), les Pays-Bas (-11%) et le Danemark (-4,8%). Une exception dans ce climat général: l’Irlande a affiché, entre mars et mai toujours, une croissance de 17% de ses exportations! Cette particularité s’explique par la forte hausse des ventes de produits pharmaceutiques (+7%) et chimiques (+44%).
L’exception pharmaceutique
Cette distinction sectorielle se retrouve dans les chiffres belges. Nos exportations de produits pharmaceutiques ont en effet bondi de 37% au printemps, progressant par exemple de plus d’un milliard d’euros rien que pour ce qui est des ventes vers les Etats-Unis. Mais tous les autres secteurs se sont affaissés, parfois de manière très spectaculaire – songeons à ceux des huiles et carburants (-50%, du fait de l’utilisation moindre des voitures et avions pendant le confinement), du diamant (-48%), de l’automobile (-37%) ou de l’acier (-34%). Du point de vue géographique, la baisse des exportations à destination des pays voisins (-26% vers la France, -21% vers les Pays-Bas), où l’activité était elle aussi en berne à cause du confinement, a été particulièrement prononcée. Nos entreprises ont maintenu vaille que vaille les relations avec l’Allemagne (-14% “seulement”), mais les exportations vers le Royaume-Uni ont plongé de 30%, dans une sorte d’anticipation du Brexit. Un seul de nos grands partenaires a importé plus de produits belges que d’habitude: les Etats-Unis (+18%) ; les Américains ont acheté beaucoup de vaccins, de médicaments et de produits immunologiques.
La reprise sera d’abord nordique
“A l’heure où l’Organisation mondiale du commerce prévoit un tassement de 9,2% du commerce international de marchandises pour l’année 2020, commente l’Agence pour le commerce extérieur dans un communiqué, cette étude permettra aux différentes autorités gouvernementales de notre pays d’adopter les mesures de soutien adéquates à la relance économique et d’identifier les entreprises ayant le plus besoin d’un accompagnement au redémarrage de leurs activités.”
Pour affiner les mesures de soutien, il ne sera sans doute pas inutile de se plonger dans le Covid Economic Recovery Index, dont le volet belge ponctue l’étude de l’Agence pour le commerce extérieur. Cet indice a été conçu par le think tank suisse Horizon Group, qui a passé une grosse centaine de pays au crible. Les vainqueurs, il faut aller les chercher du côté de l’Europe du Nord: la Finlande domine le classement, devant la Norvège et l’Allemagne. La Belgique occupe quant à elle une modeste 24e place, juste devant l’Espagne, la Lituanie et le Luxembourg. “Vu la dépendance du pays aux marchés internationaux, le ralentissement généralisé du commerce international et des investissements a affecté significativement la Belgique, résume Margareta Drzeniek, managing partner d’Horizon Group. Le commerce et les investissements seront toutefois de solides moteurs pour la reprise en Belgique”
24e position : place que la Belgique occupe dans le Covid Economic Recovery Index, classement réalisé par le think tank suisse Horizon Group.
Le Covid Economic Recovery Index repose sur trois piliers: la résilience du système de santé, la capacité d’absorption des chocs socio-économiques et la résilience économique. Ces piliers sont eux-mêmes divisés en sous-rubriques. Le think tank a compilé des données d’institutions internationales (Banque mondiale, Nations unies, FMI, Organisation internationale du travail, etc.) pour calculer le score de chaque Etat au niveau de chaque paramètre. Les résultats sont parfois très surprenants.
Les soins de santé, un atout de la Belgique
Comme la crise est d’abord sanitaire, commençons par là. La Belgique est placée en 4e position (son meilleur score) en ce qui concerne la solidité et l’accessibilité de son système de soins. Elle n’est devancée que par la Norvège, l’Allemagne et la Suisse. En revanche, elle dégringole à la 47e place, juste derrière la France, pour ce qui est de la préparation à une pandémie. Les mieux préparés seraient la Finlande, les Pays-Bas et le Canada. Notons la très étonnante 5e place des Etats-Unis sur ce plan…
Le point le plus faible de la Belgique serait la capacité d’absorption des chocs par son tissu socio-économique. A la fois en raison de l’ampleur de sa dette publique (101e sur 122), mais plus encore, de sa dépendance aux marchés internationaux. Sur ce dernier point, elle est championne du monde, ex æquo avec l’Irlande, le Luxembourg, Malte et Singapour. Ceci dit, comme ses principaux partenaires commerciaux figurent tous dans le top 20 du Recovery Index, ils devraient entraîner leurs fournisseurs belges dans leur mouvement de redémarrage. L’Horizon Group estime toutefois que la structure industrielle du pays n’est pas assez diversifiée et montre une exposition trop forte à “des secteurs vulnérables, comme le voyage ou le retail“.
Globalement, c’est au niveau du pilier de la résilience économique que le pays se classe le mieux (18e). L’analyse de l’Horizon Group s’écarte ici largement des discours habituels sur son tissu économique. La principale force de la Belgique serait la capacité d’adaptation de son marché du travail. Que l’on ne s’y méprenne pas: on ne regarde pas ici la flexibilité horaire, mais la possibilité de recourir au télétravail et l’excellence de la couverture sociale qui permet “d’adoucir l’impact de la crise sur les revenus”. “La Belgique a aussi mis en place de bonnes politiques de marché du travail, grâce auxquelles les travailleurs peuvent plus facilement évoluer vers de nouvelles professions”, écrit Margareta Drzeniek, qui pointe aussi la numérisation de l’économie et la gouvernance (y compris la confiance envers la vision à long terme des dirigeants) parmi les atouts de la Belgique. Il faut donc croire que la situation est pire ailleurs…
Ces atouts devraient permettre au plat pays d’opérer efficacement la transition d’une économie dans laquelle, par exemple, l’aéronautique réduira la voilure, tandis que la pharmacie ou l’IT progresseront. Ce qui impliquera d’accompagner les travailleurs dans leur passage d’un secteur à l’autre. “L’économie belge doit aussi se préparer à devenir plus digitale et plus durable, ajoute Margareta Drzeniek. L’un des éléments clés pour réussir ces transitions est la formation de la main-d’oeuvre. La Belgique y est bien préparée grâce aux compétences de cette main-d’oeuvre, à une solide infrastructure digitale et à un marché du travail qui s’adapte.”
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