EU: l’accord pour interdire les produits issus du travail forcé pourrait aussi impacter certains produits agricoles
Les négociateurs du Parlement européen et du Conseil (États membres) sont parvenus à un accord provisoire la semaine passée pour interdire et retirer du marché de l’UE les produits issus du travail forcé.
Concrètement, les autorités nationales ou, si un pays tiers est impliqué, la Commission européenne, pourront, après enquête, demander le retrait du marché de l’Union des produits conçus à partir de travail forcé, selon un communiqué du Parlement européen.
Les biens seront alors retirés du marché, y compris en ligne, et saisis aux frontières. Ils seront donnés, recyclés ou détruits. Une disposition particulière concerne les marchandises dites d’importance stratégique ou critique pour l’UE : elles seront retenues jusqu’à ce que le fabricant élimine le travail forcé de sa chaîne d’approvisionnement. Les sociétés qui ne se plieront pas aux règles pourront être mises à l’amende.
Amende
Si elles proscrivent le travail forcé, leurs produits pourront réintégrer le marché européen. La Commission européenne dressera une liste reprenant les secteurs économiques et zones géographiques où le travail forcé est permis par l’État. Il s’agira d’un critère essentiel pour évaluer l’opportunité d’ouvrir une enquête. La Commission pourra également identifier des (groupes de) produits pour lesquels les importateurs et exportateurs devront fournir des détails supplémentaires aux douanes européennes, tels que des informations sur le fabricant et les fournisseurs. Un portail numérique, permettant notamment d’alerter sur des cas de travail forcé, sera instauré pour mettre en application les nouvelles règles. Le Parlement et le Conseil doivent encore donner leur feu vert définitif à cet accord provisoire.
“Le travail forcé est une réalité depuis bien trop longtemps et le reste pour bien trop de monde. On estime que 27,6 millions de personnes en ont été victimes en 2021″, avance, dans le communiqué du Parlement, la co-rapporteuse Maria-Manuel Leitão-Marques (S&D).
39 marques de mode soupçonnées
Un rapport, dévoilé le 6 décembre 2023 au Parlement européen, a notamment listé 39 marques de mode fortement soupçonnées de recourir au service de sous-traitants employant des personnes issues du travail forcé, notamment dans la région du Xinjiang.
Pour l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Verts), l’accord constitue “un signal clair envoyé par le premier importateur mondial qu’est l’UE, que le libre-échange a des limites. Le travail forcé en est une”. Elle souligne, dans un communiqué, que cette “législation redoutée par certaines entreprises est également saluée par un grand nombre d’entre elles dans la mesure où le recours au travail forcé est une source de concurrence déloyale par rapport à celles qui rémunèrent et traitent correctement leur personnel”.
“Une magnifique victoire”
Pour Olivier De Schutter qui s’exprime à ce sujet sur facebook, c’est une “magnifique victoire”. Selon le juriste belge et professeur de droit international à l’UCLouvain, ces nouvelles règles pourraient également impacter certains produits agricoles associés au travail forcé. “Des preuves évidentes de violence, de coercition et d’autres violations graves des droits humains sont en effet observées dans la production de bœuf brésilien, de canne à sucre, de café, de cacao ivoirien, d’huile de palme indonésienne et de poisson chinois — des produits importés en grande quantité dans l’UE”, explique-t-il dans son post.
L’accord obtenu mardi doit encore être formellement approuvé par le Parlement européen et le Conseil avant de devenir loi. “Or, certains gouvernements – notamment l’Allemagne – pourraient encore être tentés de revenir sur cette décision, avance Olivier de Schutter. “Il faudra donc maintenir la pression maximale afin d’éviter le même scénario que pour la directive sur le devoir de vigilance, toujours bloquée par les Vingt-Sept”, prévient-il.
(Avec Belga)
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