Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Et si le télétravail signifiait à terme la fin du salariat ?
J’ai l’habitude de dire à mes amis que lorsque le serpent mue, il est aveugle. Autrement dit, en période de crise, de grand changement comme maintenant, les choses importantes sont souvent invisibles.
Pourtant, plus que jamais, pour apprendre à se frayer son chemin dans le monde de demain, il faudra apprendre à déceler ces signaux faibles même s’ils ne font pas de bruit ou ne sont pas visibles à l’oeil. Je pense notamment au télétravail.
Tout le monde aujourd’hui est convaincu que le travail à domicile va s’imposer en entreprise, car les collaborateurs y trouvent une forme de liberté, de gain de temps en termes de déplacement et que les employeurs y trouvent aussi leur compte en termes de mètres carrés libérés et donc de diminution des coûts de l’entreprise.
Ça, c’est pour la partie visible de l’iceberg. En réalité, les collaborateurs ne se rendent pas compte que le télétravail est en train de casser la distinction entre salarié et indépendant et que notre code du travail en sera impacté un jour ou l’autre.
Je rappelle que pendant des siècles, le seul travail qui existait était le travail d’indépendant. Les gens travaillaient chez eux, au sein de leur famille ou alors comme domestique auprès du seigneur local.
En réalité, le salariat est né assez tard, avec la révolution industrielle et donc avec les mines de charbon et le développement des chemins de fer. En clair, par souci d’efficacité, il fallait regrouper tout le monde sous un même toit, ce qu’on appelle une usine.
Ce sont donc les patrons et pas les syndicats qui ont encouragé le salariat au départ pour des raisons de contrôle et d’efficacité. Le salariat était dont le prix à payer pour troquer sa liberté contre un salaire en fonction du temps passé sur place. L’usine à l’époque, le bureau aujourd’hui, c’est au fond le lieu de contrôle de notre temps.
Mais, avec le télétravail, tout est bouleversé : le salarié se retrouve dans les mêmes conditions qu’un indépendant. Il n’est plus sous le contrôle physique de son supérieur, il ne le voit même plus sauf à travers un écran une heure par jour, le lien de subordination est plus flou, le salarié est davantage libre de se gérer en fonction d’une mission et non pas du temps passé à l’usine ou au bureau.
Et donc, la frontière entre indépendant et salarié devient floue. Le danger d’un télétravail trop massif, c’est que les salariés ne se transforment en mercenaires sans attache affective avec leur entreprise. Ou, a contrario que l’employeur se pose la question de pourquoi encore avoir des salariés s’il peut avoir des indépendants, souvent moins chers, à leur place ?
Je ne dis pas que ce phénomène est à sens unique et qu’il est inéluctable, je dis simplement que notre droit du travail a été créé au départ pour le travail en usine, dans un lieu fixe, et qu’il n’est plus adapté au monde technologique d’aujourd’hui. S’ils arrivent à nous vacciner sans faire trop de gaffes, ce sera sans doute l’un des futurs chantiers pour nos gouvernants.
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