Employée chez un sous-traitant d’Amazon en temps de pandémie

Adrienne Williams © BELGAIMAGE

Pas de couverture santé, pas de formation et le droit de se taire, même quand la pandémie rend son travail “essentiel” et beaucoup plus dangereux : Adrienne Williams, livreuse chez un sous-traitant d’Amazon, fait partie des rares employés à oser s’exprimer contre le géant mondial du commerce en ligne.

“Je porte un uniforme Amazon, je conduis un van Amazon et je récupère des colis Amazon dans un entrepôt Amazon”, dit-elle à l’AFP. “Mais quand ça ne les arrange pas, alors soi-disant je ne travaille pas pour Amazon. C’est une blague”, ajoute-t-elle. Bien sûr, “le coronavirus a exacerbé les problèmes de sécurité et de rémunération qui existaient déjà avant”, explique-t-elle lors d’une manifestation devant un centre de distribution d’Amazon à Richmond, en Californie.

Avec une poignée de personnes, elle tente d’attirer l’attention sur les manquements de sociétés comme Uber, Instacart ou Amazon, très actives au temps du “Grand confinement”. Amazon a pourtant pris plusieurs mesures exceptionnelles: contrôles des température à l’entrée des entrepôts, distribution de masques, recrutement de 175.000 personnes pour faire face à l’explosion de la demande, fonds de soutien aux employés ou contractuels en difficulté, augmentation des salaires des employés en bas de l’échelle…

Trop peu, trop tard ou sans effet, selon Adrienne Williams.

– Fauchés –

“Ils nous payent en fonction du seuil de pauvreté national, alors que la région de San Francisco est la plus chère du pays. On est fauchés, et avec 2 dollars de plus par heure, on est toujours fauchés”, constate-t-elle.

Cette mère célibataire a arrêté de travailler quand les écoles ont fermé, pour s’occuper de sa fille de 7 ans. A la mi-mars, “quand j’ai expliqué ma situation aux managers d’Amazon, l’un d’entre eux a ri. Il m’a dit, +Dis donc, j’aimerais bien rester chez moi à ne rien faire en étant payé+. Il y a un vrai problème de mentalité dans l’entreprise. Il faut dire que nos chefs sont tous des mecs de 25 ans…” Elle se dit soutenue par son patron direct, mais en tant que sous-traitant, il dispose de peu de pouvoirs.

Pour livrer les colis, Amazon utilise en effet des entreprises comme Fedex ou UPS, mais aussi environ 800 franchises auxquelles l’entreprise loue les camions. A charge pour les petits employeurs, souvent endettés, de s’occuper du reste.

“Mon chef paye une boîte de nettoyage pour stériliser les vans, mais il ne peut se le permettre qu’une seule fois par semaine. Or on ne conduit pas le même (van) tous les jours… Mes collègues se sentent en danger par rapport au virus”, raconte Mme Williams. Elle a accepté ce poste en novembre dernier, le temps de rebondir après une crise de surmenage dans un collège public. “Nous étions censés obtenir une assurance maladie dès que nous serions 30 employés. En un mois nous étions plus de 30, mais toujours pas de couverture depuis”, déplore-t-elle.

– A bout de souffle –

Sa situation est tristement banale aux Etats-Unis, où 27,5 millions de personnes ne bénéficient d’aucun remboursement de frais de santé. Elle a dû développer des combines pour gérer son asthme: “Quand ma famille ou mes amis vont voir le médecin pour un rhume, ils lui demandent mon médicament, et je leur rembourse le tiers-payant”.

Son employeur l’a mise au chômage technique et lui a assuré qu’elle était éligible à une aide d’Amazon. Mais pour l’instant elle n’a rien reçu de leur part, pas plus que les indemnités de chômage, et assure que d’autres collègues sont dans la même situation. Mais “ils ne peuvent pas parler, parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de perdre leur emploi”, affirme-t-elle. Amazon est accusé d’avoir, aux Etats-Unis, licencié des salariés qui avaient mené des mouvements de protestation. La société a expliqué que ces employés avaient enfreint le règlement de façon répétée.

Les grèves sont extrêmement rares au sein des grands groupes dépourvus de syndicats. Fin avril, environ 400 employés des entrepôts d’Amazon ont pourtant utilisé un arrêt maladie pour ne pas se rendre sur leur lieu de travail, selon Athena, un groupement d’associations.

“Jeff Bezos (le fondateur et PDG du groupe) est intelligent”, ironise Adrienne Williams. “Il installe ses entrepôts dans des endroits où il y a beaucoup de chômage ou d’anciens prisonniers, des gens qui n’ont pas fait d’études. Il sait qu’ils ne vont pas se révolter”, conclut-il.

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