Ecoutes téléphoniques sur le lieu de travail: autorisées ou illégales?
Votre patron peut-il mettre sur écoute votre téléphone ? Vos conversations peuvent-elles être enregistrées ?
L’an passé, Shurgard, société de gestion d’entrepôts, avait installé un système d’écoute et d’enregistrement des appels téléphoniques de ses collaborateurs afin d’améliorer la prise en charge des clients. Décision qui avait provoqué un tollé de protestations parmi les organisations syndicales qui ont saisi la Commission de la protection de la vie privée. Malgré une demande de conciliation de la part des syndicats, à savoir suspendre les enregistrements le temps que la Commission vie privée rende son avis, la direction avait refusé de répondre à cette demande.
La commission a fini par rendre son avis en donnant raison à la direction de Shurgard et en donnant son feu vert à la mise sur écoute du personnel du gestionnaire d’entrepôts. L’avis de la Commission vie privée repose sur base de son “droit de garde en tant qu’employeur” à poursuivre ses écoutes, considérant notamment que toutes les conversations téléphoniques enregistrées étaient en rapport avec le travail.
Sous quelles conditions peut-on ? D’ailleurs de plus en plus d’entreprises ont recours à ces écoutes-enregistrements, mais seul un petit nombre d’entre elles le déclarent… Qui n’a jamais entendu lors d’un appel vers un service clientèle le fameux “pour des raisons de qualité et d’amélioration de notre service, cet appel peut être enregistré” ?
“La loi est claire à ce sujet : aucune communication, qu’elle soit téléphonique ou électronique, ne peut faire l’objet d’un contrôle… du moins en principe”, explique Olivier Rijckaert, avocat-associé chez Younity et assistant à l’ULB. “Car il y a des exceptions bien entendu, tout d’abord les call centers par exemple et pour autant que le contrôle s’effectue en vue d’améliorer la qualité des communications.”
“Mais dans le cas de Shurgard, la Commission vie privée s’est tout simplement basée sur le lien de subordination “employeur-employé” du contrat de travail, estimant que dans ce cas, l’accord est implicite et résulte de la relation de travail elle-même, précise Olivier Rijckaert. Pour la Commission, la relation de travail vaudrait accord du travailleur sur le contrôle de ses communications professionnelles. Ceci étant, la Commission pose quelques conditions : 1. Que ce contrôle soit limité et évalué dans le temps 2. Que le contrôle ait été clairement mentionné dans le règlement de travail.”
Et c’est là que le bât blesse dans le cas de Shurgard ; la société a été rappelée à l’ordre par la Commission car la possibilité d’effectuer des écoutes téléphoniques n’était pas indiquée dans le règlement de travail… Une modification de celui-ci s’impose donc afin que ces écoutes téléphoniques soient totalement en règle. Or, une telle modification du règlement de travail ne se fait pas de manière unilatérale : elle suppose l’accord des représentants syndicaux au sein du conseil d’entreprise. Ce qui n’est pas gagné dans ce cas-ci…
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