Ses utilisateurs s’enthousiasment pour les effets du « Biodynamizer », un dispositif mis au point par la société belge Dynamized Technologies censé « revitaliser » l’eau grâce à des vortex, des aimants ou des fréquences vibratoires. Mais que vaut vraiment cette invention d’un point de vue scientifique ? Thierry de Visart de Bocarmé, professeur de chimie générale à l’ULB, donne son avis critique sur cette invention.
« La dynamisation de l’eau proposée par le Biodynamizer est un procédé dont on entend régulièrement parler. Il s’agit de traitements de l’eau non invasifs, parfois fondés sur de véritables principes physiques, comme la filtration. Mais dès qu’on parle de traitements magnétiques ou d’autres manipulations similaires, cela ne repose sur aucune étude sérieuse ni réalité scientifiquement reconnue. Affirmer que faire passer de l’eau à travers un aimant lui confère toutes sortes de vertus, c’est une idée dénuée de nouveauté », commente, sans détour, Thierry de Visart de Bocarmé, professeur de chimie générale à l’ULB en Faculté des Sciences et à la Solvay Bruxelles School of Economics and Management.
Témoignages d’utilisateurs versus rigueur scientifique
Face aux témoignages d’utilisateurs satisfaits de ce système innovant – dont un éleveur laitier qui déclare ses vaches en meilleure santé, ou encore, un boulanger constatant des effets bénéfiques sur la texture et la conservation de son pain – l’universitaire tempère. « Tant qu’il n’y aura pas d’études sérieuses menées par des organismes indépendants validées par des pairs, tout cela n’a aucune valeur scientifique. Cela dit, certains aspects de l’installation peuvent avoir une réalité tangible. Par exemple, éliminer le calcaire de l’eau change la sensation au toucher. Avec une eau très calcaire, la peau devient vite rugueuse. En revanche, lorsque le calcaire disparaît complètement, le savon adhère mieux à la peau, qui reste alors glissante, car le savon se rince moins facilement. Ces différences peuvent aussi avoir un léger impact en cuisine. En revanche, affirmer que cela serait meilleur ou mauvais pour la santé demande une grande prudence et des preuves solides. »

La mémoire de l’eau : une vieille théorie sans fondement
Le procédé se rapproche selon le scientifique de celui de la « mémoire de l’eau ». « L’idée selon laquelle l’eau garderait en mémoire un traitement est une vieille théorie de près de 40 ans sans fondement. On connaît très bien le comportement des molécules d’eau. Lorsqu’on fait passer de l’eau à travers un aimant, les molécules peuvent temporairement changer d’orientation, Mais dès que l’aimant est retiré, tout revient à son état initial. Il n’y a ni modification chimique, ni transformation durable. »
On pourrait comparer cela à l’homéopathie. « En réalité, c’est à peu près la même chose scientifiquement. L’homéopathie, au sens strict, c’est la dilution extrême de principes actifs qui, d’un point de vue scientifique, n’a aucune valeur. Pourtant, du point de vue pharmaceutique et d’autres aspects qui échappent à la science, cela fonctionne chez certaines personnes. L’impact psychologique sur la maladie est donc important. C’est d’ailleurs un facteur que prennent en compte tous les fabricants de médicaments lorsqu’ils réalisent leurs études et validations. »
Études non publiées et validation scientifique absente
Le chimiste se montre aussi sceptique sur les études et analyses diverses présentées par Christophe Carrette, l’inventeur du Biodynamiser. « Il peut exister des études commandées à des laboratoires, mais elles ne sont pas publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture. Elles ont une visée commerciale, pas scientifique. Si elles ne sont pas validées par des pairs, elles n’ont aucune crédibilité. Ce genre de partenariat vise souvent à obtenir une forme de validation académique, alors que la rigueur scientifique est absente. »
“Secret commercial”
Concernant les analyses internes revendiquées par le fabricant, l’universitaire pointe une autre problématique : « Ce ne sont pas des études indépendantes. Ce genre de discours est fréquent. Des personnes passionnées viennent régulièrement nous voir avec des dispositifs qu’elles souhaitent valider. Mais dès qu’on leur demande les bases scientifiques ou de dévoiler les principes de fonctionnement, souvent, elles invoquent le secret commercial. Et ça ne mène jamais à des résultats solides. Ces gens cherchent un crédit académique pour vendre leur produit. Mais la recherche exige des preuves, pas des convictions. »
Ce qui fonctionne vraiment
Le scientifique avance des solutions davantage validées pour purifier l’eau. « Les adoucisseurs d’eau, basés sur des résines échangeuses d’ions, sont la solution la plus efficace pour retirer le calcaire, surtout pour les eaux très calcaireuses comme celle de Bruxelles. Il existe aussi l’osmose inverse, un procédé très sérieux, bien que coûteux en énergie, qui permet d’obtenir une eau très pure. Ces méthodes ont un fondement scientifique solide. »
En résumé, selon le professeur Thierry de Visart de Bocarmé de l’ULB, la filtration pour le chlore et les polluants est bien utile dans le système présenté par la société Dynamized Technlogies, l’adoucissement du calcaire est aussi validé scientifiquement, mais les vortex, champs magnétiques et fréquences vibratoires ne le sont pas. Il est catégorique sur ce point: “Tout ce volet magnétique et vibratoire n’a aucune validation scientifique”. Et de conclure : « C’est pour moi une démarche mercantile, parfois sincèrement crue par ceux qui la défendent, mais scientifiquement infondée. Personnellement, je n’achèterais pas ce type de dispositif coûteux (ndlr: environ 4500 euros l’unité). »