Duco Sickinghe est l’homme qui a fait grandir Telenet. Il a appris le métier aux côtés du fondateur d’Apple Steve Jobs – qui l’a presque licencié – et transmet aujourd’hui ce savoir en Flandre et aux Pays-Bas.
Il arrive le sourire aux lèvres et serre la main d’humeur joviale : “Appelez-moi Duco.” Mais le sympathique Néerlandais peut aussi se montrer impitoyable. “Oui, il m’arrive parfois de débarquer comme un bulldozer”, reconnaît Duco Sickinghe. “Quand on rencontre une personne, on ne peut pas toujours regarder sous le capot. Alors je la provoque, en lui demandant par exemple si elle est sûre d’être sur la bonne voie. La réaction qui s’ensuit en dit long. C’est Steve Jobs, le fondateur d’Apple, qui m’a enseigné cette méthode. Je suis satisfait de ma longue collaboration passée avec lui.”
Chez nous, le nom de Duco Sickinghe restera toujours associé à Telenet. Lorsqu’il en a pris la tête en 2001, la survie de la société ne tenait plus qu’à un fil. “Telenet avait encore de l’argent pour tenir trois semaines”, se rappelle-t-il. Avec beaucoup d’audace, Duco Sickinghe a remis de l’ordre. Il a sorti de la mouise la société mise en place par le gouvernement flamand et spécialisée dans la fourniture de télévision, d’Internet et de téléphonie par câble. Lorsque dix ans plus tard, l’actionnaire américain Liberty s’est emparé de la société, Duco Sickinghe a quitté Telenet et créé le fonds Fortino Capital. Celui-ci investit l’argent de riches compatriotes dans des entreprises prometteuses actives dans les logiciels et l’e-commerce.
Duco, l’Europe ne va pas bien. Je devrais peut-être te virer – Steve Jobs
Duco Sickinghe connaît parfaitement le monde technologique et est souvent sollicité pour donner sa vision sur l’avenir. Ce 3 mai, il était l’un des principaux orateurs du tout nouveau festival and& qui réunit pendant quatre jours et quatre nuits plus de 100 penseurs, inventeurs, entrepreneurs et artistes à Louvain. Il devait y souligner notamment l’importance de l’université et de la “puissance technologique” de l’Imec. “Une ville, une région ou un pays peut faire ou défaire le savoir”, affirme Duco Sickinghe.
Avant qu’il ne reprenne en mains Telenet, Duco Sickinghe a notamment travaillé chez NeXT Computer, une société créée par le légendaire Steve Jobs, inspirateur d’Apple. “J’y occupais le poste de directeur marketing Europe et je m’entretenais souvent avec Steve”, raconte Duco Sickinghe. “Il n’était pas rare qu’il licencie le directeur marketing de ses sociétés américaines et qu’il se charge alors lui-même du boulot. Il est devenu mon patron et cette collaboration a été aussi agréable et passionnante que vous pouvez l’imaginer. Steve était un homme brillant, un entrepreneur formidable, mais pas un manager ni un CEO. Il laissait la direction de l’entreprise à d’autres.”
Qu’est-ce qui rendait Steve Jobs si particulier ?
Duco Sickinghe: Steve avait une excellente vision d’ensemble de la situation. Il n’était pas un as de la technologie, mais avait presque toujours un regard plus pertinent qu’un spécialiste en la matière. C’est un beau paradoxe. De même, il ne faut jamais interroger les professionnels sur leurs actions en bourse. Ils sont toujours à côté de la plaque.
Qu’est-ce que Steve Jobs vous a appris ?
La manière de percevoir les gens. Il était terrible à ce niveau.
Vous êtes-vous déjà emportés ?
Plus d’une fois. Je me souviens d’une réunion dans le restaurant Windows of the World au dernier étage de l’ex-World Trade Center à New York. Steve n’y allait pas par quatre chemins et, en guise de bonjour, il m’a dit : “Duco, l’Europe ne va pas bien. Je devrais peut-être te virer. J’avais alors deux options. Soit “Oui, Steve, tu as raison. Je vais travailler encore plus dur” et je pouvais prendre la porte. Soit “Steve, tu es un abruti et si tu veux me virer, fais-le, mais tu seras alors vraiment dans la merde” et là il m’écoutait.
En Europe, on admire souvent des Américains comme Steve Jobs ou Elon Musk de Tesla. À juste titre ?
La Belgique ne doit pas être si modeste. Notre pays compte une foule de grandes entreprises familiales et d’entrepreneurs fantastiques, mais très discrets. Dans la biotechnologie flamande, il y a quelques cracks, mais ce ne sont pas des personnages publics comme Jobs ou Musk.
Des chaînes comme VRT et VTM doivent se transformer en entreprises multimédias et concurrencer Google et Facebook. Ce n’est pas simple
Elon Musk a décidé du jour au lendemain de construire une voiture électrique durable et il a créé Tesla. Aujourd’hui, ses voitures sont dans nos rues. Nous n’avons pas de visionnaires de ce type.
Elon Musk est un personnage exceptionnel, mais il doit concrétiser ce qu’il dit. Il offre l’entretien gratuit sur ses voitures électriques et une grande partie du cash-flow y est consacré, ce qui fait très mal à Tesla. La vision de Tesla est bonne, mais l’heure est venue de dégager des bénéfices. Il doit mettre au point la production et améliorer la qualité des voitures, autrement cet entretien gratuit risque de saboter la société. Elon Musk a également investi beaucoup d’argent dans une usine gigantesque de batteries dans le Nevada. Elle est construite avec la technologie d’aujourd’hui, mais si l’Imec à Louvain propose une meilleure solution demain – ce qui est fort possible – les milliards de monsieur Musk partiront en fumée.
Un bon leadership, c’est quoi ?
C’est être le meilleur voleur de bonnes idées. La grosse majorité des bonnes idées ne vient pas de l’intérieur de nous, mais il faut savoir les reconnaître et les consolider. C’est possible en s’entourant d’une bonne équipe et en se concentrant sur les compétences de chacun. Nous jugeons souvent les gens : Jean est bon, mais il doit améliorer ceci ou cela. Je ne challenge pas mes collaborateurs sur ce qu’ils ne savent pas faire, mais plutôt sur ce qu’ils savent faire, et je leur demande d’être encore meilleurs là-dedans.
De nombreux chefs d’entreprise estiment que les autorités entravent l’entrepreneuriat. C’est aussi votre avis ?
Non, car les autorités jouent souvent un rôle positif. Les pouvoirs publics flamands constituent par exemple un facteur important dans la réussite de la biotechnologie flamande et sont aussi à la base de Telenet.
Telenet est tombé comme un fruit mûr dans des mains étrangères, comme de nombreuses entreprises belges prometteuses.
Oui, mais ce n’est pas propre à la Belgique. En fait, les investisseurs européens sont passés à côté de la forte création de valeur des projets câblés. Les Américains ont compris bien plus vite que les Européens que le câble allait l’emporter sur le fil de cuivre. Je me souviens que je voulais collecter des fonds aux États-Unis pour Telenet, avant même que nous n’entrions en bourse. Un Américain a directement mis 50 millions de dollars sur la table. Il croyait énormément en notre réseau câblé, alors que ce dernier ne suscitait aucun intérêt en Belgique. Il ne faut donc pas s’étonner qu’une société comme Telenet tombe tôt ou tard dans des mains étrangères.
Mais les jeunes sociétés belges prometteuses ne tombent-elles pas trop vite dans des mains étrangères ?
Mon avis est nuancé à ce niveau. Prenons à nouveau l’exemple de la biotechnologie flamande. De très belles sociétés sont créées dans ce secteur et sont vendues après un moment. Il n’y a rien de mal. De cette manière, la Flandre attire énormément de capital qui peut être réinvesti. Cela permet de faire tourner le carrousel de l’innovation. Nous devrions peut-être accepter que nous n’avons pas l’envergure pour en faire des entreprises internationales.
Le ministre Johan Van Overtveldt (NV-A) veut créer un super fonds doté de 400 millions d’euros à investir dans des entreprises prometteuses. Une bonne idée ?
Une très bonne idée. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises recherchent des fonds pour faire le saut numérique et s’internationaliser. Or, elles ont du mal à trouver cet argent auprès des banques qui, après la crise bancaire, doivent constituer de plus en plus de capitaux de réserve et peuvent prendre moins de risques. Ces entreprises frappent donc à la porte des fonds d’investissement.
400 millions, n’est-ce pas trop peu ?
C’est un paquet d’argent, mais pas tant que cela non plus. L’investissement d’un tel montant est généralement échelonné sur quatre ans, soit 100 millions d’euros par an. Cette contribution publique est un beau complément à l’argent apporté par les investisseurs privés. Je rencontre de très nombreux chefs d’entreprise qui ont de l’argent en banque, mais avec le taux d’intérêt actuel, cela ne rapporte que très peu. Ils recherchent de meilleurs investissements.
Une entreprise mondiale telle que Spotify, qui fournit un accès numérique à des millions de titres musicaux, est née en Suède. Ne doit-on pas s’inquiéter du fait que la Belgique ne possède pas d’entreprises de ce type ?
J’ai vu des idées similaires en Belgique, mais leur potentiel n’a pas été reconnu. Vous savez, même lors de l’entrée en bourse de Google, la moitié du pays trouvait que l’action était bien trop chère. Regardez aujourd’hui où elle en est.
Comment est-ce possible ?
Parce qu’on avait du mal à imaginer à quel point Google pouvait grandir. Idem pour Spotify. Mais ce n’est pas bien grave. Nous vivons sur un petit marché. Ceux qui habitent dans un studio ne réfléchissent pas de la même manière que les occupants d’une villa ou d’un château. De plus, il y a la puissance du nombre. La Belgique possède de bonnes universités et forme des femmes et des hommes intelligents, mais il s’agit de quelques centaines de personnes par an contre un million voire plus en Chine. Et quand Elon Musk affirme qu’il veut conquérir l’espace, il faut avoir l’envergure pour construire des fusées. Or, l’Europe n’a pas cette envergure, les États-Unis bien. De plus, l’Europe se caractérise par de nombreuses langues et normes alors que les États-Unis ne parlent qu’une seule langue et n’applique qu’un seul standard. Le marché américain est plus grand et les coûts pour y faire des affaires sont nettement moins élevés qu’en Europe.
Il y a dix ans, on acceptait encore parfaitement que les entreprises paient peu d’impôts. Mieux : les autorités y contribuaient
Les sociétés comme Google et Facebook ne sont-elles pas devenues trop puissantes ? Elles reprennent chaque start-up prometteuse avant même qu’elle puisse percer.
Elles ne procèdent pas à autant de rachats qu’on le pense. Vous savez quel est le principal problème ? Si vous cherchez ici des clients en ligne, vous devez passer par Facebook ou Google. Une grande partie de la valeur que vous créez arrive donc chez eux. Pour la distribution de vos produits, vous devez passer par Bol.com, Amazon.com et autres qui accaparent une partie de vos bénéfices. En tant que société d’e-commerce, vous êtes donc pris en sandwich entre ces deux groupes.
Entre-temps, la progression de Netflix ne semble pas non plus faiblir. Au cours des trois derniers mois, la plateforme de vidéos à la demande a enregistré 7,5 millions d’abonnés supplémentaires. Nos chaînes de télévision nationales ont-elles encore un avenir ?
Pourquoi nous sommes-nous tous mis à regarder la télévision les samedis et dimanches soirs ? Parce qu’il ne pouvait pas en être autrement d’un point de vue technologique : pendant longtemps, la télévision, c’était une seule chaîne qui diffusait à un moment précis un seul programme. Ce modèle a remporté un franc succès pendant plusieurs décennies et des chaînes comme VRT et VTM en ont profité. Mais aujourd’hui, on regarde un programme quand on veut, notamment grâce à Netflix. Les chaînes classiques vont devoir réagir. Elles doivent se transformer en entreprises multimédias et concurrencer Google et Facebook par exemple. Ce n’est pas simple.
Netflix vient de révéler qu’elle comptait investir un milliard d’euros en Europe pour des programmes européens. Le contenu local reste important ?
Je pense que les chaînes et distributeurs se trouvent dans un marché qui se contracte et connaissent des difficultés, alors que les maisons de production peuvent encore gagner de l’argent. C’est pourquoi j’ai conseillé aux responsables de Woestijnvis de ne pas vendre leur société de production. Le contenu local est et reste important, bien que je doive reconnaître que mes enfants regardent surtout des séries internationales sur Netflix. Et en toute honnêteté, ma femme et moi-même aussi, de plus en plus. Nous avons par exemple vu pas mal d’épisodes de Grand Hôtel, une série espagnole.
Facebook a été mis en cause après la fuite des données personnelles de millions d’utilisateurs. Vous vous y attendiez ?
Il fallait s’attendre à ce que tôt ou tard une discussion sur la vie privée éclate. Le modèle de Facebook repose sur des informations personnelles qui sont vendues à des annonceurs pour élaborer des publicités très ciblées. Mais les utilisateurs de Facebook ont mis eux-mêmes toutes ces informations à disposition. Ils ont sacrifié toutes leurs données et n’avaient plus d’yeux que pour les avantages, comme renouer avec de vieilles connaissances. Il y a quinze ans, on n’avait pas la même conception de la vie privée qu’aujourd’hui. Je connais par exemple de plus en plus de personnes qui masquent la caméra de leur ordinateur.
Vous le faites aussi ?
Pas encore, mais j’ai compris que l’ancien directeur du FBI James Comey l’a fait et c’est pourquoi je l’envisage aussi.
Le fondateur et patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a dû se justifier devant le Congrès américain sur la violation de la vie privée. Qu’en avez-vous pensé ?
Il s’en est bien sorti. Mark Zuckerberg a été mis sur le gril pendant 5 heures devant le monde entier. Bien entendu, il était préparé et il s’agissait de sa propre entreprise. C’était donc pour lui un match à domicile en quelque sorte. Mais il faut quand même le faire en tant que jeune CEO. Le fait qu’il ait présenté ses excuses était parfaitement logique : c’est ce que tout le monde voulait entendre, non ? Imaginez qu’il ne se soit pas excusé. La planète entière aurait été offusquée.
Comment Facebook doit-il évoluer ?
Mark Zuckerberg est un homme intelligent. Il est bien conscient que si Facebook persévère dans ses erreurs, sa société finira par se casser la figure. De nombreux utilisateurs ont déjà fermé leur compte Facebook, même si je me demande s’ils ne vont pas le rouvrir dans 6 mois. Mais Facebook va corriger le tir, j’en suis convaincu. C’est la puissance du marché.
Le fait que Cambridge Analytica ait pu exploiter les données de millions d’utilisateurs Facebook pour influencer les élections américaines et le référendum sur le Brexit est néanmoins inquiétant.
Nous sommes bien sûr tous, moi le premier, contre le recours à la technologie pour manipuler des élections. Et c’était visiblement très simple. Ils connaissent votre profil et savent ce que vous aimez entendre. Vous recevez alors des messages qui vous conviennent et qui auraient été déclarés par Trump par exemple. L’utilisateur Internet que vous êtes est ainsi trompé de toutes parts.
Le secteur des télécoms va devoir batailler ferme au cours des prochaines années, mais je pense que Proximus et KPN vont bien s’en sortir
La démocratie est-elle en danger ?
N’est-ce pas déjà le cas depuis longtemps ? Je ne veux pas être désagréable, mais on peut se demander si de nombreuses histoires véhiculées par les journalistes, y compris en Belgique, sont toujours dans l’intérêt de la démocratie.
Par exemple ?
Le remplacement des F16 a fait couler beaucoup d’encre, mais quelqu’un est-il en mesure de démêler le vrai du faux ? J’ai l’impression que la presse ne relate que les bons mots pour vendre un maximum de journaux. L’usage abusif du Big Data n’en reste pas moins très inquiétant.
Pensez-vous que les consommateurs puissent corriger les entreprises ? Les régulateurs qui peuvent mettre les sociétés devant leurs responsabilités sont-ils dès lors superflus ?
Ils ne sont pas superflus et c’est une bonne chose que l’Europe puisse demander des comptes à Facebook et à Google, mais les procédures sont assez lentes. Et les amendes infligées relativement basses. Que représente une amende de 100 millions d’euros pour une telle entreprise ? Le pouvoir des clients est bien plus élevé.
L’Europe peut veiller à ce qu’une société comme Apple paie un peu d’impôts.
Certainement. Et les entreprises doivent payer leur juste part d’impôts. Nous devons nous diriger vers un système international d’imposition équitable. Mais je voudrais faire remarquer quelque chose. Nous proclamons que nous avons des valeurs et des normes éternelles. Il y a dix ans à peine, on acceptait encore parfaitement que les entreprises paient peu d’impôts. Mieux : les autorités y contribuaient. Aux Pays-Bas, il a été possible de créer des fondations faiblement taxées. En Belgique, des rulings ont été conclus, des accords avec des entreprises sur le taux d’imposition. Mais depuis quelques années, nous estimons que ce n’est plus possible. Nos normes et valeurs sur le paiement des impôts ont changé.
Vous êtes président de la société de télécoms néerlandaise KPN. On affirme régulièrement qu’une fusion entre KPN et Proximus serait une bonne chose.
Une fusion entre KPN et Proximus n’est absolument pas à l’ordre du jour. Le secteur des télécoms va devoir batailler ferme au cours des prochaines années, mais je pense que KPN et Proximus vont bien s’en sortir. Par ailleurs, je ne perçois pas bien l’effet de synergie qu’apporterait une fusion entre KPN et Proximus car elles font appel toutes les deux à Cisco ou Huawei pour leur technologie, ce qui serait toujours le cas après une fusion.
Mais vous disiez récemment qu’une fusion entre la poste belge et la poste néerlandaise avait du sens.
Certainement, car elles pourraient alors opérer à une échelle plus grande. Aujourd’hui, j’ai les larmes aux yeux quand je vois les petites camionnettes blanches de PostNL sillonner les rues, tandis qu’UPS par exemple est actif dans le monde entier. Par le passé, une fusion avait déjà fait l’objet de négociations. Je n’étais pas présent, mais la non-concrétisation d’une telle fusion est souvent liée aux personnes et aux émotions. Comme j’aime le répéter, le mieux est qu’ils se mettent d’abord d’accord sur le pays qui accueillera le siège de l’entreprise fusionnée. Une fois qu’ils se seront entendus sur ce point, les chances de réussite seront déjà plus grandes.
Quelle est la principale différence culturelle dans la vie économique entre la Belgique et les Pays-Bas ?
Les Néerlandais partent du principe que les propos tenus en réunion traduisent nos intentions, tandis que les Belges estiment que c’est ce qu’on exprime en dehors d’une réunion qui constitue le fonds de notre pensée.
Traduction : virginie·dupont·sprl