Dominique Michel (Comeos): “On ne veut plus être forcé de rester dans l’ancienne économie”
En cinq ans, le chiffre d’affaires de ce que les Belges ont acheté sur des boutiques en ligne étrangères a été multiplié par dix. Le patron de la Fédération du commerce et des services demande un assouplissement du cadre législatif.
Comment expliquer cette fuite du chiffre d’affaires du commerce en ligne vers des pays étrangers ?
Il y a deux raisons. La première concerne les commerçants eux-mêmes. Certains ont peut-être sauté un peu trop tard dans le train du digital. Ils pensaient que l’e-commerce n’allait pas décoller en raison de la surdensité de magasins dans notre pays et de la légendaire exigence du consommateur belge, qui allait soi-disant toujours vouloir toucher les articles. Ce fut clairement une erreur d’appréciation. La deuxième raison tient au fait qu’en Belgique, le secteur du commerce est engoncé dans une carapace de limitations, de restrictions et de handicaps. Chez nous, par exemple, le travail de nuit est particulièrement régulé, ce qui fait qu’il est pratiquement impossible à mettre en oeuvre. Or, aujourd’hui, les consommateurs souhaitent être livrés le plus rapidement possible, et la plupart des commandes en ligne sont passées en soirée. Donc, si à l’autre bout de la chaîne, personne ne travaille à cette heure-là pour préparer les colis, les clients vont plutôt commander sur des sites qui permettent une commande jusqu’à minuit pour une livraison le lendemain.
Côté syndical, on explique pourtant qu’un cadre existe pour le travail de nuit et qu’il est tout à fait possible pour les entreprises du secteur du commerce de l’instaurer. Il y aurait en réalité peu de demandes…
C’est tout à fait faux. Il y a en réalité des dizaines de demandes informelles, mais les syndicats préviennent tout de suite que ce travail devra être payé à X %. Si ce n’est pas le cas, ils menacent de faire grève. Vous comprenez bien que cela refroidit les entreprises. A ce jour, une seule grande entreprise du secteur a instauré le travail de nuit : Ikea. Et quand elle a obtenu un accord, il y a eu des articles dans la presse. Cela prouve qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans ce pays. Aux Pays-Bas, on n’écrit pas d’articles dans les médias juste parce qu’une entreprise instaure le travail de nuit. Il est vrai que la législation été assouplie chez nous. Pour instaurer le travail de nuit, nous n’avons par exemple plus besoin de l’accord que d’une seule organisation syndicale. Mais cet assouplissement est trop timide, et vient trop tard.
Que demandez-vous donc précisément ?
Nous aimerions que le travail de nuit commence à minuit comme c’est le cas aux Pays-Bas ( la ” nuit belge ” débute à 20 h, Ndlr). Mais nous ne voulons pas nous braquer uniquement sur cette question. Nous demandons plus globalement que notre secteur puisse profiter des règles de la nouvelle économie, et qu’il ne soit plus forcé de travailler dans l’ancienne économie avec, de temps en temps, quelques adaptations. Aujourd’hui, chaque négociation prend des années. Si bien que lorsqu’elle aboutit, les tendances ont déjà évolué. Nous aimerions que les entreprises aient la possibilité de tester de nouveaux projets avec des volontaires. Des projets qu’elles pourraient ensuite décider de pérenniser ou pas en passant, mais à ce moment-là seulement, par une négociation avec les organisations syndicales.
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