Domaine W: un Wine Club pour entreprises

Wine Club Entreprise au Domaine W. La cotisation de trois ans donne notamment droit à un accès privatif à la "wine bank" avec un espace de dégustation aux allures de club anglais et un casier personnel de 32 bouteilles. © PG

Il y a 10 ans, Dimitri Vander Heyden et Sophie Wautier lançaient le Domaine W sur les terres familiales situées à cheval sur Tubize et Rebecq. Ils y ont développé un concept très singulier pour se financer partiellement : le Club W destiné aux particuliers. Pour pérenniser leur modèle, ils ouvrent aujourd’hui un club destiné aux entreprises.

Comment se lancer dans la viticulture de manière durable et financièrement solide quand on a juste des terres et quelques économies ? Quand on veut juste réussir un projet de vie et de réhabilitation de la ferme familiale axé sur le biodiversité ? On se montre audacieux et créatif. Il y a 10 ans, quand Dimitri Vander Heyden et Sophie Wautier ont lancé le Domaine W, situé à cheval sur Tubize et Rebecq le long de la ligne de train à grande vitesse, ils ont eu une idée de génie : le Club W, aujourd’hui aussi appelé Wine Club Private.

Moyennant le paiement d’un droit d’entrée unique (de 700 à 3.900 euros aujourd’hui), le membre se voit garantir, sur 20 ans, un nombre défini de bouteilles (de une à six par an suivant le niveau de cotisation), l’accès à une multitude d’activités (soirées, conférences, vendanges, journées viticoles, ateliers apprentis vignerons, etc.) et une priorité d’achat pour d’autres bouteilles. Ce Wine Club Private, sorte de crowdfunding de longue haleine, a permis au domaine de se développer patiemment tout en visant la haute qualité pour ses vins (du Crémant de Wallonie), son personnel, ses locaux et le matériel acheté dont un magnifique pressoir champenois qui permet une extraction douce et lente du jus.

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250.000 euros par an

Dix ans plus tard, le concept ne s’essouffle pas le moins du monde. Ils sont 1.800 membres aujourd’hui à profiter d’un accès exclusif aux différentes cuvées, très qualitatives, du domaine cultivé en biodynamie.

“En 10 ans, nos membres nous ont apporté progressivement 2 millions d’euros, confie Dimitri Vander Heyden. Soit, grosso modo, 250.000 euros par an. Cet apport nous a permis d’être chaque année au moins à l’équilibre. Entre autres aussi via la déductibilité fiscale des investissements. Nous avons énormément investi pour développer le domaine et Sophie et moi n’avons pas touché le moindre salaire pendant huit ans. Mais ce club, c’est du confort financier. Cinquante pour cent de nos bouteilles sont achetées par nos membres. Au moment où je vous parle, nous avons déjà pour plus de 300.000 euros de commandes pour des bouteilles supplémentaires des cuvées qui sortiront cet automne. La précédente est épuisée. Nous avons tenu six mois.”

Parallèlement aux membres, Dimitri, Sophie et leurs associés ont apporté 800.000 euros de capitaux. Le couple a utilisé un système de parts bénéficiaires attribuées via un apport en industrie pour ne pas perdre le contrôle de leur domaine. Le succès aidant, les banques ont accepté de soutenir le projet. Outre un petit prêt chez CBC pour la cuverie, c’est Crelan, dont le directeur commercial est membre du Wine Private Club, qui a assumé l’ensemble des prêts en deux fois : 700.000 puis 1,5 million d’euros. Au total, le développement du domaine aura donc nécessité 5 millions d’investissement.

“Les deux dernières vagues d’investissement, en 2023 et 2025, visaient la qualité de notre accueil et de nos produits, poursuit Dimitri Vander Heyden. Nous avons désormais une grande terrasse ouverte sur le domaine pour les événements, un nouvel espace événementiel avec une large baie vitrée qui s’ouvre sur la cour de la ferme en carré et des espaces de travail tout neufs pour nos équipes.

Du côté vinification, le Domaine W dispose désormais d’un espace de stockage de 200.000 bouteilles, soit quatre millésimes. C’est unique en Belgique. Mais aussi d’un grand chai à barriques et de foudres tout neufs. L’idée, c’est quoi ? Augmenter le vieillissement sur lattes pour toutes nos cuvées (30 mois pour la cuvée signature et 40 mois pour toutes les autres), vinifier 50% de la récolte sous bois et augmenter les vins de réserve bien utiles quand les années sont dures comme en 2024. Ces trois éléments combinés visent à faire monter en gamme nos cuvées.”

3 % de marge

Le Domaine W ne vend ses bouteilles qu’en direct. À ses membres, aux invités des soirées d’entreprise, mais également à l’horeca. Les cuvées sont ainsi disponibles dans quelques-unes des plus grandes tables du pays (Air du Temps, Comme Chez soi, Bistrot Racine, Au Gré du Vent, etc.). Une démarche commerciale qui vise à se passer d’intermédiaire et à maximiser la marge. Une démarche logique puisque toutes les bouteilles produites (35.000 l’an dernier) se vendent de cette manière. Malgré une gestion au cordeau, W ne dégage qu’une marge de 3%. Et il ne dispose que de trois mois de trésorerie. Ainsi, en 2024, le domaine n’a réalisé que 40.000 euros de bénéfice sur un chiffre d’affaires proche du million d’euros.

“Nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers, soupire Dimitri Vander Heyden. Ce constat est aussi une façon de faire comprendre à nos membres que, si les installations sont au top, faire du vin en Belgique demeure un combat permanent.”

D’ici à 2030, Dimitri et Sophie visent les 10% de marge et les six mois de trésorerie. Ce qui revient à doubler le chiffre d’affaires. Les investissements récents centrés sur la qualité et les vins de réserve sont un moyen d’y arriver. Comme celle de parvenir à une production moyenne de 50.000 bouteilles. Mais la plus grande force du domaine, ce sont ses membres qu’il convient de continuer à choyer. Après les particuliers, le domaine brabançon va se tourner vers le B to B.

À côté de la centaine d’événements d’entreprise déjà organisés (les vendanges en tant que team building font un tabac), un Wine Club Entreprise vient d’être créé. Pour une durée d’un à trois ans (cotisation entre 1.250 et 3.750 euros entièrement déductibles), les sociétés reçoivent des bouteilles pour une valeur de 1.000 euros par an, un accès aux mêmes événements que les particuliers ainsi qu’à des rendez-vous spécifiques, une priorité d’achat pour d’autres bouteilles, la possibilité de créer une cuvée personnalisée (au moins 500 bouteilles) et une location gratuite des espaces événementiels (une fois pour les cotisations de deux et trois ans). La cotisation de trois ans donne, en outre, droit à un accès privatif d’un lieu unique en Belgique : une wine bank avec un espace de dégustation aux allures de club anglais.

“J’ai découvert le concept quand je dirigeais la filiale autrichienne de Danone, confie Dimitri Vander Heyden. Il s’agit d’un espace unique que mon frère, architecte, a conçu avec l’aide d’un ferronnier artisanal liégeois. Le résultat est bluffant. L’entreprise peut le privatiser autant de fois qu’elle le désire. Elle y dispose d’un casier personnel de 32 bouteilles conservées dans des conditions idéales. Elle y entrepose le vin qu’elle désire et pas uniquement du Brut de Brabant du Domaine W. Des verres et un refroidisseur rapide de bouteilles sont à disposition.”

Sans faire de publicité, le Domaine W a déjà trouvé acquéreur pour 50 des 100 casiers disponibles. “Ce sont principalement des PME, explique Dimitri Vander Heyden. Mais des banques et des compagnies d’assurance ont montré un intérêt plus que certain pour ce concept qui permet de recevoir des clients de façon originale. Si nous avons déjà un partenariat au domaine avec Mercedes, deux autres marques ou distributeurs automobiles ont montré un intérêt plus qu’appuyé. Interagir en direct avec les entreprises part du même principe de contrôle de la chaîne de valeur et d’absence d’intermédiaire. Le B to B est très prometteur en Belgique.”

Sophie Wautier et Dimitri Vander Heyden “En 10 ans, les membres du Club W, devenu Wine Club Private, nous ont apporté progressivement 2 millions d’euros.” © PG

Partenariat avec Dandoy

Aujourd’hui, le Domaine W, c’est une oasis de 40 hectares dont 8 de vignes, 6 de froment bio et quasi 2 hectares de miscanthus qui autorisent une autonomie en termes de chauffage (le roseau est brûlé tel quel dans des chaudières adaptées). Y travaillent désormais 8 ETP, 3 chevaux de trait et 16 moutons d’Ouessant, avides tondeurs.

Le doublement du chiffre d’affaires passe aussi par une valorisation des ressources du domaine. Ainsi, le froment va faire l’objet d’un partenariat avec la biscuiterie Dandoy pour développer un produit inédit. Mais chut, il est trop tôt pour en parler. La pérennité du domaine ne passera pas par une extension du vignoble. Tout au plus deux hectares supplémentaires pourraient être plantés, mais le sujet fait encore débat en interne. Il s’agit de préserver l’équilibre entre biodiversité et qualité des produits. Mais d’où viennent alors les 1.000 hectares évoqués dans certains médias ?

La pérennité du domaine ne passera pas par une extension du vignoble. Il s’agit de préserver l’équilibre entre biodiversité et qualité des produits.

“Pas sur notre domaine ! sourit Dimitri Vander Heyden. En fait, tout part d’un week-end de coaching en développement commercial. Nous y avons évoqué notre projet à impact positif que nous souhaitions limiter à 10 hectares de vignes maximum. Le coach, à la fin du week-end, m’a susurré que 10 hectares, c’était quand même un petit impact positif. Ses paroles ont percolé et nous avons décidé de mettre notre modèle en open source.

Nombreux sont les vignerons qui nous ont copié sans réussir. Tout aussi nombreux sont ceux qui viennent nous voir pour collaborer à une duplication. Nous allons dégager du temps pour une consultance non lucrative. Il y a du potentiel pour mettre en place le même genre de modèle vertueux (W a aussi développé des projets de préservation et d’extension de la biodiversité avec Infrabel pour les talus sous la ligne TGV et avec les communes de Tubize et Rebecq pour des vergers collectifs et la plantation de haies, ndlr) dans des régions en crise ou qui replantent de la vigne comme la région parisienne, la Normandie ou les Hauts-de-France. En Belgique aussi, ce modèle pourrait être dupliqué. Nous avons chacun une zone de chalandise et je n’aurais aucun souci à collaborer à la mise en place d’un domaine en province de Liège, de Namur voire de Hainaut.”

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