Doliprane, le médicament le plus vendu en France, en passe d’être racheté par des Américains

Doliprane
© Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Opella, la filiale de Sanofi qui produit le Doliprane, le médicament le plus vendu chez nos voisins français, est en passe d’être partiellement cédée à un fonds américain, au détriment d’un candidat acquéreur français. Tollé dans l’Hexagone.

C’est le dossier qui, depuis des jours, donne des maux de tête au gouvernement français. Le Doliprane, médicament le plus vendu en France, équivalent de l’aspirine, est fabriqué par Opella, une filiale du géant français de la pharmacie Sanofi. Mais Sanofi, qui trouve ce business pas assez rentable, négocie avec le fonds américain, CD&R (Clayton, Dubilier & Rice, un des plus anciens fonds d’investissement américain), pour qu’il lui rachète 50% d’Opella.

Opella, ce n’est pas que le Doliprane, c’est la filiale de médicaments grand public de Sanofi, riche d’un portefeuille d’une centaine d’autres marques dont la Lysopaïne ou l’anti-allergique Allegra. Opella est le troisième acteur mondial de médicaments sans ordonnance, avec un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros et douze usines, dont deux en France (Lisieux et Compiègne), et emploie 1.700 personnes dans l’hexagone.

Valorisé à 15 milliards

Sanofi a déclaré vouloir vendre 50% de sa filiale (en fait un peu plus de 50%, nous dit une source bien informée, ce qui donne le contrôle d’Opella à CD&R) pour des raisons stratégiques. Une filiale que Sanofi valorise à 15 milliards d’euros.

« Cette décision de cession « a été prise il y a un an, dans le cadre de notre réflexion stratégique pour renforcer les activités pharmaceutiques cœur de Sanofi, qui sont les médicaments biologiques pour l’immunologie, les maladies rares ou encore les vaccins, explique dans Les Echos le président de Sanofi, qui est aussi l’ancien patron de Société Générale, Frédéric Oudéa. Compte tenu des nombreux produits que nous voulons lancer et de la poursuite de nos investissements dans l’ARN messager, nous avons décidé d’augmenter considérablement nos dépenses de R&D – un milliard d’euros supplémentaire par an entre 2023 et 2025 – et de faire des acquisitions pour compléter notre portefeuille de produits. Nous ne pouvons pas tout faire, nous aurions été incapables d’apporter à Opella tous les moyens nécessaires à son développement », précise-t-il.

Il ajoute toutefois croire au potentiel d’Opella . « C’était la décision de Sanofi de conserver 50 % du capital, c’est la garantie d’un ancrage français sur la durée de ces activités, dit-il. C’est un choix très fort : 50 % de détention représente sept milliards d’euros de capital investis. Nous n’investirions pas un tel montant sans croire au potentiel d’Opella. Cela signifie que nous ne percevrons dans l’immédiat que la moitié de la valeur de l’entreprise et non 15 milliards issus de cette cession. Cet équilibre à 50-50 avec CD&R donne à Sanofi un droit de veto sur les grandes décisions stratégiques et nous paraît le meilleur équilibre en termes de création de valeur et de gouvernance ».

A terme, toutefois, il semble que Sanofi désire se défaire de l’entièreté de sa filiale.

Une solution française ?

CD&R n’était pas le seul investisseur intéressé par Opella. Un consortium emmené par le fonds français PAI Partners, et dans lequel on trouve aussi des fonds étrangers (le fonds Avia d’Abou Dhabi Avia, GIC de Singapour et BCI du Canada) avait remis une offre présentée comme équivalente sur le prix et meilleure en termes de maintien de l’emploi.

Mais Sanofi a préféré CD&R, même après que PAI a relevé son offre de 200 millions d’euros ces dernières heures. Sanofi a réagi froidement ce jeudi dans un communiqué : le groupe « s’étonne qu’une « offre améliorée » soit faite maintenant, en dehors des délais et du processus de gouvernance qui ont présidé à la décision ».

Sanofi ne rejette donc pas formellement l’offre, mais continue ses discussions avec CD&R, car, estiment certains analystes, l’investisseur américain serait sans doute mieux positionné pour développer la croissance outre-Atlantique du portefeuille de marques d’Opella, un marché où Opella est relativement moins présent. D’autres disent aussi que Sanofi a, comme d’autres grandes entreprises française cotées en Bourse, un groupe important d’investisseurs institutionnels anglo-saxons dans son capital, ce qui a pu aussi faire pencher la balance dans le choix d’un partenaire pour le développement d’Opella.

Il reste que le dossier est sensible. Devant la levée de boucliers et l’émotion populaire que cette cession suscite, devant les critiques qui disent que le gouvernement laisse une nouvelle fois un fleuron partir à l’étranger,  le ministre français de l’Economie, Antoine Armand, a été interpellé au parlement français. Il a répondu qu’il étudiait « une possible entrée de l’Etat français au capital d’Opella », ajoutant de manière nébuleuse : « Je vous le dis très clairement, rien n’est interdit, rien n’est exclu ». Dans ce dossier, le gouvernement français semble manier carotte et bâton : Antoine Armand a également demandé qu’on lui dresse un bilan des aides publiques perçue au cours de la décennie par Sanofi.

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