D’Ieteren sur le site Audi Brussels: les dessous des voitures reconditionnées
D’Ieteren serait en discussions pour devenir partenaire du site Audi Brussels. Une partie de l’usine pourrait être transformée en centre de reconditionnement pour voitures ou de pièces d’occasion. Mais qu’est-ce exactement une voiture reconditionnée ?
L’idée serait qu’une partie du site d’Audi Brussels soit retransformé en un centre de reconditionnement pour voitures d’occasion. Une activité qui intéresse D’Ieteren Auto et d’autres sociétés de leasings. Concrètement, ce ne serait donc pas D’Ieteren qui reprendrait stricto sensu une partie du site. La société sous-traite déjà aujourd’hui cette activité et pourrait simplement s’engager à être un client important pour ce type d’activité sur le site. L’activité de reconditionnement pourrait occuper jusqu’à un tiers de la superficie de l’usine et sauver environ un demi-millier d’emplois, selon l’Echo. Une autre piste qui circule est la transformation d’une partie du site un centre de pièces d’occasion dans le cadre d’une activité circulaire.
Qu’est-ce que le reconditionnement ?
Comme les téléphones, les voitures d’occasion peuvent être «reconditionnées», soit remise à neuf pour être revendue. L’avantage pour l’acheteur est qu’il dispose, contrairement à une voiture d’occasion classique, d’un véhicule rénové et bénéficiant d’une garantie tout en restant moins cher que le neuf.
Sur un site de reconditionnement il n’y a pas de chaîne, mais un circuit bien rodé où s’active en moyenne une quarantaine d’employés sur 300 véhicules. Lorsqu’une voiture arrive au dépôt, on établit un diagnostic détaillé (carrosserie, accessoires, mécanique, …) avant une remise en état. Le véhicule est ensuite nettoyé, pris en photos et mis en ligne.
Le reconditionné, un marché en plein boom
Porté par la lutte contre le dérèglement climatique, le secteur du reconditionné connaît un succès croissant. Un reconditionnement diminue l’impact écologique des véhicules puisque cela permet de réduire de 50 % à 80 % les émissions de CO2. Et la Belgique ne fait pas exception à la règle puisque le marché connaît une progression de 13,5%.
Faire du neuf avec du vieux est une tendance qui s’applique aussi à la rénovation de pièces mécaniques via ce qu’on appelle le « remanufacturing ». Soit des pièces de «carcasses» de différentes marques sont démontées, nettoyées, retapées, testées puis envoyées avec une garantie deux ans dans les grandes centrales d’achat qui les distribueront aux garagistes. Si elles sont en moyennes vendues entre 20 et 25% moins chères qu’une pièce neuve, elles peinent cependant encore à convaincre. Seuls 20 % des garages disent proposer fréquemment des pièces reconditionnées et seuls 13 % des conducteurs auraient accepté le placement d’une pièce reconditionnée.
Si cela demande un changement de mentalité, le remanufacturing est pourtant un marché prometteur de l’automobile durable. Un marché qui devrait atteindre 15 milliards de dollars en Europe et de 20 milliards aux Etats-Unis d’ici 2040. Les voitures et leurs pièces détachées ne sont d’ailleurs pas les seules à être reconditionnées. On reconditionne aujourd’hui aussi des batteries et des vélos électriques.
Febelauto a collecté près de 150 tonnes de batteries de véhicules électriques en 2023, une hausse de 10% par rapport à l’année précédente. Les batteries sont recyclées sur un site d’Anvers, où une nouvelle chambre forte a été construite pour optimiser leur gestion. Les matières premières comme le cobalt, le nickel et le lithium sont récupérées. Un nouveau règlement européen impose d’augmenter l’utilisation de matériaux recyclés dans les batteries d’ici 2031. Febelauto prévoit une hausse du nombre de batteries à traiter à l’avenir. De quoi rendre la piste d’un reconditionnement des batteries d’autant plus intéressantes.
L’avenir passe par une économie d’échelle
Comme le précise encore l’Echo, le reconditionnement est, pour l’instant, encore un business de petites marges. En moyenne il faut compter 300 euros pour reconditionner une voiture avec une marge entre 10 à 15% par voiture. Ce qui risque de ne pas être suffisant pour le groupe Volkswagen. D’autant plus que pour que le site d’Audi se mue en usine de reconditionnement cela va demander des investissements. Comme il semble que D’Ieteren ou le groupe Volkswagen ne veuille pas investir directement dans le site, les investissements devront venir d’ailleurs.
Pourtant, beaucoup de grands constructeurs misent aujourd’hui sur la nécessité d’une certaine sobriété matérielle. Un constat qui les pousse à garder plus longtemps leur voiture dans leur propre réseau. Stellantis s’est ainsi lancé dans le reconditionnement de véhicules à une échelle plus industrielle par exemple en Belgique via sa filiale Cardoen et en France via Aramisauto. Renault aussi s’est jeté dans l’aventure avec ses voitures intitulées Renew et reconditionné dans la Refactory, son centre d’économie circulaire.
Et c’est probablement là la clé. L’avenir du reconditionnement, une activité gourmande en main-d’œuvre, passe par une importante économie d’échelle. Le volume de véhicules traités chaque jour et le temps de remise en état conditionnent presque entièrement la rentabilité de cette activité. Le compteur est lancé à partir de l’enlèvement du véhicule d’occasion et se termine par la livraison à un nouveau client. Chaque minute perdue entre les deux diminue d’autant les marges. Le secteur mise donc beaucoup sur la digitalisation de certaines étapes comme la peinture. Mais aussi sur des associations naturelles avec les revendeurs. Pour s’assurer d’un stock de voiture à reconditionner (par exemple récupérer les anciens véhicules des clients chez les concessionnaires lors de la reprise) mais aussi de leur écoulement une fois que c’est fait.
Le secteur va aussi devoir s’adapter au fait que le profil des véhicules d’occasion a évolué en raison du recul des ventes de voitures neuves ces dernières années. Un phénomène a réduit le nombre de reprises et a contribué au vieillissement du parc automobile. Si cela peut être utile pour le reconditionnement des pièces, des voitures plus âgées réclament plus de réparation et demande donc plus de temps pour être reconditionnées.
Soit autant d’arguments qui risquent d’être en défaveur du site d’Audi à Bruxelles. Car ce type d’installation est plus intéressante dans des régions où le mètre carré et la main-d’œuvre sont plus abordables. Ce qui pourrait faire du Hainaut ou du Limbourg de meilleurs candidats. À cela s’ajoute une difficulté logistique par une immobilisation plus longue des véhicules que dans une chaîne de montage classique. L’investissement nécessaire et les marges faibles pourraient donc détourner Volkswagen de l’option « reconditionnement » et faire pencher la balance vers un repreneur unique pour l’ensemble du site. De quoi redonner des couleurs à la piste NIO.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici