Des membres du cabinet payés par bpost ? Une vieille habitude
La ministre des Entreprises publiques Petra De Sutter (Groen) a étoffé son cabinet avec deux collaborateurs payés par Bpost. Cette une vieille habitude politique. Sauf que les temps ont changé. Et la note risque d’être salée. Pour elle, mais aussi pour bpost.
Madame De Sutter aimait se présenter comme celle qui allait faire le ménage dans les entreprises publiques. Mais l’annonce d’hier fait quelque peu désordre. Deux membres de son propre cabinet sont des employés détachés de bpost. Ce qui veut dire qu’ils sont également rémunérés par l’entreprise postale. “Salaires, avantages, assurances, voiture, bonus”, tout était payé par l’entreprise précise De Standaard. De quoi s’offrir une expertise à moindres frais.
Comme le reconnaît la ministre elle-même, une telle situation «peut créer l’apparence d’un conflit d’intérêts ». C’est d’autant plus gênant que bpost aurait transféré près de 4 milliards d’euros en 10 ans à l’état belge. Pourtant, «dans la pratique cela ne pose pas de problème » selon le cabinet. Les deux employés n’ayant commencé à travailler qu’en octobre 2020 et leur travail a été encadré par un code déontologique. Concrètement, ils n’auraient fait qu’apporter leur expertise via un soutien technique au dernier accord de gestion avec bpost.
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Petra De Sutter a précisé mercredi que la décision de retirer les deux conseillers du payroll de bpost avait déjà été prise il y a trois mois. « Avec les audits en cours, on a décidé d’y mettre un terme. Ce sont des pratiques du passé », assure-t-elle. bpost a elle aussi confirmé que le salaire des deux collaborateurs du cabinet De Sutter, payés par l’entreprise postale, serait remboursé par le cabinet, à partir du 1er juin. « Le management s’est rendu compte plus tôt cette année qu’il n’y avait pas de remboursement dans les conventions de détachement des deux collaborateurs », indique bpost dans un communiqué. « Le management a alors proposé au cabinet de régulariser la situation, ce qui a été accepté.»
Une pratique pourtant relativement courante
Si la pratique de membres détachés peut sembler surprenante de l’extérieur, elle était pourtant relativement courante puisque plusieurs des prédécesseurs de la ministre en ont fait usage. Elle fera même l’objet d’un arrêté royal en 2001. Celui-ci prévoit que les membres du cabinet détachés d’une entreprise publique autonome, comme bpost, continuent de percevoir leur rémunération, sauf si l’entreprise en question demande explicitement qu’elle soit remboursée par le cabinet. Malgré l’introduction en bourse de bpost, l’arrêté ne sera pas modifié par la suite précise encore De Standaard.
Le cabinet de madame De Sutter n’est d’ailleurs pas le seul cabinet à en faire usage. Par exemple plus de la moitié des cabinets des ministres Vincent Van Peteghem (CD&V), Vincent Van Quickenborne (Open VLD) ou Frank Vandenbroucke (Vooruit) sont composés de personnel détaché, précise De Standaard. Le plus souvent il s’agit de fonctionnaires détachés de leur administration. Mais ce n’est pas le cas pour tous. Ainsi Vandenbroucke a dans son cabinet deux détachés de la mutualité Solidaris et une personne de Zorgnet-Icuro. Et Georges Gilkinet (Ecolo), le ministre de la Mobilité, compte trois employés payés par la SNCB. On pourrait faire un parallèle avec bpost, puisqu’il vient de négocier une nouvelle convention de gestion, mais, à la différence de bpost, la société ferroviaire est à 100 % publique.
Le problème chez bpost est donc la nature de l’entité qui fournit les collaborateurs, soit une entreprise publique autonome cotée en Bourse et à 49 % aux mains du privé.
Audrez Hanard, présidente de bpost, aussi dans la tourmente
Audrez Hanard, présidente de bpost depuis mai 2021 souffre, elle aussi, de la tempête provoquée par la révélation des différents contrats publics controversés. Ainsi la société boursière KBC Securities s’interroge sur la manière dont Mme Hanard a géré jusqu’à présent la crise et sur la manière dont elle a commandé l’enquête sur les irrégularités. Jusqu’à présent trois personnes avaient été désignées comme responsables de la crise des appels d’offres de services rendus à l’État. Une crise qui s’est ouverte avec les irrégularités relevées sur l’attribution à bpost de la concession de distribution de journaux. Il s’agit d’un marché public, car l’activité est subsidiée par l’État fédéral, et portait sur la période 2023-2027. Un audit interne a révélé que bpost en aurait fait trop pour décrocher la concession face à la concurrence, débouchant sur un soupçon d’entente pour éviter la concurrence, en accord avec des groupes de presse (DGP et Mediahuis) et un concurrent potentiel, qui s’était retiré, pour assurer que bpost emporterait le contrat. Une crise qui a valu le départ d’un CEO, Dirk Tirez, en décembre dernier, ainsi que deux cadres supérieurs.
Mais cette piste de trois uniques responsables semble quelque peu s’essouffler dit De Standaard. La version présentée par Mme Hanard laisserait trop de questions en suspens. Mais aussi un contrôle interne qui laisserait à désirer.
La note risque d’être salée aussi pour bpost
Les derniers remous en date risquent d’embourber bpost encore un peu plus dans ses problèmes. Les dommages directs et indirects sont importants. D’autant plus que personne ne sait combien de cadavres pourraient encore être déouverts dans le placard de l’opérateur postal.
Cette mauvaise gestion a déjà laissé des stigmates énormes. Ainsi l’aveu concernant les marchés publics pourrait, selon un communiqué de presse publié par l’entreprise, amputer le bénéfice d’exploitation de 25 à 50 millions en 2023, soit 10 à 20% de l’objectif de 240 à 260 millions d’euros précédemment fixé. Et avec l’accumulation de dossiers, l’amende pourrait bien être relevée.
Tant que cette épée de Damoclès plane sur l’action, la méfiance est de mise. Cette crise de confiance a quoi qu’il en soit déjà fait chuter la valeur boursière de l’entreprise en dessous de celle de sa filiale américaine Radial.
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