Des commandes en souffrance suite à la crise de la sous-traitance automobile
Attendre un an pour se faire livrer une voiture n’est plus exceptionnel. A cause des semi-conducteurs qui manquent, du conflit ukrainien, du retour du covid en Chine. En plus, il y a une pénurie de clients dans le marché des particuliers.
Elles sont plutôt rares, les voitures livrées trois mois après la commande comme c’était l’habitude il y a deux ou trois ans avec les modèles à assembler selon les choix du client. A présent, les chanceux attendent six mois, les autres un an. Parfois plus. “J’avais commandé une VW Passat hybride il y a un an et demi, elle arrive maintenant”, nous disait début mai une cadre d’entreprise croisée lors d’une interview. Ce retard est causé par la pénurie des semi-conducteurs, nombreux dans un véhicule hybride.
Quand cette pénurie va-t-elle prendre fin? “A la fin de l’année ou en 2023”, estime Gabriel Goffoy, directeur de la communication de la Febiac, la fédération des importateurs de voitures. Certains constructeurs confirment cette prédiction, comme le groupe VW. “Le déficit en semi-conducteurs ne va pas rester longtemps un problème, a déclaré récemment Herbert Diess au quotidien espagnol Cinco Días. Il sera réduit dans la seconde moitié de l’année.”
Pour l’heure, les délais sont conséquents. Pour commander une Volvo C40 ou XC40 assemblée à Gand, il faut compter sept à neuf mois en full électrique, 13 mois pour la V90 plug-in hybride. Livrer une VW Golf prend jusqu’à 14 mois, 12 mois pour une Skoda Octavia. Pour Hyundai, cela va de 6 à 12 mois. Il y a moins de retard chez Toyota, où les modèles les plus achetés (Corolla, Yaris, Rav4) sont livrés dans les cinq à sept mois. Et chez Renault, la Clio et les Dacia sont livrées après six mois.
Ces délais restent ennuyeux tant pour le client que pour le concessionnaire, qui n’est payé qu’à la livraison. “Mais les acheteurs tiennent à présent compte de ces délais allongés, ils ne sont plus surpris comme il y a un an”, constate Laurent Louyet, important concessionnaire BMW et Mini, qui vient de racheter les concessions Ginion. “Maintenant, ils anticipent davantage.” D’autant que s’il subsiste encore des modèles de stock, ces réserves se tarissent. Avant de faire son choix, le mieux est donc de prendre contact avec les concessionnaires afin de connaître les délais selon les modèles.
Cumul de pénuries
Les raisons de la pénurie des véhicules automobiles s’additionnent. Il y avait d’abord l’embouteillage des commandes à honorer après la première partie de la pandémie. Ensuite, la crise des semi-conducteurs qui se poursuit. Tournant à pleine capacité, cette industrie n’arrive pas à suivre la demande. Mais les constructeurs sont coincés: il faut des mois pour changer de fournisseur. Et la crise ukrainienne ajoute une couche, car le pays compte des sous-traitants, notamment dans la confection des tresses de câbles. Enfin, le retour du covid en Chine a aussi un impact.
Le bout du tunnel? Pour les semi-conducteurs, peut-être l’an prochain. Pour l’Ukraine, “la production approche le niveau d’avant la guerre, selon les alertes des raids aériens”, indiquait dans un communiqué publié le 11 mai le groupe Leoni qui y fabrique des harnais de câbles, pour le groupe VW notamment. Les sites de Leoni, situés à l’ouest du pays, sont moins touchés par le conflit. Le groupe annonce qu’il pourra produire dans d’autres pays.
Il semble toutefois bien difficile de promettre la fin des ennuis pour tous les constructeurs car le conflit en Ukraine a d’autres impacts. Volvo indique par exemple que ses retards sont aussi dus à la difficulté de l’approvisionnement de matières premières, comme le palladium provenant de Russie.
Les particuliers achètent moins
L’autre pénurie qui frappe le secteur ne porte pas sur les véhicules mais les clients. Si les entreprises continuent à commander des voitures, la demande émanant des particuliers est en net retrait. “Nous avons observé plus de 30% de baisse des immatriculations des particuliers sur les trois premiers mois de l’année”, note Baas Viveen, manager Peugeot pour le marché belge. Ce chiffre est à peu près en ligne avec les données du marché. La Febiac indique que les immatriculations sont en recul de 27,8% pour les particuliers pour les quatre premiers mois de l’année (vs 2021), et de 3% pour les sociétés. “Cela s’explique sans doute parce que les sociétés suivent les durées de contrats de leasing, en général quatre ans, et remplacent les véhicules d’office alors que les particuliers n’ont généralement pas cette échéance”, dit Laurent Louyet. Si la hausse des prix pèse sur leur budget, ils peuvent reporter leur achat.
Paradoxe apparent: malgré une chute des livraisons, les affaires de certains constructeurs ne sont pas si mauvaises. Le groupe VW a annoncé 21% de livraisons en moins pour les trois premiers mois de l’année mais un revenu identique à celui du 1er trimestre 2021 (à savoir 62,7 milliards d’euros) et… un quasi doublement du bénéfice net. De la même manière, Renault a vu ses ventes reculer de 27% en volume et seulement de 2,7% en valeur. Explication: les modèles proposés en priorité aux clients sont souvent mieux équipés et plus chers, donc les tarifs augmentent
Le marché de l’occasion moins tendu
La pénurie est moins marquée dans le marché de l’occasion. Certes, la demande y a augmenté, mais l’offre s’améliore. “Nos prix moyens ont augmenté”, atteste Jean-Claude Gathon, fondateur de Soco, un grand acteur sur le marché wallon de l’automobile. “Nous avons perdu une clientèle mais nous en gagnons une autre, dit-il. Ceux qui cherchaient des voitures à prix modéré, sous les 18.000 euros, ont plus de mal à en trouver, mais nous avons vu arriver des acheteurs qui auraient pris du neuf et se tournent vers l’occasion très récente à cause de la pénurie.” Ce qui fait augmenter le prix moyen des transactions, de 12 à 15%.
Nourrir l’offre est en outre devenu un peu moins compliqué qu’il y a quelques mois. La seconde main est alimentée notamment par les reprises dans le cadre du marché du neuf, qui étaient retardées par la pénurie. “Maintenant que les voitures commandées disons il y a un an et qui ont été livrées très tard commencent à arriver, les reprises redémarrent, assure Jean-Claude Gathon. Et il y a moins de concurrence d’acheteurs d’autres pays car le coût du transport a augmenté. Le marché devient plus local.”
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