Défense: un secteur de plus en plus stratégique
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Après avoir longtemps dédaigné ce secteur pour des raisons éthiques, la Flandre s’y lance à fond et pourrait rapidement dépasser la Wallonie.
La Wallonie, marchande d’armes ? Le cliché est tenace et s’explique par l’histoire. Liège a toujours été un haut lieu de l’armurerie et parfois, le hasard s’en est mêlé. Par exemple, lorsqu’en 1897, Hart O. Berg, directeur commercial de la Fabrique Nationale, envoyé aux États-Unis pour y étudier les nouveautés en matière de… bicyclette, lie connaissance, dans une salle d’attente, avec John Moses Browning. Fils d’armurier, ce dernier vient de déposer un brevet pour un pistolet automatique de calibre 7,65. Les deux hommes sympathisent et Berg revient au pays avec en poche une licence de fabrication. La FN est lancée.
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Au fil des ans toutefois, les malheurs s’accumulent et en 1997, le gouvernement wallon, affolé par l’ampleur des licenciements que projette son futur propriétaire, le groupe américain Colt, nationalise l’entreprise.
À cette absence de passé historique, la Flandre a longtemps ajouté un pacifisme assez intransigeant, avec pour résultat, une activité défense disséminée entre diverses entreprises pour lesquelles le militaire ne constitue qu’une activité minoritaire, voire annexe. Alors que, par ses armes légères (FN Browning), ses obus (KNDS, anciennement Mecar) ou encore ses roquettes (Thalès), la Wallonie est surtout active dans le “visible”.
Fin du siècle dernier, en effet, le gouvernement Van den Brande a décidé qu’en Flandre, seule l’innovation civile pourrait être soutenue par des fonds publics. Une circulaire interdit à ce qui était alors l’Institut pour l’encouragement de l’Innovation en Flandre par la Science et la Technologie (IWT) d’encore soutenir ou financer des projets susceptibles d’applications militaires immédiates.
L’avenir de la guerre sera, qu’on le veuille ou non, technologique.
Technologies duales
Avec le temps toutefois, la distinction entre civil et militaire s’estompe. En effet, de plus en plus de technologies sont devenues duales, c’est-à-dire susceptibles d’applications tant civiles que militaires, ouvrant ainsi des marchés de niche, un domaine dans lequel les PME de Flandre excellent. Sous la pression d’Agoria, Philippe Muyters, alors ministre de l’Innovation, assouplit la circulaire Van den Brande en 2018. Un comité éthique entre dans la danse et détermine quelles technologies duales pourront, après screening, être subsidiées.
Le contexte géopolitique ayant, depuis l’invasion de l’Ukraine, fortement changé, cette ultime contrainte sautera d’autant plus facilement que le récent accord gouvernemental flamand s’y est non seulement engagé, mais a même fait de la défense, pour la première fois, un secteur stratégique. Un secteur “invisible”, mais diantrement actif, s’apprête ainsi à faire surface. De l’électronique à l’optronique, de la maîtrise de l’infiniment petit à l’intelligence artificielle, l’avenir de la guerre sera, qu’on le veuille ou non, technologique. Des technologies développées pour la défense trouveront ainsi de nouvelles applications civiles, comme c’est déjà le cas chez BMT Aerospace dont les pièces équipent la plupart des avions dans le monde.
Guillaume Capron
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