600 entrepreneurs belges rejettent l’impôt sur le patrimoine: “Le patrimoine est l’oxygène de la croissance”
Si le prochain gouvernement fédéral introduit un impôt sur le patrimoine pour combler le déficit budgétaire, cette décision se fera au détriment des entreprises locales, de l’emploi et de la prospérité. C’est ce qu’affirme une lettre ouverte, signée par plus de 600 entrepreneurs.
Cette lettre ouverte émane de FBN (the Family Business Network), l’organisation des entreprises familiales belges. L’association, qui représente 110 grandes entreprises familiales en Belgique, s’inquiète des conséquences qu’un impôt sur le patrimoine pourrait avoir sur les entreprises. « Le patrimoine est l’oxygène de la croissance. Ceux qui veulent taxer davantage le patrimoine détruisent les entreprises. Ils détruisent l’investissement, l’emploi et la prospérité » souligne leur lettre ouverte.
Plusieurs partis ont mis à l’ordre du jour un tel impôt – également connu sous le nom d’impôt sur la fortune ou des millionnaires – en tant que nouvel impôt destiné à assainir le budget de la Belgique. Plus précisément, les partis Groen et PTB sont favorables à un tel système. Groen préconise une taxe sur les patrimoines supérieurs à 2,5 millions d’euros, tandis que le PTB souhaite percevoir une taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 5 millions d’euros. Les personnes disposant d’un patrimoine supérieur à 10 millions d’euros seront taxées à hauteur de 3 %, selon la proposition du parti.
“La richesse des entrepreneurs n’est généralement pas une montagne de cash, comme on le présente souvent. L’argent se trouve dans les machines et les investissements des entreprises, qui contribuent à la prospérité de la Belgique”, a souligné Philippe Haspeslagh, professeur de stratégie à la Vlerick Business School et président du FBN.
Dans cette lettre ouverte, vous affirmez que les entreprises familiales seraient les plus touchées par l’impôt sur le patrimoine. Pourquoi ?
PHILIPPE HASPESLAGH. “Un projet similaire a déjà été introduit dans neuf autres pays européens et a été abandonné dans six autres. Cela nous donne une idée plus précise des conséquences qu’une telle mesure peut avoir. La fuite des capitaux est un problème grave. Nombreuses sont les grandes entreprises et les multinationales qui cherchent d’autres endroits pour échapper aux différentes formes d’impôts sur la fortune ou le patrimoine. Ceux qui restent, et qui sont les plus touchés, sont les entrepreneurs et les sociétés les plus enracinés en Belgique : les entreprises familiales et les PME.
“Pourquoi est-ce si problématique qu’ils paient la facture ? Parce qu’il s’agit d’entrepreneurs qui ont parfois contribué à la prospérité de la Belgique depuis des générations. Ils créent des emplois et concentrent leurs investissements sur le marché belge, notre marché. Ces entreprises paient déjà des impôts ici, les troisièmes plus élevés d’Europe. En outre, les entreprises familiales représentent 80 % des entreprises employant des salariés, 45 % de la main-d’œuvre et plus d’un tiers du PIB de la Belgique.
Mais il y a aussi ce que l’on appelle parfois le “vieil argent”. Une nouvelle génération décide à un moment donné de vendre l’entreprise familiale et cette richesse reste dans la famille.
HASPESLAGH. “Observez les entrepreneurs qui vendent leur entreprise et observez bien les investissements qu’ils effectuent après la vente. On distingue un premier groupe d’entrepreneurs, constitué d’entrepreneurs en série, qui soutiennent d’autres start-up et contribuent à un écosystème. Il s’agit souvent d’entrepreneurs technologiques. Le deuxième groupe d’entrepreneurs, qui vendent leur entreprise familiale, fondent ensuite un family office. Nous connaissons tous Alychlo de Marc Coucke ou les family offices des familles Thermote et Vanhalst. Ceux-ci aident d’autres entreprises à se développer”.
Le FBN soutient-il une autre proposition de taxation, à savoir une taxe sur le revenu de la richesse, également connue sous le nom de taxe sur les plus-values ?
HASPESLAGH. “Je n’ai pas de mandat pour me prononcer sur une taxe sur les plus-values ou sur d’autres propositions des partis politiques. Je pense qu’il appartient à chaque entrepreneur de prendre position à ce sujet. En tout état de cause, l’augmentation des impôts n’est pas la solution à notre problème budgétaire.
“Notre lettre ouverte se concentre sur les conséquences négatives d’une taxe sur le patrimoine, car bien que seuls quelques partis flamands aient avancé cette proposition, elle est également bien présente à l’esprit du PS et d’Ecolo en Wallonie, entre autres. En Belgique, on ne sait jamais quelles seront les conséquences d’une telle proposition lors de la formation d’une coalition. Il faut toujours faire des compromis et une telle idée peut donc être imposée, avec des conséquences désastreuses”.
Il faut trouver une solution au déficit budgétaire croissant, qui s’élève actuellement à 27,4 milliards d’euros. L’Europe exige de la Belgique qu’elle réduise fortement son déficit. Le Bureau du Plan a calculé que la taxe sur le patrimoine du PVDA/PTB pourrait rapporter 4,7 milliards d’euros.
HASPESLAGH. “Plus important encore, le Bureau du Plan indique également qu’il existe de potentielles conséquences négatives associées à cette mesure, qu’il n’a pas calculées. Pensez à la fuite des capitaux, à la diminution des investissements et à la perte d’emplois. Pour avoir une idée de cela, nous pouvons nous inspirer d’exemples étrangers. En France, l’impôt sur la fortune a rapporté 6 milliards d’euros, mais les effets négatifs se sont élevés à 20 milliards d‘euros. L’impôt a donc été supprimé.
“Les chiffres ne sont qu’un des arguments en défaveur de cette taxe, mais il y a aussi des problèmes pratiques. Comment le gouvernement va-t-il cartographier le patrimoine de chaque contribuable ? Au moyen d’un registre du patrimoine ? Il existe également des risques d’actions juridiques. La mesure a été contestée dans de nombreux pays parce qu’il s’agit en fait d’une double imposition. Après tout, le patrimoine provient en partie de revenus qui ont déjà été imposés”.
L’État belge n’investit-il pas également dans des entreprises belges d’ancrage qu’il considère comme stratégiques par l’intermédiaire de la Société fédérale de participations et d’investissements (SFPI) ? Récemment, par exemple, il a pris une participation de 5 % dans Umicore.
HASPESLAGH. “En effet, mais cela nous amène à une objection stratégique à l’impôt sur le patrimoine. Il serait en effet insensé que l’État investisse d’abord dans l’ancrage de certaines entreprises stratégiques pour ensuite les pousser à se délocaliser. Qu’est-ce qui est le plus efficace : prendre une participation minoritaire dans quelques entreprises et investir ainsi des milliards, ou simplement garantir un bon environnement pour les entreprises avec des impôts qui ne sont pas plus élevés qu’à l’étranger ?
Que propose donc le FBN pour résoudre le problème fiscal ?
HASPESLAGH. “Les organisations d’employeurs prennent officiellement position sur un large éventail de questions, mais le problème est qu’un large groupe d’entrepreneurs – les entreprises familiales – s’exprime rarement de manière explicite sur des questions politiques.
Cette discussion détourne l’attention du fait qu’il faut faire des économies et travailler à l’augmentation du taux d’efficacité. Si nous atteignons un taux d’emploi de 80 % dans notre pays, cela rapportera déjà 12 milliards d’euros. Nous tendons la main aux hommes politiques pour qu’ils nous aident à trouver des solutions après les élections”.
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