L’essor des chatbots tels que Copilot et ChatGPT, ainsi que la nouvelle intégration de l’IA dans le moteur de recherche de Google, a de grandes conséquences pour des millions de boutiques en ligne dans le monde entier. “Les agents IA provoqueront le véritable grand changement dans notre secteur”, déclare Greet Dekocker de Becom, la fédération belge du commerce électronique.
Les Belges ont dépensé l’année dernière 17,4 milliards d’euros en achats en ligne, soit un milliard de plus que l’année précédente. C’est un record, révèle le rapport annuel de Becom. “Nous représentons un large éventail : des débutants avec une petite boutique en ligne jusqu’aux vendeurs de garage et aux grandes plateformes de vente”, déclare Greet Dekocker, directrice générale de la fédération belge du commerce électronique.
Les 64.000 boutiques en ligne que compte notre pays sont habituées à naviguer dans des eaux agitées, selon Greet Dekocker. Elles font face à une concurrence de plus en plus féroce en provenance de Chine, tandis que l’environnement du marché en ligne est fortement soumis à des changements qui déterminent si les consommateurs trouvent ou non leur chemin vers leurs produits ou services. Mais aucun changement ne bouleversera autant le secteur du commerce électronique que l’arrivée de l’intelligence artificielle, affirme la directrice générale.
“Au départ, le consommateur recherchait principalement des produits via des moteurs de recherche. C’est ainsi qu’il entrait en contact avec les commerçants en ligne. Cela a changé ces dernières années. Les grandes places de marché sont devenues plus importantes, et les produits vendus sur Amazon ou sur Bol apparaissaient plus haut dans les résultats de recherche. Aujourd’hui, une troisième phase s’annonce pour les commerçants en ligne : le passage aux outils IA.”
TRENDS-TENDANCES. Qu’est-ce qui rend ce changement si radical pour les commerçants en ligne ?
GREET DEKOCKER. Le consommateur pose des questions à un chatbot, qui fournit des réponses avec toutes sortes de suggestions et de références. Il est important que les commerçants soient représentés dans ces réponses. L’accent mis sur le SEO (Search Engine Optimization), l’optimisation pour les moteurs de recherche, se déplace vers le GEO (Generative Engine Optimization), l’optimisation pour les moteurs génératifs. Pour les chatbots, l’autorité et la crédibilité sont encore plus importantes que pour un moteur de recherche. Les commerçants ont donc besoin d’une stratégie totalement différente pour être remarqués par un chatbot et renforcer leur autorité.
Et si moins de gens trouvent leur chemin vers ces sites web à cause de la baisse du volume de recherches sur Google, ou parce que Google fournit lui-même les réponses en haut des résultats de recherche ?
Les chatbots constituent une menace pour la position dominante de Google, et je pense que c’est justement positif, tant pour les consommateurs que pour les commerçants en ligne. Plus de concurrence est toujours bénéfique. Il faut un effort considérable pour les entreprises afin d’obtenir un bon classement dans les résultats de recherche de Google. C’est un secteur difficile. Le changement est donc surtout porteur d’opportunités pour nos membres.
Le principal conseil que nous donnons à nos membres est d’examiner attentivement quelles plateformes fonctionnent le mieux pour atteindre leur groupe cible souhaité. En ce sens, cela s’apparente aux réseaux sociaux. Ces dernières années, le nombre de plateformes sociales a lui aussi énormément augmenté.
Est-ce que les petites entreprises auront particulièrement du mal à s’adapter ?
Les commerçants en ligne sont habitués aux changements, mais comme toujours, une entreprise vivra mieux la transition qu’une autre. Il n’est pas encore certain que les petites entreprises en soient les victimes. Il est plus facile de tourner un hors-bord qu’un pétrolier. Si, par exemple, la plateforme de commerce électronique Shopify effectue prochainement des intégrations avec les chatbots connus et soutient ses commerçants en ligne dans le GEO, cela peut faire une différence significative pour les petites boutiques.
D’un autre côté, un grand acteur, comme Booking.com, peut connaître beaucoup de difficultés. Si les chatbots connus ou d’autres outils plus spécialisés organisent des voyages sur mesure, cette plateforme peut se retrouver en difficulté. Booking.com devra alors développer lui-même un outil qui fait mieux que les chatbots ou que la nouvelle concurrence.
“Il n’est pas certain que les petites entreprises soient les perdantes. Il est plus facile de tourner un hors-bord qu’un pétrolier.” – Greet Dekocker (Becom)
Les commerçants en ligne sont-ils aussi préparés à l’arrivée des agents IA, des logiciels qui, sur ordre de l’utilisateur, exécutent automatiquement toutes sortes de tâches ? Et si ces agents devenaient les acheteurs de demain ?
Je crois que les agents IA provoqueront le véritable grand changement dans notre secteur. J’ai toujours comparé le commerce électronique au fait de feuilleter un grand catalogue papier. Feuilleter, c’est essentiellement filtrer les produits d’une boutique en ligne. Les agents IA supprimeront en grande partie ce filtre, car ils agissent au nom de l’utilisateur. Nous sommes habitués à ce que les sites soient construits pour les clients, pour les humains. Bientôt, ils seront utilisés pour la première fois par des systèmes d’IA. Cela change complètement le terrain de jeu pour les commerçants.
Pourquoi cela ?
Les agents travaillent au service des humains, mais n’agissent pas de manière humaine. J’ai récemment vu une démonstration dans laquelle un agent IA effectuait une réservation d’hôtel pour un utilisateur. D’abord, il communiquait en langage naturel, jusqu’à ce qu’il comprenne que l’autre partie était également un agent IA. Ensuite, il est passé au langage binaire, car c’est plus efficace. C’est dans cette direction que nous allons. Certains de nos membres, les grands acteurs, étudient déjà les conséquences des agents IA.
Comment les agents IA vont-ils concrètement transformer le commerce électronique ?
L’agent IA prend en charge une grande partie du processus d’achat, mais tout commence encore toujours par l’utilisateur, le consommateur. C’est pourquoi je m’attends à ce que le produit en soi devienne encore plus important, et non pas, pour ainsi dire, l’autoroute par laquelle le consommateur arrive via l’agent à un produit.
Il s’agira donc encore plus de l’histoire derrière un produit, de l’endroit où il est fabriqué, des circonstances précises, de la qualité et de la durabilité. Ce sera le facteur principal par lequel les entreprises se distingueront, et c’est une évolution tout à fait positive.
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