Comment le Club Med verdit son image
Le fournisseur de vacances “tout compris” vient d’inaugurer son tout premier village “éco-chic” en République dominicaine. Un argument marketing pour séduire une clientèle de plus en plus sensible au développement durable ? Le PDG Henri Giscard d’Estaing s’en défend et parle plutôt de continuité dans la stratégie historiquement verte du Club Med.
Huit bouteilles en plastique recyclées. Voilà la matière première qui a été utilisée pour fabriquer chaque polo des G.O. – les gentils organisateurs – du tout nouveau Club Med de Miches, en République dominicaine. Beaucoup plus qu’un simple gadget, ce vêtement 100% écolo est une véritable prouesse technique qui se veut avant tout le symbole de la philosophie désormais affichée par le fournisseur de vacances ” tout compris “. Une philosophie ancrée dans le recyclage et le développement durable où le luxe et la volupté n’en restent pas moins essentiels.
Estampillé ” Exclusive Collection ” (un label qui regroupe les établissements les plus haut de gamme du Club Med), le village flambant neuf de Miches se présente en effet comme ” le premier resort éco-chic ” ( sic) de l’entreprise touristique. ” Ce n’est pas un repositionnement stratégique, clame d’emblée Henri Giscard d’Estaing, PDG du Club Med, mais l’affirmation de ce que nous sommes. Le respect de l’environnement et des communautés locales a toujours fait partie de notre ADN. A l’origine du Club, dans les années 1950, l’objectif était déjà d’atteindre le bonheur par le sport et la nature en la respectant. Depuis, nous nous sommes toujours appuyés sur des valeurs et des pratiques qui relèvent de ce qu’on appelle aujourd’hui le développement durable. La différence, c’est qu’avant, nous n’en parlions pas. Alors, nous avons décidé de verbaliser davantage nos actions et d’aller même encore plus loin dans nos choix environnementaux. ”
Darla dirla durable
Fondu dans le paysage luxuriant d’une palmeraie tropicale, le Club Med de Miches a été conçu de manière à réduire autant que possible son empreinte écologique dans ce cadre idyllique et à utiliser au maximum les énergies renouvelables. Plus de 4.000 m2 de panneaux solaires ont ainsi été discrètement déployés sur le site touristique qui sera en outre bientôt labellisé BREEAM, une certification internationale et indépendante d’éco-construction parmi les plus reconnues au monde. Depuis quelques années, le Club Med s’est en effet engagé à atteindre les plus hauts standards en matière de durabilité et donc à ” éco-certifier ” le développement de tous ses nouveaux villages – soit trois à cinq resorts par an – ainsi que les rénovations importantes de la plupart de ses anciens villages (le groupe en compte 67 au total).
Le respect de l’environnement et des communautés locales a toujours fait partie de notre ADN.” Henri Giscard d’Estaing, PDG du Club Med
Pour l’opérationnel, la marque au trident s’est aussi imposée l’obtention d’une autre certification internationale – le label Green Globe – qui récompense les professionnels du tourisme pour leurs efforts durables dans la gestion quotidienne de leurs activités sociales et environnementales. ” Aujourd’hui, 85% de nos villages sont certifiés Green Globe, se réjouit Robin Bouffart-Gout, coordinateur RSE (responsabilité sociétale des entreprises) pour la zone Amériques du Club Med. Notre objectif est d’atteindre les 95% à l’horizon 2021 car nous ne pourrons jamais obtenir une certification à 100% de nos resorts puisqu’il faut forcément un délai entre l’inauguration d’un nouveau village et l’obtention de ce label international. Ces thématiques sont très importantes pour nous et nous pensons sincèrement qu’elles auront de plus en plus d’impact auprès de notre clientèle. ”
Objectif zéro plastique
Attentif à sa consommation d’énergie et à la maîtrise de sa production de déchets, ” le premier resort éco-chic ” de Miches a également souscrit à une politique ” bye bye plastic ” qui vise à bannir tous les plastiques à usage unique – couverts, pailles, bouteilles, etc. – dans ce nouveau village des Caraïbes. Cette décision spectaculaire, annoncée le 30 janvier par le PDG Henri Giscard d’Estaing lors de l’inauguration du nouveau Club Med, a d’ailleurs été chaleureusement applaudie par l’assistance, dont le président de la République dominicaine Danilo Medina, présent à l’événement avec quelques ministres.
Les autorités gouvernementales du pays et plusieurs acteurs économiques locaux sont en effet partie prenante de ce vaste projet touristique qui vise à développer, à terme, cette région encore sous-exploitée de l’est de la République dominicaine. Ambitieuse, la construction du Club Med de Miches a nécessité deux ans de travaux et un financement de quelque 90 millions d’euros débloqués par des fonds d’investissement dominicains. Cette somme a permis d’installer le village dans cette zone jusqu’ici préservée, à 100 km de la région touristique de Punta Cana où le groupe possède déjà un resort ” 4 tridents “. Pour le gouvernement, l’enjeu est forcément économique puisqu’il espère attirer d’autres grands noms de l’industrie hôtelière grâce à ” l’aimant ” Club Med dans cette région relativement vierge. Non loin du nouveau village de Miches, un autre projet cornaqué cette fois par le groupe canadien Four Seasons est d’ailleurs en train d’éclore dans le même esprit ” éco-chic “. Là aussi, les autorités locales – qui ont construit de nouvelles routes vers Miches – espèrent de nombreuses retombées en termes d’emplois pour les Dominicains.
” Dans le développement durable, il ne faut pas se limiter aux arbres mais parler aussi des hommes et des femmes, enchaîne Henri Giscard d’Estaing. Pour ce nouveau village, nous avons ainsi formé 900 personnes issues de la région de Miches selon nos critères professionnels et retenu ensuite les 400 meilleurs pour travailler avec nous. Les 500 autres font partie d’une réserve de recrutement et elles trouveront de toute façon du travail prochainement, même chez des concurrents, puisqu’elles ont bénéficié d’une formation rigoureuse. A côté de cela, nous nous sommes aussi engagés à travailler avec des producteurs locaux, non seulement pour proposer des produits authentiques à nos clients mais aussi pour soutenir l’économie de la région. Cela fait partie de nos priorités en matière de durabilité. ”
Tendance locavore
Circuits courts, produits frais, main-d’oeuvre locale… Le Club Med se fond aujourd’hui dans cette tendance générale du développement durable qui gagne de plus en plus l’industrie touristique. A Miches, le café et le chocolat viennent d’ailleurs exclusivement de la région, comme le confirme Diana Munné, productrice de l’entreprise locale Xocolat, qui a décroché un précieux contrat avec la marque au trident. La grande majorité des fruits et des légumes, du poisson et de la viande sont aussi fournis par des producteurs dominicains avant d’être réinterprétés en cuisine par les équipes d’un chef belge de 49 ans. Après avoir fait ses armes à La Maison du Cygne et chez Romeyer à Bruxelles, Thierry Vanrillaer a en effet rejoint le Club Med il y a une quinzaine d’années, où il multiplie désormais les inaugurations de villages. A Miches, il réalise à présent l’exploit de satisfaire 2.400 couverts par jour (personnel inclus), répartis dans quatre restaurants aux ambiances distinctes. ” C’est vrai que je constate un gros changement depuis quelques années, témoigne-t-il. En cuisine, nos choix sont de plus en plus guidés par la problématique du développement durable même si, évidemment, on ne peut tout faire sur la base du local. Pour les vins, par exemple, c’est impossible et on doit forcément les faire venir de loin. Mais la part du local ne cesse d’augmenter au Club et ici, à Miches, nous nous approvisionnons déjà avec 60% de produits de la région, ce qui est énorme. ”
Qui dit buffet gargantuesque, dit aussi déchets et donc, gaspillage alimentaire. Mais à ce niveau-là également, le Club Med tente aujourd’hui de réduire au maximum son empreinte écologique avec l’aide des nouvelles technologies. Depuis deux ans, le fournisseur de vacances travaille en effet avec l’entreprise britannique Winnow qui utilise l’intelligence artificielle et des poubelles connectées pour faire la chasse au gaspillage alimentaire. ” Concrètement, ce système nous permet d’avoir une meilleure analyse des déchets au quotidien et donc, de nous adapter par rapport à l’utilisation de certains aliments trop souvent jetés, détaille Robin Bouffart-Gout, coordinateur RSE pour la zone Amériques du Club Med. C’est une solution technologique qui permet une meilleure gestion sur le plan financier et environnemental que nous avons déjà déployée dans des villages en Asie comme Bintan ou Phuket et que nous espérons introduire en République dominicaine avant la fin de cette année. L’objectif étant bien sûr de l’étendre à terme dans tous nos villages. ”
Le paradoxe de l’avion
Propriété du groupe chinois Fosun depuis 2015, le Club Med poursuit plus que jamais sa stratégie de montée en gamme en la plaçant désormais sous l’angle du développement durable. Séduisant, le concept de ” resort éco-chic ” devrait donc s’étendre à tous les villages dans un avenir relativement proche pour séduire une clientèle internationale de plus en plus attentive à cette thématique. Il reste cependant à dompter l’incontournable paradoxe du déplacement lointain : comment convaincre, par exemple, des vacanciers belges de prendre l’avion pour profiter d’un ” séjour durable ” en République dominicaine ? ” Pour ceux qui refusent de prendre l’avion, nous avons aussi une vingtaine de villages en France, sourit Eric Georges, directeur général du Club Med Benelux. Plus sérieusement, je ne trouve pas que c’est un paradoxe de prendre l’avion pour passer des vacances qui, au final, ont un impact positif sur l’économie locale d’un pays et sur ses travailleurs. C’est une dimension humaine qu’il ne faut pas négliger. ”
Interpellé sur la même question, Robin Bouffart-Gout, coordinateur RSE pour la zone Amériques, trouve la parade : ” On pourrait aussi imaginer, à l’avenir, que le client ou le Club Med compense l’empreinte carbone d’un voyage en avion en soutenant financièrement certains projets environnementaux, conclut-il. C’est une piste intéressante à laquelle on devrait réfléchir, mais sur laquelle nous ne sommes pas encore positionnés. ”
Selon la fondation Myclimate active dans le développement durable, l’empreinte carbone d’un vol aller-retour Bruxelles-Punta Cana se chiffrerait aujourd’hui à 60 euros par passager en classe économique. Une somme franchement accessible pour tout G.M. – gentil membre – du Club Med qui voudrait goûter aux charmes du ” premier resort éco-chic ” de Miches sans devoir subir la culpabilisation d’un honteux voyage en avion…
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