Comment Ikea réinvente sa logistique
Drones, casiers automatisés disponibles 24 heures sur 24… Ikea Belgique est à la pointe de l’innovation et perfectionne sa logistique afin d’améliorer l’environnement de travail et répondre à l’évolution des comportements d’achat.
Dehors, la nuit vient de tomber. Les derniers ouvriers quittent l’entrepôt. Si toutes les lumières sont éteintes, l’activité n’a pas cessé pour autant. A l’intérieur du centre de distribution de Zaventem, des drones autonomes prennent leur envol pour procéder au contrôle des stocks du magasin. Ils évoluent dans le noir grâce à un système de positionnement et de géolocalisation. La même opération se déroule dans les points de vente de Gand, Zaventem, Anderlecht, Liège, Mons, Arlon et Wilrijk. “Selon le site, on compte entre quatre et six drones répartis dans l’entrepôt”, explique Fabrice Charlier, responsable projet logistique d’Ikea Belgique.
Cela fait quatre ans qu’Ikea Belgique a déployé ce procédé dans ses centres logistiques, grâce à un partenariat conclu avec l’entreprise suisse Verity. A l’origine exclusivement active dans l’entertainment, Verity utilisait cette technologie pour animer des concerts et autres spectacles. A la suite de la crise sanitaire, qui a mis à mal l’évènementiel, elle a décidé de se diversifier et de se concentrer davantage sur la logistique. Les premiers tests ont été effectués dans un entrepôt suisse. “Ils ont ensuite cherché un magasin pilote pour implémenter le système complet et Gand s’est porté volontaire”, se rappelle Fabrice Charlier. Depuis, la technologie est employée dans une cinquantaine de points de vente Ikea. Une opportunité pour Verity puisque le spécialiste de l’ameublement s’est engagé à déployer la technologie dans l’ensemble de ses commerces. Le géant suédois en compte actuellement 374, dans 30 pays.
Eviter les erreurs de stock
Ikea utilise ces petits appareils pour suivre de manière très précise ses stocks, évitant cette tâche longue et chronophage à ses employés, qui passaient plusieurs heures par jour à traverser les immenses locaux et à tout saisir manuellement. “Ils peuvent ainsi consacrer plus de temps à des tâches à valeur ajoutée, comme l’amélioration de la productivité, de l’expérience et du service client”, poursuit Fabrice Charlier. L’entreprise réduit au passage ses coûts opérationnels, évitant certains frais additionnels: perte de temps pour l’employé qui ne trouve éventuellement pas le bon produit au bon endroit, livraison supplémentaire afin de compléter une commande mal exécutée, risque d’annulation par le client de ladite commande, etc. “Ces coûts sont difficiles à quantifier, mais ils sont substantiels”, affirme le responsable logistique.
Les entrepôts contiennent des espaces de stockage pour environ 8.000 à 12.000 places de palettes. Ce sont 500 à 600 mouvements de palettes qui sont réalisés par les collaborateurs chaque jour. Lorsque la gestion des stocks était exclusivement humaine, le taux d’erreur tournait autour de 6%. Avec les drones, il passe sous 1%. Autre mission pour ces engins volants : scanner l’entièreté de l’entrepôt, un travail aujourd’hui exécuté deux fois par semaine. “En comparaison, réaliser un inventaire complet pouvait mettre jusqu’à trois mois à nos collaborateurs”, assure Fabrice Charlier.
En présence des collaborateurs
Le géant suédois va même encore plus loin. Depuis peu, il a développé des drones capables de voler en présence des collaborateurs. C’est le centre de Winterslag, dans le Limbourg, qui a été le premier à profiter de la technologie. “C’est le premier site Ikea au monde où les drones volent en présence des employés”, souligne le responsable logistique. Les engins sont donc actifs jour et nuit et peuvent être déployés 24 heures sur 24, sept jours sur sept, de manière à réagir en temps réel à d’éventuelles pénuries ou excédents. “Depuis le début de la collaboration, Verity nous avait garanti que c’était une possibilité”, explique le responsable logistique qui, à l’époque, avait choisi d’exploiter les drones uniquement en dehors des heures de travail, préférant d’abord évaluer le degré d’acceptabilité des employés à leur égard. “Nous avons ensuite créé des situations complexes dans les entrepôts afin de nous assurer que les drones étaient vraiment capables d’éviter les collaborateurs, mais aussi les machines, en toutes circonstances.”
Les appareils décollent de la station de charge pour déambuler dans l’entrepôt à une hauteur de minimum 2,50 mètres, de manière à ne pas gêner le travail du personnel. Tous sont équipés de capteurs de sécurité à 360 degrés, pour éviter les obstacles. “Les drones sont également capables de détecter un employé qui se trouverait sur un élévateur ; ils font alors demi-tour et réorganisent leur mission”, précise Fabrice Charlier, qui ajoute que les plans de vol sont gérés de manière autonome. La technologie repose sur un système GPS personnalisé et un algorithme basé sur l’intelligence artificielle. Lorsqu’ils volent, les drones capturent des images et des vidéos qui leur permettent de scanner les codes-barres et de localiser les erreurs de stock. Une fois l’inventaire terminé, ils retournent à la station et transmettent l’ensemble des données collectées. Celles-ci s’affichent instantanément sur un tableau de bord, ce qui évite les inspections manuelles et accélère les relevés de stocks. “Les collaborateurs sont alors avertis s’il manque un produit ou si l’un d’eux n’est pas à sa place”, détaille Fabrice Charlier.
Ces investissements dans la technologie des drones s’inscrivent dans une évolution plus large chez Ikea Belgique, où la numérisation et l’automatisation permettent d’améliorer l’expérience client et répondre à la demande accrue de ventes en ligne. “Depuis la crise sanitaire, l’omnicanalité est très importante pour les clients, qui continuent de se rendre dans les magasins mais commandent également de plus en plus souvent en ligne”, constate Colombine Nicolay, porte-parole d’Ikea Belgique.
Ce sont plus de 12,8 millions de visiteurs qui franchissent le seuil des magasins Ikea Belgique. Le site internet fait encore mieux, puisqu’il compte pas moins de 74 millions de visiteurs en ligne. Quant à l’application Ikea, elle dénombre 420.000 utilisateurs mensuels. En résulte une hausse conséquente des commandes en ligne. Sur un chiffre d’affaires de 1,208 milliard d’euros, 17% sont issus de la vente à distance. Ceci dit, une commande virtuelle ne signifie pas automatiquement une livraison. “Le client cherche de la flexibilité et un retrait en magasin lui permet de ne pas être bloqué chez lui à attendre sa commande”, précise la porte-parole.
Des casiers automatisés
Ikea a enregistré une augmentation de 97% des click and collect depuis l’an dernier. “Il était donc nécessaire de réfléchir à des solutions afin de pouvoir répondre à ce volume de commandes”, poursuit Colombine Nicolay. Le groupe dispose déjà d’un espace dédié au retrait des achats dans l’ensemble de ses magasins, mais il a également introduit un système de casiers automatisés, développé grâce à un partenariat avec l’entreprise Cleveron, qui permet aux clients de retirer leurs commandes même lorsque le bâtiment est fermé. Là encore, c’est le site de Gand qui accueille ce projet pilote. “Le magasin est relativement nouveau et c’est celui qui réalise le plus grand volume, car il dessert aussi la Flandre-Occidentale, expose notre interlocutrice. Il est donc très demandeur de nouvelles technologies afin d’optimiser ces processus.”
La même solution vient d’être implantée à Zaventem, dans une toute nouvelle extension créée à cet effet. “L’agrandissement permet d’augmenter nos capacités de vente en ligne sans empiéter sur l’espace magasin et les zones commerciales”, ajoute Colombine Nicolay. A Gand, les casiers sont installés sur le parking. L’entreprise dispose de 57 casiers sur chaque site maus davantage de personnes peuvent en bénéficier grâce à un système de roulement : le client peut choisir le créneau horaire au sein duquel il souhaite retirer sa commande, ce qui libèrera la place pour d’autres produits. “Le but étant d’atteindre jusqu’à trois créneaux par jour pour chaque emplacement”, précise la porte-parole.
Le service coûte 4,99 euros (le même prix que le click and collect) et les clients peuvent réserver un casier plusieurs jours à l’avance. Il suffit, pour en ouvrir la porte, de saisir un code PIN unique obtenu lors de la commande. Le plus grand casier a une profondeur de 3 mètres et une hauteur de 1,15 mètre, ce qui offre la possibilité d’y installer des colis volumineux, comme une armoire ou un canapé. “Grâce à cette technologie, les clients peuvent mieux adapter le retrait de leur commande à leur emploi du temps personnel : tôt le matin, pendant le trajet domicile-travail, rapidement pendant la pause-déjeuner ou le dimanche, lorsque le trafic est faible”, assure Colombine Nicolay. Pour le moment, en Belgique, seuls les magasins de Gand et de Zaventem sont pourvus de ce système de casiers automatisés. Mais à terme, l’ambition est non seulement d’en équiper tous les sites, mais aussi d’installer des casiers à l’extérieur, comme dans des centres-villes, de manière à se rapprocher encore davantage du client.
Augmenter la capacité de commandes
Autre nouveauté récemment déployée à Zaventem : le ‘‘collectomat’’, une technologie qui s’apparente à première vue à celle des casiers automatisés, mais c’est ce qui se passe derrière la grande porte qui est unique. “Imaginez un distributeur de bonbons géants”, sourit Colombine Nicolay. Le collectomat est un cylindre d’une hauteur de 8 mètres et d’un diamètre de 8,5 mètres dans lequel les collaborateurs glisse un chariot de commandes. Le système va alors déposer le chariot dans une des 68 places disponibles et délivrer automatiquement la commande une fois que le client aura saisi le code correspondant.
Le collaborateur décide, selon la taille des achats et la disponibilité, de déposer la commande dans un casier ou dans le cylindre. Le collectomat est actuellement accessible les jours d’ouverture, de 6 h à 22 h. “Le but est, à terme, d’arriver à une accessibilité 24 heures sur 24, sept jours sur sept”, précise la porte-parole. “L’avantage du collectomat est qu’il permet d’utiliser la hauteur du bâtiment plutôt que sa largeur, ce qui optimise le stockage”, poursuit Colombine Nicolay, qui estime qu’il faut 60% de surfaces en moins pour stocker le même nombre de commandes. Le magasin ne gagne cependant pas vraiment d’espace supplémentaire, puisque l’objectif est d’augmenter les capacités de commande. Zaventem est le troisième site à accueillir cette “tour géante”, après Amsterdam et Plaisir, près de Paris. Le choix des villes n’est pas un hasard puisque toutes trois doivent répondre aux besoins d’une population importante.
L’ensemble de ces projets illustre les nombreux investissements qu’Ikea Belgique réalise actuellement dans le cadre de sa stratégie omnicanale, en réponse à l’évolution des besoins des clients en matière d’achats. Avec ces technologies, l’entreprise se concentre sur l’amélioration de l’expérience client sur place et en ligne, sur la réduction des temps d’attente et sur l’augmentation de la capacité des services virtuels. Au total, Ikea Belgique investit 30 millions d’euros dans cette stratégie pour l’exercice en cours. z
Ikea en chiffres
1,208 milliards d’euros de chiffre d’affaires opérationnel lié aux produits et services en hausse de 16 % (1,037 milliards FY22)
17 % part des ventes issues de
la vente en ligne (web + app)
+97 % de Click & Collect par rapport à FY22
74 millions de visiteurs en ligne
12,8 millions de visiteurs en magasin
420.000 utilisateurs mensuels de l’application IKEA
6,5 % : part des ventes issues du Click & Collect
374 magasins IKEA (dont huit en Belgique) dans 30 pays
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