Chiara Ferragni, celle qui risque de perdre un empire pour une brioche
Elle est une star en Italie et à la tête d’un véritable empire. Mais embourbée dans une affaire de fraude, cette self-made-woman pourrait connaitre une chute aussi vertigineuse que son ascension.
Chiara Ferragni n’a que 36 ans, mais est aujourd’hui à la tête d’un empire. Celle qui n’est partie de rien il y a 15 ans avec son blog de mode intitulé “The Blonde Salad” est parvenue à faire fructifier sa marque au point d’être multimillionnaire. Un véritable exploit en Italie.
Elle lance ainsi sa propre collection de chaussures en 2015, avant de collaborer avec plusieurs marques de mode, dont Dior ou Chanel. Elle se mue aussi en entrepreneuse avec, outre son blog, des activités commerciales, dont une boutique en ligne. Elle a aujourd’hui 30 millions de followers sur Instagram, sa propre émission de téléréalité. Elle a également eu droit à un mariage hollywoodien avec le rappeur italien Fedez. Depuis ils forment l’un des couples les plus populaires des réseaux sociaux.
Sa success-story fera même l’objet d’un documentaire “Unposted” qui avait été l’un des moments forts de la 76e Mostra de Venise.
Mais cette ascension fulgurante semble s’enrayer depuis qu’une très peu glorieuse histoire de fraude à l’œuvre caritative a été révélée par le gendarme italien de la concurrence.
Pandoro Gate
Tout remonte à la fin 2022. La star italienne des influenceuses s’associe au fabricant italien de gâteaux Balocco pour commercialiser un pandoro spécial, une brioche de type Panotone typique à Noël. Le gâteau est rose et coûte près de trois fois le prix habituel, mais c’est pour la bonne cause. Une part importante des recettes serait reversée au profit d’enfants souffrant de cancer des os à l’hôpital Regina Margherita de Turin (nord-ouest). Problème, Balocco s’est limitée à faire une donation forfaitaire de 50.000 euros à l’hôpital. Ferragni n’aurait, malgré le million d’euros de bénéfices engrangés, rien versé du tout. En décembre, l’autorité de la concurrence a infligé une amende de plus d’1,4 million à Ferragni et de 420.000 euros à Balocco pour pratiques commerciales déloyales et pour avoir laissé croire aux consommateurs qu’acheter le “Pandoro rose de Noël” contribuerait à une action de charité.
Pour tenter d’endiguer la débâcle, l’influenceuse enregistre dans la foulée une vidéo dans laquelle elle s’excuse pour ce qu’elle décrit comme une “erreur de communication”.
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Elle va aussi faire un don d’un million d’euros à l’hôpital pour enfants de Turin. Mais le mal est fait. L’affaire écorne sérieusement l’image de marque de Ferragni. Elle a déjà perdu plusieurs gros contrats. Le quotidien La Repubblica a indiqué que Coca-Cola avait renoncé à un spot publicitaire avec elle qui devait être diffusé en janvier, tandis que le fabricant de lunettes Safilo a mis fin à un accord de licence en décembre. Elle aurait aussi perdu 200.000 followers depuis le scandale.
La chute risque pourtant de ne pas s’arrêter là puisque le ministère de la Justice vient d’ouvrir une enquête pour fraude aggravée pour d’autres affaires. Car il n’y a pas que Pandoro Gate. Il y aurait aussi la “mascotte Chiara Ferragni” (une poupée blonde qui lui ressemble) et une édition spéciale d’œufs de Pâques avec son logo (soit un gros œil bleu avec des cils épais).
Pour ces deux produits aussi une partie des bénéfices auraient également dû être reversés à des œuvres caritatives. Mais comme pour le Pandoro, les associations toucheront peu ou rien. Selon le journal Il Fatto quotidiano, la vente des œufs de Pâques aurait rapporté à Ferragni 500.000 euros en 2021 et 700.000 euros en 2022. De ces sommes rondelettes, seuls 36.000 euros aurait été reversé à l’œuvre de bienfaisance. Et pour la poupée, c’est encore pire. L’organisation américaine de lutte contre la cyberintimidation qui était censée être la bénéficiaire de l’action n’aurait même jamais entendu parler de Ferragni.
La fête est finie
Quelle que soit l’issue de l’enquête sur la fraude, Ferragni, comme d’autres influenceurs ayant plus d’un million de followers, devra de toute façon se conformer désormais à des règles plus strictes. Le gouvernement italien a adopté jeudi dernier un projet de loi encadrant strictement les ventes de produits au profit d’œuvres de charité et prévoyant des sanctions contre les entreprises et influenceurs qui ne les respecteraient pas.
Cette décision du gouvernement deux semaines après la décision de l’Autorité italienne en charge des communications (AGCOM) d’appliquer aux principaux influenceurs la même loi que pour les médias audiovisuels. En vertu du projet de loi, les entreprises et personnes “qui commercialisent et font la promotion de produits ont l’obligation d’inscrire sur chaque emballage des informations spécifiques, dont le montant total destiné à l’œuvre de charité, s’il est déjà déterminé, ou le pourcentage du prix de chaque produit, de manière à ce que le consommateur puisse savoir avec certitude ce qui va à l’activité de bienfaisance”, a expliqué le ministre des Entreprises Adolfo Urso.
Avant même d’entamer une vente de ce genre, les entreprises et personnes impliquées “doivent communiquer à l’Autorité garante de la concurrence et du marché leurs intentions ainsi que les délais dans lesquels ils effectueront le versement prévu au bénéficiaire”, a ajouté le ministre, précisant que les amendes prévues en cas de non-respect de ces règles vont de 5.000 à 50.000 euros.
“Cette histoire montre qu’il y a en fait une lacune dans la législation”, avait déclaré lundi soir la Première ministre Giorgia Meloni dans une interview télévisée. “Nous ferons une règle qui établit que pour les activités commerciales destinées à la bienfaisance, vous devez spécifier à qui l’argent va, pour quoi et combien”, avait-elle promis.
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