Charlotte Delfosse (CEO de Bel&Bo): “Donner confiance aux gens grâce à nos vêtements”

CHARLOTTE, MICHEL et PAULINE DELFOSSE: "Nous assurons l’implication en réunissant tout le monde dans un conseil de famille."

Fin avril, Michel Delfosse, fondateur et CEO de l’enseigne d’habillement Bel&Bo, quittera ses fonctions. Il cède le poste de CEO à sa fille Charlotte Delfosse. Dans sa première interview, celle-ci déclare viser l’évolution plutôt que la révolution. “On peut aussi grandir en travaillant en profondeur”, dit-elle.

Une transition en eaux calmes, c’est ainsi que l’on pourrait décrire le changement de génération chez Bel&Bo. Charlotte Delfosse (36 ans) aura sous son aile une entreprise familiale comptant 95 magasins physiques, une boutique en ligne et 600 collaborateurs. Fabrimode SA, l’entreprise derrière la chaîne de magasins, affiche un chif­fre d’affaires stable situé entre 71,5 et 78,5 millions d’euros depuis 2018. Seule 2020, année covid, a fait exception.

L’annonce du changement de pouvoir n’est donc pas truffée de termes révolu­tionnaires. “Je ne suis pas mon père et je veux mettre mes propres accents, mais nous vivons à une époque où la stabilité et la sécurité sont importantes, peut-on lire sobrement dans la communication annonçant la prise de fonction. Nos collaborateurs sont satisfaits que la succession soit assurée par la famille et que Bel&Bo reste une entreprise stable.”

TRENDS-TENDANCES. Pourquoi la famille a-t-elle choisi ce moment pour transmettre la gestion opérationnelle de Bel&Bo ?

CHARLOTTE DELFOSSE. Mon père a atteint l’âge de la retraite, mais il ne disparaît pas pour autant. Il reste prési­dent du conseil d’administration et conseiller, mais je pense qu’il est heureux de passer le flambeau. J’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale en 2012 au service des achats et je suis passée à la vente en 2018. Cela s’est fait après une année difficile, au cours de laquelle nous avons examiné l’organisation au siège, mais aussi discuté pour la première fois du poste de directeur général. Travailler dans l’entreprise familiale n’a toutefois jamais été une obligation.

Vous avez deux sœurs et un frère. Bel&Bo profite-t-elle de ce moment de transition pour assurer la transmission à la deuxième génération ?

C’est vrai, les droits de propriété sont également en pleine transition et un quart des parts revient à chacun des quatre enfants. Ma sœur Valérie et mon frère Guillaume ne sont pas actifs dans l’entreprise. Ma plus jeune sœur, Pauline, a rejoint Bel&Bo en 2020 et reprendra les tâches de mon père au service des achats. Nous veillons à l’implication en réunissant régulièrement tout le monde, y compris ma mère et les beaux-enfants, au sein d’un conseil de famille.

CHARLOTTE DELFOSSE: “En matière d’impact environnemental, nous voulons progresser pas à pas.”

Vous allez prendre le contrôle d’une entreprise qui a enregistré un chiffre d’affaires assez stable ces dernières années. Quelle est votre ambition pour les années à venir ?

Pour 2023, nous pourrons déjà faire état d’une certaine croissance et je suis convaincue qu’il faut continuer à croître, même si l’on peut y parvenir de différentes manières. Mon père m’a toujours appris que le changement est la seule constante. On ne peut investir en fonction de ces changements que si l’on est financièrement solide. Cela reste l’ambition de base et, à partir de là, on peut croître en largeur ou en profondeur. Notre ambition immédiate n’est pas de croître géographiquement, mais on peut aussi croître en profondeur en améliorant l’efficacité, par exemple.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Nous cherchons à mieux numériser nos processus internes, sachant que cela aura également un effet positif sur l’expérience client. Nous étudions actuellement la possibilité de réorganiser notre ERP (Enterprise Resource Planning). Je vois également des possibilités de croissance dans un positionnement plus précis de la marque. Notre groupe cible principal est constitué de mamans qui achètent pour toute la famille. Il sera important pour la marque Bel&Bo d’assurer l’afflux de jeunes mamans. La marque doit rester jeune.

Qu’aimeriez-vous changer exactement dans la marque Bel&Bo ?

Au cours des dernières années, nous avons défini ce que Bel&Bo représente. Bel&Bo est une entreprise qui a du cœur pour les gens. Il ne s’agit pas seulement de vendre des vêtements, mais de donner aux gens confiance en eux grâce à nos vêtements. Nous voulons que ce message soit diffusé plus fortement. Pas seulement dans les campa­gnes publicitaires classiques, mais aussi dans les médias sociaux, dans les magasins, lorsque vous êtes en contact avec le service clientèle ou lorsque vous entrez ici en tant que fournisseur. Il doit être clair à chaque fois que cette entreprise a à cœur d’aider les gens. Pour l’instant, cela ne se voit pas assez.

“Notre cœur de cible est constitué de mamans qui achètent pour toute la famille.”

Quelle est l’importance de l’e-commerce pour Bel&Bo ?

Sur notre chiffre d’affaires, 5 % proviennent de la vente en ligne pure et 5 % de la vente en ligne dans les magasins. Je pense qu’il est important de mentionner les deux séparément, car ils se renforcent mutuellement et sont des vases communicants. Les gens consultent la boutique en ligne et viennent ensuite essayer et acheter dans les magasins. Ou ils commandent au magasin, via la boutique en ligne, un vêtement qui n’était pas disponible. Nous considérons donc clairement la boutique en ligne comme un service pour nos clients. Les ventes en ligne évoluent bien en elles-mêmes, même si elles peuvent encore augmenter. Nous cherchons à développer le marketing numérique et envisageons également d’être présents sur les places de marché. Un projet test avec Bol est en cours.

L’année dernière, le Parlement européen a approuvé la stratégie pour des textiles durables et circulaires, un plan directeur exigeant des marques de vêtements qu’elles durabilisent fortement leurs activités d’ici à 2030. Quelle est la position de Bel&Bo ?

C’est un véritable défi, mais je pense qu’il est positif que l’Europe prenne les devants. Nous nous y préparons bien. La fragmentation et la mondialisation de notre chaîne d’approvisionnement ne facilitent pas les choses, mais pour nous, il est particulièrement important que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. C’est ce qui se passe maintenant et c’est positif pour tout le monde. En ce qui concerne le passeport numérique des produits, nous testerons un passeport numérique avec un code QR dans nos magasins à partir de l’hiver 2024. Grâce à ce code, nos clients pourront trouver des informations détaillées sur la composition du produit et sur l’endroit où il a été fabriqué.

Bel&Bo a rejoint la Fair Wear Foundation en 2015, en tant que premier membre en Belgique. Aujourd’hui, la FWF vous attribue un label “à améliorer”. Qu’est-ce qui doit être amélioré ?

La pandémie a déplacé l’attention sur le maintien des usines ouvertes, ce qui est une partie de l’explication. Nous avons pris les critiques à cœur et compris les points de douleur. Il ne s’agit plus de savoir où vos vêtements sont fabriqués ou d’exclure le travail des enfants. Il s’agit là d’exigences minimales que nous respectons certainement, mais les normes sont aujourd’hui beaucoup plus élevées. Il s’agit, par exemple, de trouver un équilibre entre la répartition des risques et la facilité de gestion de la chaîne. Avec de nombreux fournisseurs, vous répartissez les risques, mais il est plus difficile de contrôler toutes les conditions en détail.

“Mon père a été atypique dans sa génération en étant le premier à adhérer à la Fair Wear Foundation.”

Votre génération envisage-t-elle le développement durable différemment de votre père ?

Mon père a été atypique dans sa génération en étant le premier à adhérer à la Fair Wear Foundation, mais je pense que notre génération est beaucoup plus consciente que les précédentes. Il s’agit d’un secteur à forte intensité de main-­d’œuvre. L’aspect social de la durabilité reste très important pour nous, mais nous voulons aussi progresser pas à pas en matière d’impact environnemental. Il suffit de regarder le système de reprise que nous avons installé avec We Make Hope (anciennement Wereld Missie Hulp, Ndlr). Avec les boîtes de collecte, nous voulons contribuer à un tri plus cons­cient et orienter les vêtements usagés vers la revente ou la production circulaire.

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