Il a redressé la barre du Club Med, réinventé le modèle, conquis de nouveaux marchés. Mais cela n’aura pas suffi. Henri Giscard d’Estaing, artisan de la transition ‘‘premium’’, a été remercié par son actionnaire chinois Fosun. Il est aujourd’hui remplacé par Stéphane Maquaire, ancien directeur exécutif de Carrefour Brésil et Amérique Latine, au profil beaucoup plus discret.
Le paradoxe est très contemporain. Un patron transforme une entreprise, atteint ses objectifs, affiche des résultats record, mais se fait finalement évincer par l’actionnaire majoritaire. Henri Giscard d’Estaing, PDG emblématique du Club Med depuis 2002, a officiellement ‘‘quitté ses fonctions’’ le 18 juillet dernier pour être remplacé par Stéphane Maquaire, ancien directeur exécutif de Carrefour Brésil et Amérique Latine. Une sortie organisée ou plutôt imposée par l’actionnaire chinois Fosun malgré un bilan de ‘‘HGE’’ que peu contestent.
De la désuétude à la distinction
L’histoire commence pourtant bien. En 2002, Henri Giscard d’Estaing prend les rênes d’un Club Med vieillissant, lourdement déficitaire, coincé entre nostalgie des Trente Glorieuses et désamour des nouvelles générations. Le fils de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing engage alors une stratégie de fond : montée en gamme assumée, recentrage sur les familles à fort pouvoir d’achat, fermeture de villages peu rentables et développement international.
Deux décennies plus tard, le résultat est là : 67 villages majoritairement estampillés quatre et cinq tridents, une présence dans 40 pays et un positionnement haut de gamme clair, centré sur l’expérience client. En 2024, le chiffre d’affaires du Club Med dépasse les 2 milliards d’euros (en hausse de 5,5 %) avec 1,5 million de clients et une rentabilité solide (quasi 100 millions de résultat net avant impôts).
Je t’aime, moi non plus
Cette transformation n’aurait pas été possible sans le soutien – puis le contrôle – du groupe Fosun, conglomérat chinois devenu actionnaire majoritaire du Club Med en 2015. Pendant plusieurs années, l’alignement stratégique semble fonctionner : Henri Giscard d’Estaing conserve la main opérationnelle, Fosun finance l’expansion.
Mais au fil du temps, les tensions montent. D’un côté, un président charismatique, habitué à une certaine autonomie. De l’autre, un actionnaire devenu plus pressant, plus directif et soucieux d’optimiser ses actifs. Les décisions stratégiques se déplacent peu à peu de Paris vers Shanghai et la présence médiatique de ‘‘HGE’’ finit par agacer le patron de Fosun. Le Français est trop visible, trop indépendant, jusqu’au licenciement.
Nouveau style
Le choix de son successeur illustre un changement de cap stratégique. Stéphane Maquaire, 52 ans, n’a pas le rayonnement d’un patron historique, mais il a le CV d’un gestionnaire moderne. Passé par la grande distribution (Monoprix, Casino, Carrefour…), il connaît les mécaniques du retail global. Mais surtout, il n’incarne aucun récit de prestige et c’est précisément ce que cherche Fosun aujourd’hui : un pilote fiable, sans personnalisation excessive, capable d’accélérer le développement international du Club Med, notamment en Asie et au Moyen-Orient. Et peut-être aussi de préparer une introduction en Bourse, à Hong Kong ou ailleurs. Car la rumeur refait surface : une IPO permettrait à Fosun de valoriser un actif redevenu précieux, tout en en gardant le contrôle de l’entreprise touristique.
Précipité, le départ de Henri Giscard d’Estaing n’est donc pas une question de performance, mais bien de culture du pouvoir, avec ce message clair : dans un groupe détenu à 100 % par Fosun, les décisions clés du Club Med se prennent désormais à Shanghai et surtout à huis clos. Stéphane Maquaire ira sans doute dans le sens du vent chinois.