Ces initiatives brassicoles qui se distinguent par leur dimension sociale

Cinq membres de l'équipe à la base du projet : Pascal Erpicum, Sébastien Sohet, Alain Dermien, Greg Piotto et Emmanuel Radoux. © MICHEL TONNEAU

C’est le cas avec l’abbaye de Flône qui finalise un financement de 350.000 euros pour se doter d’un outil de production propre sur le site abbatial.

L’origine de l’abbaye de Flône, située à Amay en bord de Meuse, remonte au Moyen-Age. Le premier prieuré date de 1075 et devient un siècle plus tard une abbaye de chanoines (ordre de Saint-Augustin). Quant à la brasserie, elle est relativement plus récente puisque les premiers brassins sont effectués vers 1550 sous l’abbatiat de Philippe d’Orjo. L’abbaye a traversé avec fracas les soubresauts de l’histoire. Elle a ainsi été notamment pillée par les calvinistes en 1568 et supprimée en 1796 par le pouvoir révolutionnaire français. Plus d’un siècle plus tard, elle retrouve un usage. En 1921, les Dames de l’instruction chrétienne acquièrent les bâtiments et les transforment en institut. Cette introduction un peu longuette pour souligner que la prochaine brasserie, qui devrait logiquement voir le jour dans deux ans, s’inscrit dans une histoire longue. Et pour le coup, les bières de l’abbaye de Flône seront brassées réellement dans une abbaye. Ce qui à l’exception de nos six trappistes – une obligation pour mériter le label – est devenu une rareté qui mérite d’être soulignée.

Une histoire de potes

La (re)naissance de la brasserie est d’abord et avant tout une histoire entre potes : Emmanuel Radoux, Pascal Erpicum, Sébastien Sohet, Didier Vinken, Alain Dermien et Greg Piotto. Ils ont mis sur pied en 2017 une SCRLFS (société coopérative à responsabilité limitée à finalité sociale), naturellement baptisée Les Bières de l’abbaye de Flône, qui fait suite et complète une ASBL éponyme fondée en 2015. Tout commence, en effet, quelques années plus tôt quand Emmanuel Radoux, président de la société coopérative, et quelques autres parents décident d’aider l’institut, notamment en matière de sécurisation et de mobilité. ” Quand on venait chercher ses enfants, c’était plus embouteillé que l’avenue Louise, glisse-t-il. Nous nous sommes dit, en concertation avec l’école, que nous pouvions apporter notre pierre à l’édifice. Plutôt que vendre des gaufres ou des chocolats, nous avons proposé une bière sous l’appellation Cuvée d’Orjo en mémoire de l’abbé brasseur. Cette première cuvée a été brassée par la brasserie du Flo à Blehen, dans l’entité de Hannut, et proposée lors de la fancy-fair. Au total, nous avions un brassin de 400 litres, soit 1.200 bouteilles de 33 cl. Nous pensions l’écouler en quelques mois mais tout est parti en quelques heures. Ce succès inattendu a généré dans la foulée commande sur commande. ”

L’inauguration de la brasserie de l’abbaye de Flône est prévue à l’horizon 2020 avec un premier objectif de 300.000 bouteilles de 33 cl.

Tant et si bien que les deux bières de l’abbaye de Flône – la Cuvée d’Orjo et la Cuvée Béthanie – sont aujourd’hui brassées par la Binchoise. Les prochaines étapes sont donc la construction d’un bâtiment et l’implantation d’une brasserie sur le site même de l’abbaye de Flône. La coopérative est pilotée par l’ASBL dont l’objet social est l’amélioration du mieux-vivre au sein de l’école, le soutien aux projets pédagogiques de l’école et le soutien au patrimoine de l’abbaye. Une évolution logique à double titre. D’une part, elle répond à une demande locale croissante – dans un rayon de 30 km – et d’autre part, la structure de la coopérative permet aux parents qui le souhaitent de s’investir dans le projet. Un projet qui est également ouvert au public.

Devenir coopérateur

Les Bières de l’Abbaye de Flône ont lancé il y a un an une levée de fonds de 350.000 euros validée par la FSMA avec un objectif de 100.000 euros souscrit auprès du public pour la fin de cette année. Un objectif en passe d’être atteint avant l’échéance. L’éventuel investisseur pourra encore acheter des parts de la coopérative d’une valeur de 50 euros (avec un plafond de 5.000 euros) par la suite mais s’il le fait avant le 31 décembre, il bénéficiera d’un avantage fiscal appréciable. ” En tant que coopérative start-up, nous bénéficions d’un tax shelter et d’une déduction fiscale de 45% pour l’exercice 2018, souligne Pascal Erpicum, administrateur de la coopérative en charge des finances. Via cette formule, chaque part revient donc au coopérateur à 27,50 euros et s’il décide plus tard de revendre celle-ci, ce sera sur base de 50 euros. En 2019, il y aura encore une déduction possible mais elle sera un peu moins significative. ”

L’appel au public compte pour environ un tiers du financement, le solde se répartissant entre un apport de partenaires publics dont certains ont déjà marqué leur intérêt et un prêt bancaire classique. ” Si les 100.000 euros vont probablement être engrangés d’ici la fin de l’année, rien n’empêche les personnes intéressées d’acquérir des parts, poursuit Pascal Erpicum. Elles peuvent se rendre sur notre site internet abbayedeflone.be et y sélectionner l’onglet ‘coopérative’. Un formulaire simple à remplir leur est proposé et elles pourront également y dénicher toutes les informations sur le projet. ” Notamment sur son objet social qui se décline selon trois axes : le bien-être à l’école, la valorisation et la promotion du patrimoine et la dynamique entrepreneuriale.

Didier Vinken, le sixième larron de l'équipe, déguste une des deux cuvées qui seront produites à l'abbaye de Flône.
Didier Vinken, le sixième larron de l’équipe, déguste une des deux cuvées qui seront produites à l’abbaye de Flône.© PG

Patrimoine remarquable

Les promoteurs du projet sont très impliqués dans la finalité sociale de la future brasserie. ” Nous poursuivons trois objectifs, détaille Emmanuel Radoux. D’abord, le mieux-vivre à l’abbaye en apportant notre écot aux travaux d’aménagement et de rénovation de l’école, comme la remise aux normes de l’électricité. Ensuite, le patrimoine. L’abbaye de Flône est remarquable à bien des égards. Au 16e siècle, elle jouissait d’une notoriété comparable à celle de Cluny et le site, de par son histoire et son architecture, jouit d’un réel potentiel touristique. Certaines parties sont d’ailleurs classées au patrimoine majeur de Wallonie comme le buffet et les orgues de l’église. Enfin, n’oublions pas la dimension entrepreneuriale de la brasserie et l’impact qu’elle peut avoir auprès des élèves qui pourront, dès les primaires, voir en pratique comment fonctionne une start-up. ” Les fonds permettront de financer la construction d’un bâtiment qui accueillera la salle de brassage ainsi que les cuves de fermentation. L’embouteillage sera toujours réalisé par la Binchoise qui dispose des installations ad hoc.

L’inauguration de la brasserie de l’abbaye de Flône est prévue à l’horizon 2020 avec un premier objectif de 300.000 bouteilles de 33 cl, soit un bon millier d’hectolitres (250 en 2018), ce qui reste encore modeste par rapport à AB InBev mais s’avère déjà très appréciable pour une micro-brasserie. Les deux bières actuelles figureront toujours à la carte : la Cuvée d’Orjo, ambrée titrant 8% en volume, et la Cuvée Béthanie, blonde à 6,2%. Aujourd’hui, on peut déjà les trouver localement dans l’horeca, la distribution et des drink centers. Ainsi qu’en vente en ligne. Elles seront également prochainement présentes dans les Carrefour et Delhaize. Avec un outil de production en propre, la brasserie amaytoise engrangera davantage de rentrées et pourra facilement augmenter ses capacités en fonction des demandes qui devraient assez rapidement dépasser le niveau local.

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