Fondé le 1er avril 1975, le Ceran continue à dispenser ses formations linguistiques en immersion complète, tout en adaptant son offre aux demandes de ses clients issus des milieux les plus divers.
L’histoire du Ceran débute au retour d’Afrique de René et Monique Bastin. Après 10 ans d’enseignement au Burundi, ils posent leurs valises à Nivezé et achètent en 1975 une ferme qu’ils transforment en espace d’apprentissage du français.
“Leur méthodologie originale était basée sur un accompagnement complet des participants, explique Roland Bartholomé, directeur commercial et marketing du Ceran. Ceran est par ailleurs l’acronyme de Centre d’étude et de rencontre à Nivezé. La dimension culturelle est essentielle dans les différentes méthodes qu’ils ont développées et qui font appel à l’immersion linguistique complète. Les maîtres-mots de leur méthodologie sont la répétition, la systématisation et l’automatisation, notamment grâce aux échanges et interactions.
Une formation au Ceran est une véritable expérience humaine qui se déroule dans un environnement d’apprentissage à la fois professionnel et convivial. Les premiers cours dispensés concernent le français, qui est encore dans les années 1970 une langue internationale de premier plan, mais l’anglais commence à devenir de plus en plus important. C’est pourquoi, assez rapidement, les fondateurs ajoutent cette langue à leur offre, ainsi que le néerlandais et l’allemand, même si l’anglais a seulement définitivement supplanté le français dans les années 2000.”
Extension dès les années 1980
Devant le succès croissant de ses formations linguistiques, le Ceran acquiert, en 1984, le Château du Haut-Neubois, situé sur les hauteurs spadoises. Cette bâtisse construite en 1908 témoigne de l’âge d’or de la ville d’eau, alors lieu de villégiature de la noblesse et de l’aristocratie, ainsi que des grandes familles industrielles de l’époque. Ses premiers propriétaires furent d’ailleurs la famille Pelzer, une dynastie d’industriels lainiers verviétois avant de passer au fil des ans entre différentes mains.

Au mitan des années 1980, il est racheté par René et Monique Bastin et deviendra le vaisseau-amiral du Ceran. Aujourd’hui, ce dernier y développe ses activités et organise des séminaires résidentiels et intensifs déclinés en 11 langues. Aux quatre langues déjà citées – et qui représentent grosso modo 85% des langues étudiées – se sont ajouté progressivement l’italien, l’espagnol, le japonais, l’arabe, le russe, le portugais et le chinois. D’autres langues peuvent être proposées en fonction des demandes.
Un mix privé-business
“Au départ, nous avions au sein des participants un mix entre privé et business, enchaîne Roland Bartholomé. Nous recevions également davantage de diplomates. Cette clientèle a quasi disparu, les diplomates étant mieux formés au niveau des langues aujourd’hui. Nous avons également décliné le concept relativement rapidement pour les plus jeunes. Ainsi, nous avons depuis 1989 un centre de formation pour jeunes de 9 à 17 ans au Collège Saint-Roch à Ferrières, qui est actif durant les vacances d’été (neuf semaines). Nous en recevons environ 150 par semaine annuellement pour l’anglais, le français, le néerlandais ou l’allemand. Ils proviennent à 15% de Belgique et à 85% de l’étranger.”
Dans les années 2010, le Ceran a ouvert son premier centre “City” à Bruxelles (2011), suivi rapidement d’un second à la Défense à Paris (2012). En 2019, le Ceran rejoint le groupe français Châteauform’. Fondé en 1996, celui-ci a développé un concept innovant pour les réunions, séminaires, formations et événements d’entreprises dans des lieux à la fois exceptionnels et conviviaux.
De la tête couronnée au manager en passant par le politique
“En ce qui concerne les langues, nous avons des publics distincts, détaille le directeur commercial et marketing. L’apprentissage de l’anglais, par exemple, s’adresse plus spécifiquement à des personnes pratiquant déjà la langue mais qui souhaitent s’améliorer, à des personnes qui désirent travailler un sujet ou un domaine précis, et à des personnes qui proviennent de pays plus lointains, hors Europe.”
En Belgique, le néerlandais conserve son importance, tant pour des managers étrangers qui viennent travailler dans notre pays et ne connaissent pas la langue de Vondel que pour quelques politiques qui la maîtrisent mal, voire pas du tout. Sans dévoiler de grands secrets, on peut citer parmi les personnalités qui sont passées par Spa des politiques tels que Didier Reynders, Elio Di Rupo ou Joëlle Milquet. Quelques têtes couronnées ont également transité par le Château. On croise parfois un acteur amené à interpréter un rôle dans une langue étrangère venu parfaire son élocution et son accent ou un entraîneur de football débarquant dans un nouveau pays et une nouvelle culture et qui souhaite pouvoir rapidement répondre aux questions de la presse.
Issus du monde de l’entreprise
“Nous avons une clientèle assez variée lorsque l’on se penche sur la fréquentation du Ceran depuis 50 ans, confirme Roland Bartholomé. Mais aujourd’hui, si nous recevons encore quelques représentants de la politique ou de familles royales, la majorité des participants à nos formations provient du monde de l’entreprise.”
La clientèle du Ceran se compose à parts égales entre personnes provenant de Belgique et personnes provenant de l’étranger. Bon an mal an, ce sont 7.500 personnes qui participent à l’une ou l’autre formation linguistique, ce qui représente quelque 180.000 heures de formation. Le Ceran compte une centaine de collaborateurs auxquels il convient d’ajouter 240 formateurs indépendants, notamment pour les cours en été au Collège Saint-Roch, ainsi que pour les formations à distance. L’an dernier, le Ceran a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 11,5 millions d’euros, dont un bon quart réalisé par la formation à distance.
“Si nous recevons encore quelques représentants issus de la politique ou de la royauté, la majorité de nos participants provient désormais du monde de l’entreprise.” – Roland Bartholomé, directeur commercial & marketing
Développement de la formation à distance
“Celle-ci était quasi totalement absente en 2019, prolonge Roland Bartholomé. Nous réalisions alors un chiffre d’affaires de 9,5 millions exclusivement en présentiel. Nous progressons après avoir traversé deux années difficiles (2020 et 2021) durant la crise sanitaire. Il y a clairement un avant et un après-covid en ce qui nous concerne.”
Basée sur l’immersion, la méthodologie du Ceran a été directement impactée. “Avec cette crise, notre transformation s’est accélérée, intervient Jean de Villeneuve Bargemont, directeur général du Ceran, particulièrement concernant les formations à distance, dont le volume est passé d’une centaine d’heures par an pré-covid à plus de 50.000 en 2024. Aujourd’hui, plus d’un parcours de formation sur deux se fait à distance. Tout en conservant notre ADN, nous avons adapté notre méthodologie à cette nouvelle modalité et développé les outils digitaux nécessaires qui l’accompagnent. L’IA est depuis venue ajouter une couche de complexité et d’opportunité. Elle ne supprime pas la formation, elle l’oblige à évoluer.”
“Aujourd’hui, plus d’un parcours de formation sur deux est à distance. Nous avons adapté notre méthodologie à cette nouvelle modalité.” – Jean de Villeneuve Bargemont, directeur général
“Nous avons globalement traversé, depuis la création du Ceran, quatre évolutions ou révolutions, analyse Roland Bartholomé. D’abord dans les années 1990, le début de la numérisation avec les CD-ROM qui se substituaient aux cassettes ainsi que l’émergence d’internet. Ensuite, la ‘distancialisation’ qui est apparue dans les années 2010 et qui s’est grandement accélérée depuis cinq ans. La troisième évolution à laquelle nous sommes actuellement de plus en plus confrontés est l’ubérisation de l’apprentissage des langues avec des formateurs qui enseignent une langue via une plateforme internet. Et enfin, l’intelligence artificielle qui influence clairement notre métier.” Au point de le menacer et de remplacer un jour l’humain ?
Le Ceran face au défi de l’IA
“Dans les formations linguistiques, l’IA peut être utile avec l’automatisation de certains exercices ou tâches, notamment la traduction, répond Jean de Villeneuve Bargemont, mais elle ne remplace ni la finesse, ni la culture, ni l’émotion, ni le partage d’expérience. L’IA ne supplante pas l’humain, elle redéfinit son rôle et devient complémentaire. C’est pourquoi, nous faisons le pari de l’innovation raisonnée, en conservant ce qui a toujours fait notre force : l’humain.”
Le Ceran utilise déjà l’IA dans quelques applications dans le dessein d’améliorer la qualité et l’efficacité des services qu’il fournit. Car, outre les innovations technologiques qui bouleversent son activité, le centre de formation linguistique doit également répondre à des demandes de clients qui souhaitent des formats plus courts pour les formations à distance.
L’IA pour évaluer
“Nous avons développé trois bots, précise Roland Bartholomé. Le premier permet de tester oralement avec 3 minutes de conversation le niveau linguistique du client. Cela permet de réaliser 80 à 90% de l’évaluation, mais il y a toujours ensuite une validation humaine par un formateur. Le deuxième assiste nos formateurs dans la méthodologie et permet de générer des phrases clés personnalisées et de favoriser la répétition et la mémorisation. Le troisième bot est lié à un cours de base qu’il structure selon le niveau et les besoins des clients, sous le contrôle du formateur.”
En l’espace de 50 ans, le Ceran s’est forgé une réputation d’excellence dans les formations linguistiques et interculturelles en favorisant, dès l’origine, l’innovation que l’on retrouve depuis sur et dans toutes les langues. Comme peuvent en témoigner plus de 200.000 apprenants qui ont été formés en Belgique, mais également en France et à l’international depuis un demi-siècle. Gageons que le Ceran saura se réinventer pour continuer à former demain toutes les personnes qui souhaitent s’ouvrir à de nouvelles cultures et découvrir de nouveaux horizons.