Catherine Bodson, fondatrice de Pipaillon: “60% de nos ingrédients sont locaux et belges”
Depuis 2014, Pipaillon propose des confitures, des chutneys, des tapenades et autres produits chics, gourmands, bios et complètement artisanaux. L’entreprise continue à déployer ses ailes et vient de s’installer dans un atelier flambant neuf au sein du Groupe Foes, un atelier protégé d’Anderlecht.
Aucun doute, quand on découvre les produits Pipaillon pour la première fois, avant même de les goûter une seule question taraude: le nom. Pipaillon? Simple comme un mot d’enfants, ceux de la fondatrice Catherine Bodson, incapables de prononcer Papillon… “D’ailleurs, la conserverie s’est brièvement appelée Papillon. J’avais choisi ce nom pour l’allégorie de la transformation. Celle des produits mais aussi la mienne après une longue carrière internationale, notamment pour la Commission européenne. Mais le roquefort du même nom avait déjà bloqué la marque pour toutes les utilisations. Pipaillon, souvenir d’enfance, s’est imposé. Car tout ce projet ramène à l’enfance. La mienne avec les confitures de Tante Yvonne, mon vrai bonheur de petite fille. La soeur de mon père avait épousé un fruiticulteur. Elle marchait sur les traces de son père, mon grand-père, Gaston Bodson, fruiticulteur à Herstal. Le savoir-faire à l’ancienne de Pipaillon, c’est celui d’Yvonne. Evidemment, les recettes ont été adaptées au goût du jour. Yvonne utilisait un kilo de sucre raffiné pour un kilo de fruits. Nous tournons aux alentours des 600-800 g de sucre de canne bio. L’un de nos seuls produits qui ne soit pas local.”
Tout est fait à la main
Tous les produits Pipaillon sont artisanaux et faits entièrement à la main. Aujourd’hui, la gamme a été resserrée. Les confitures sont devenues le produit principal. Il y a les Classiques, mono-produits, et les Rock qui associent le fruit à une ou plusieurs épices ou mélangent les fruits. Peu importe la gamme, les noms résonnent! Quelques exemples: Rhubarbra Streisand (rhubarbe classique), Deep Purple (myrtille classique), Paint it Black (mûre classique), Dancing Quince (coings, épices et pain d’épices), God Save the Quince (coing et orange), etc.
“Au début, il y avait de fait beaucoup de choses, confie Catherine Bodson. Avec Julien Leclercq, mon associé, nous avons mis du temps à trouver ce qu’on pouvait, voulait et aimait faire. Et évidemment ce qui était acceptable en termes de coût de production. Certains produits ont été arrêtés car en fin de compte, le coût de production dépassait le prix de vente. Nous voulions garder tous les modes de conservation: sucre pour les confitures, sel pour les citrons confits, vinaigre pour les chutneys et huile et pasteurisation pour les tapenades. L’idée est aussi d’avoir des produits qui se consomment tout au long de la journée. Quand l’atelier se trouvait à l’arrière du magasin, les clients ont servi de testeurs. Ils ont trouvé certains noms de produits, donné leur avis. Clairement, les confitures avaient le plus de succès.”
Une super empoteuse
Pipaillon possède toujours son épicerie située quai au Bois à Brûler dans le quartier Sainte-Catherine à Bruxelles. Elle n’a plus toutefois plus aucune fonction horeca (sauf événements ponctuels). Depuis quelques semaines, Pipaillon a rejoint les locaux du Groupe Foes, un établissement de travail adapté (ETA) situé rue Rauter à Anderlecht. La conserverie y termine l’aménagement d’un atelier flambant neuf. Une évolution rendue possible par une levée de fonds de 160.000 euros (la première) réalisée auprès de Spreds et de BeAngels. “Pendant cinq ans, ce fut friends, family and fools, sourit Catherine Bodson. Certains ont eu de vraies sueurs froides (rires…). Pour poursuivre l’expansion que j’aime lente, il fallait procéder à cette levée de fonds pour partie via le crowdfunding. Elle a autorisé le lancement de la boutique en ligne qui nous permet de livrer dans le monde entier, le développement de nouveaux produits comme les pickles bientôt disponibles et l’aménagement de ce nouvel atelier. Tout le matériel nous appartient, le Groupe Foes a réalisé les travaux d’infrastructures moyennant le payement d’une mise à disposition évidemment. L’idée est aussi d’utiliser l’ETA pour rationnaliser notre production. La rendre plus supportable physiquement aussi. Tout est fait à la main chez nous. Du décou-page des fruits à l’étiquetage et l’em- potage. Je suis d’ailleurs une super empoteuse! Le personnel de l’ETA va nous aider pour le découpage, l’étiquetage et le lavage des pots.”
Cinq salariés
Pipaillon, ce sont cinq salariés: trois dans l’atelier, un dans la boutique et un responsable administratif et financier. La conserverie artisanale a produit 60.000 pots en 2019, elle s’attend à en sortir 80.000 cette année. Le nouvel atelier devrait permettre d’aller jusqu’à 120.000 pots sans dénaturer le modèle artisanal. “Au-delà, il faudra dédoubler le modèle et ouvrir un deuxième atelier, assure Catherine Bodson. Car il est hors de question de devenir industriel. Il est crucial de préserver le savoir-faire artisanal. Soixante pour cent de nos ingrédients sont locaux et belges. La provenance locale est privilégiée mais parfois, c’est juste impossible. Cette année, la récolte des coings a été catastrophique en Belgique et nous nous sommes donc tournés, pour moitié, vers la France. Les figues, comme les agrumes, proviennent d’une coopérative bio sicilienne. Quant aux mangues, nous avons essayé l’arrivage frais par palette. Logistiquement, ce fut un cauchemar. Nous avons opté pour des mangues bios surgelées. Et cela marche très bien.”
Si la boutique bruxelloise (comme le site d’e-commerce) est la seule à proposer l’ensemble de la gamme, les produits sont aussi disponibles dans des épiceries haut de gamme et des magasins bios comme Färm ou Sequoia et l’ensemble des Bioplanet du groupe Colruyt. Cette incursion dans la grande distribution ne se limite pas à ça. “Nous sommes aussi présents chez Cru, conclut Catherine Bodson. Nous y proposons des produits saisonniers à façon labellisés Pipaillon. La même démarche a cours chez Rob, qui prend aussi certaines parties de notre gamme. Pour Rob, nous fabriquons aussi une confiture avec de magnifiques agrumes de Perdine, l’un de leurs fournisseurs espagnols. Perdine était tellement content que nous travaillons aussi en direct avec eux pour des confitures destinées au marché coréen. Ces grandes enseignes de la grande distribution jouent le rôle de prescripteurs. Nombre de leurs clients rentrent chez nous de cette manière et veulent découvrir le reste de la collection Pipaillon.”
Pipaillon a aussi développé pour Delhaize la marque Lucky et ses trois parfums. Impossible pour la conserverie de produire les quantités nécessaires. C’est un industriel belge dont le nom est tenu secret qui s’y colle suivant la recette et la charte de qualité définies par Pipaillon. Cet exercice n’empêche pas l’entreprise de rechercher à s’étendre en Flandre et ailleurs. Toujours dans des magasins plutôt haut de gamme et à haute valeur ajoutée.
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