Car-wash et pénurie d’eau: le lavage auto doit-il sauver sa peau?
Souvent décrit comme gourmand en eau, le secteur du car-wash pourrait bien être plombé par les sécheresses de plus en plus fréquentes. En France, des car-wash ont déjà été fermés totalement ou partiellement. Se dirige-t-on vers une crise du lavage auto?
Inventé il y a plus de 60 ans en Allemagne par Weigele et Sulzberger, le car-wash est considéré par certain comme une aberration écologique. D’autres évoquent un secteur en danger si les mesures pour réduire les dépenses en eaux s’intensifient. Deux constats qu’il faut cependant nuancer.
Pas un seul type de car-wash
Comme l’explique Johan Maesen, porte-parole de la BBRV, l’association professionnelle belge pour le nettoyage des véhicules, et représentant des car-wash chez TRAXIO la Fédération de la Mobilité, “il n’existe pas de profil type de car-wash ». Le secteur étant en cours de structuration, il n’existe pas de véritables statistiques concernant le nombre de car-wash en Belgique. On a donc tout au plus une estimation. Ainsi il y aurait probablement 450 tunnels de lavage entièrement automatisés, 1.600 portiques de lavage (roll-overs) et 2.500 car-wash en libre-service. Le secteur est aussi polymorphe puisque, s’il est plutôt constitué d’acteurs majeurs (qui gèrent plusieurs car-wash), il existe aussi bon nombre de petites PME. Autre fait notable, le marché belge est épargné par le mouvement de consolidation que l’on observe à l’étranger.
«Nos principaux postes de coûts sont le personnel, l’eau, l’électricité et “la chimie”, soit le savon par exemple. Il y a aussi les investissements qu’il faut rentabiliser», précise encore Maesen. Or la crise énergétique et l’inflation ont ici aussi augmenté les coûts. « Tous type de car-wash confondus, les coûts ont augmenté de deux euros par voitures. On n’a eu d’autre choix que d’ajuster les prix. » Et si faire tourner un car-wash demande généralement peu de personnel, sa rentabilité peut varier en fonction du type de station. Par exemple, « un car-wash manuel en libre-service nécessite en soi peu d’espace mais est chronophage. Il demande un investissement de grosso-modo 350.000 euros, car il doit nécessairement être équipé de minimum 4-5 box pour garantir sa rentabilité et un chiffre d’affaires qui oscille entre 12 000 et 16.000 euros par mois. En ce qui concerne les tunnels de lavage, la situation est complètement différente puisque l’investissement est très élevé. Il peut facilement atteindre 1,5 à 2,5 millions d’euros. On estime qu’un tel car-wash est rentable en 3 ans, mais il faut que le volume soit suffisamment important pour faire tourner l’installation. Certaines peuvent ainsi traiter 100.000 voitures par an.
Un Belge va, en moyenne, 4 fois par an au car-wash. Aujourd’hui, laver sa voiture en self-service coûte en moyenne 5 euros. Il faut par contre compter en moyenne entre 15 et 18 euros pour le tunnel. Un montant non négligeable puisqu’il représente une heure et demie de travail pour un ouvrier.
Mais le prix n’est pas toujours déterminant. Selon Traxio 45 % des clients optent pour le programme le moins cher, 30 % pour le programme intermédiaire et 25 % pour le programme le plus onéreux. Dans certaines régions c’est plus de la moitié des clients optent pour le programme le plus cher.”
Des car-wash fermés en France
La sécheresse a durant l’été 2022 poussé la France à fermer durant quelques semaines 90% des 14.000 car-wash français. Le secteur français craint aujourd’hui que ce genre d’initiative se répète à l’avenir et finisse par plomber le secteur. Une crainte qui n’est pas partagée, pour l’instant, par le secteur belge. Le secteur du car-wash belge est même en pleine expansion et particulièrement rentable. L’inquiétude est d’autant moins grande que les autorités en Belgique a tout au plus interdit le lavage à domicile dans certaines communes. Un parti-pris surprenant puisqu’il semblerait que le car-wash soit moins gourmand en eau que le lavage manuel.
Moins qu’un lavage à la maison
Il n’existe pas de chiffres qui permettent de déterminer exactement combien d’eau le secteur des car-wash consomme, mais les acteurs du secteur l’affirment, une visite au car-wash ne consommerait pas forcément plus d’eau que de laver soi-même son véhicule. Selon Bruxelles environnement, entre 70 et 900 litres d’eau sont utilisé par lavage selon le type de car-wash (voir encadré) et ses options supplémentaires. C’est pour la plupart moins qu’un lavage manuel à domicile qui oscillerait selon les estimations entre 100 et 300 litres.
Consommation moyenne brute de litres d’eau par lavage:
Car-wash portique: 100 – 350
Car-wash tunnel: 200 – 650
Car-wash manuel: 70 – 80
Car-wash mobile: 350 – 900
Lavage du bas de caisse: 100 – 120
Car-wash sec (soit un lavage par pulvérisation de produits et microfibres pour le séchage, un car-wash encore anecdotique en Belgique): 4 – 5
Car-wash à vapeur (il concerne l’intérieur des voitures): 3 – 7
Selon Johan Maesen, en fonction du type de station de lavage, un lavage nécessite de 500 à 600 litres d’eau. « Mais seuls 10 % de l’eau est ‘fraîche’, les 90 % restant sont recyclés et constamment réutilisés. En outre, la plupart des car-wash utilise des réservoirs d’eau de pluie. L’eau de ville n’est que le dernier recours.” Or, en sachant que lavage à domicile est souvent réalisé avec de l’eau du robinet et que le débit moyen d’un robinet de jardin s’élève à environ 20 litres par minute, laver sa voiture à la maison consommerait pratiquement le double d’eau neuve qu’un passage au car-wash. Toujours selon Traxio, laver sa voiture dans un car-wash ne consommerait pas plus d’eau qu’une longue douche.La chaîne de car-wash Wash (TotalEnergies) a elle aussi tenté de chiffrer la consommation d’eau des différents types de lavages. Elle estime qu’en moyenne, « laver sa voiture en station au jet haute pression consomme 50 litres d’eau, alors qu’un lavage au rouleau consomme 170 litres ». Et pour un lavage à domicile, elle compte encore plus largement puisqu’il faudrait 300 litres d’eau en moyenne, « soit 6 fois plus qu’un lavage haute pression et presque deux fois plus qu’un lavage aux rouleaux. »
Réutilisation de l’eau
Plus que le nombre de litres d’eau utilisée, laver sa voiture dans un car-wash serait aussi plus écologique en raison du traitement des eaux usées. Opter pour le car-wash permettrait en effet de moins polluer le sol. Les eaux d’un lavage de voitures charrient toutes sortes de polluants (détergents, huiles, HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). On peut les comparer plus ou moins aux eaux pluviales de ruissellement qui proviennent des autoroutes. Or toute station de lavage professionnelle est tenue d’observer une réglementation stricte en matière de recyclage de l’eau, de séparation des huiles et des graisses, de recours à des produits biodégradables. Cette réutilisation des eaux peut prendre deux formes. Soit on réutilise l’eau pour les parties moindres du véhicule comme les jantes ou le dessous du véhicule (le bas de caisse), soit on la recycle complètement. La seconde technique n’est cependant rentable que pour les plus grosses installations. Car réutiliser l’eau implique un investissement dans des équipements, un puits de stockage et de l’électricité pour actionner les machines.
Toujours selon Traxio, ce constat d’un car-wash plus écoresponsable ne vaut cependant que pour les car-wash professionnels automatique et non pour les dénommés car-wash à la main, soit ceux ou ce sont des hommes qui manient karcher et loques. Dans certains cas, travailler avec l’eau courante reste effectivement moins onéreux et « les car-wash non réglementés ont tendance à se montrer moins respectueux de ces prescriptions et de la législation sociale.» Ces car-wash illégaux sont même une spécificité belge. On en trouve pas ou très peu chez nos voisins ou les contrôles sont plus fréquents et plus strictes. Il est aussi très difficile d’évaluer leurs nombres puisqu’ils sont souvent inscrits sous un numéro tva qui correspond à un autre secteur, par exemple celui des night-shop.
Doit-on laver sa voiture ?
Outre le choix sur la manière dont on lave sa voiture, la vraie question est peut-être de savoir si c’est bien utile. Peut-on encore utiliser de l’eau potable pour nettoyer sa voiture qui pollue ? Et une voiture trop propre n’est-elle pas le signe extérieur d’un manque d’écologie ?
Premier constat une voiture sale n’est pas seulement un manque de maniaquerie, c’est aussi illégal. L’automobiliste doit, en effet, légalement veiller à ce que ces phares et ses vitres ne soient pas recouverts de crasses. Ils doivent être propres pour éviter les accidents. Ensuite un lavage régulier de la carrosserie prolonge la durée de vie de la voiture. Laver sa voiture n’est donc pas totalement une complète aberration écologique doublée d’une déplacée vanité. Selon Johan Maesen, « en général, la voiture est le deuxième achat le plus onéreux d’un ménage. Et, au vu de l’investissement, les gens tiennent à en prendre soin.» Comme pour tout, laver sa voiture est donc aussi une question de mesure.
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